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dérobade à laghouat : le président tel qu’en lui-même

  • Dérobade à Laghouat : le président tel qu’en lui-même

    LETTRE DE PROVINCE

    Par Boubakeur Hamidechi
    hamidechiboubakeur@yahoo.fr

    Il n’était pas donc allé à Laghouat pour discourir devant la représentation de l’élite universitaire et, à travers cet auditoire trié sur le volet, faire passer un message au reste du pays. Cependant les journalistes accrédités pour la couverture du voyage étaient étonnamment surpris d’être destinataires de la copie officielle d’une allocution longue de sept pages. Mais alors que s’était-il passé entre-temps ?
    Ce moment entre lequel les services du chef de l’Etat faisaient leur «job» de communicants en distribuant la copie de ce qu’il allait dire et sa «solitaire» décision de s’en abstenir au dernier instant ? Avant longtemps nul ne le saura avec certitude si ce n’est que pareil cafouillage alimentera dans les semaines prochaines toutes les rumeurs. De celles qui spéculeront sur sa santé jusqu’au décodage des caprices du président en personne, dont il a d’ailleurs habitué son entourage. Le voilà, par conséquent, cet Etat qui prend eau de toutes parts jusqu’au vaisseau amiral qui tangue, dérive et ne peut plus donner le cap. A l’exception de la presse officielle, qui s’est empressée de mettre un embargo sur un discours non lu et d’évidence non assumé, de nombreux confrères de «l’autre» presse feront sûrement de l’exégèse journalistique à partir d’un document à l’origine d’un tel désordre. Mais pour l’instant, il reste que l’énigmatique dérobade du président de la République repose et réactualise la question de la crédibilité de notre magistrature suprême. En clair, celui qui l’incarne depuis plus de douze années, est-il encore en mesure de se faire entendre par les Algériens lorsqu’il daigne s’adresser à eux ou, au contraire, préfère-t-il régenter un territoire abstrait ? Reproduisant les postures autocratiques, notre président s’exonère depuis quelques années des devoirs d’écoute et notamment de celle qui concerne la pulsation du pays réel. En effet, après s’être arrogé par trois fois de confortables plébiscites, Bouteflika s’est lui-même fourvoyé, par sa frénésie d’omnipuissance, dans un autisme politique que seuls entretiennent ses courtisans. Passant de «trois quarts» de président à un «président et demi», n’a-t-il pas été condamné de fait à tenir parole sur tout ? Sans fusible, grâce auquel il pouvait se défausser dans la difficulté, ne se retrouve-t-il pas aujourd’hui démuni des subterfuges classiques ? Dès l’instant où il avait commencé à «triturer» la Constitution, voire à la violer et faire un usage excessif de certaines modalités constitutionnelles, il se révélera sous les traits que nous connaissons désormais. Reconduit par deux fois, non pas sur des bilans – que d’ailleurs lui-même s’était accordé à nuancer – mais uniquement sur la légende de l’homme providentiel, il s’est progressivement détaché de la contrainte qu’induit la fonction présidentielle pour se poser en petit monarque sans couronne mais surtout «sans compte» à rendre. Installé dans un absolutisme dont il a fait son vaccin contre les contingences de l’administration du pays, n’a-t-il pas fini par rendre ce dernier ingouvernable ? Autrement dit, à chacune de ses réélections, la même interrogation revient dans les cercles politiques. Qu’a-t-il l’intention de faire de son nouveau mandat, disait-on ? En effet, c’est de l’orientation de sa présidence que devaient se dessiner les horizons de la nation, or l’opacité qu’il a toujours entretenue a engendré la paralysie dans tous les domaines. Illisible politiquement, le chef de l’Etat a fini par inculquer à l’Etat le virus de l’immobilisme par lequel pas une seule institution ne fonctionne comme il se doit, jusqu’à permettre au système dérogatoire, celui des passe-droits, de devenir la règle. Après douze années au sommet de l’Etat et malgré les récurrentes interrogations au sujet même de son style de présidence, il ne semble pas avoir changé en mieux. Ou plutôt si, il a changé en accentuant sa morgue et en faisant table rase du formalisme lié à sa charge. Lui qui à son arrivée au pouvoir prétendait être porteur d’une adhésion populaire peut-il de nos jours en dire autant ? Rappeler, par conséquent, qu’il ne fût jamais un homme de conviction mais seulement une personnalité avide de pouvoir autorise, d’une certaine manière, l’échafaudage des pires hypothèses expliquant son «coup fumant» de Laghouat.
    B. H.