Affaires Des Généraux algeriens,plus dictateur que moi tu meurs (vendredi, 05 mars 2010)

Le cours de l'histoire de l'Algérie a changé par la survenue de nombreux événements en une période de temps relativement courte. La métamorphose que l'armée a subit y a largement contribué. Dans une première phase, l'ANP a connu une série de changements profonds entre janvier 92, date du coup d'état contre Chadli Bendjedid et juin 92, date du meurtre de Mohamed Boudiaf, et qui se sont traduits par l'éloignement des "hommes" de Chadli des postes stratégiques. Les changements les plus importants sont survenus après l'assassinat du président Boudiaf, et c'est cette période critique qui a été la plus mouvementée et sans doute la plus sanglante de toute l'histoire de l'armée, surtout durant l'année 1997.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut remonter un peu dans le temps et plus précisément à la période qui a précédé les événements d'octobre 88; à cette époque mouvementée, les services de la sécurité militaire (DCSM) étaient en pleine décomposition suite à une série de décisions pseudo-politiques assassines prises à la fin des années 80.

Le Syndrome Belkheir

Larbi Belkheir qui était alors chef de cabinet de Chadli Bendjedid en charge de la question "Sécurité Nationale" avait tout fait pour diminuer de l'efficacité des services secrets ou du moins canaliser leur travail. Pour se faire, il avait réussi à convaincre Chadli de la nécessité d'une restructuration des services secrets en vue d'un meilleur contrôle des structures de l'état. Larbi Belkheir savait plus que quiconque qu'il fallait diviser pour durer, et diviser les services secrets n'était pas tâche facile et surtout pas à la portée du premier venu. C'était la raison pour laquelle il avait présenté son projet sous l'optique du modernisme occidental et du souci sécuritaire; en réalité, Chadli Bendjedid avait approuvé cette mesure, parce qu'elle allait le conforter dans son poste, mais aussi parce qu'il fallait absolument séparer Kasdi Merbah (l'homme qui l'avait amené au pouvoir) de ses anciens contacts qui étaient restés actifs au sein de la DCSM.

Le général Medjdoub Lakhal Ayat qui avait été désigné à la tête de la direction centrale de la sécurité militaire (DCSM) après le départ de Kasdi Merbah, était un personnage tout à fait contraire à son prédécesseur. Ex-officier de l'armée française tout comme Chadli, sa passivité et son attachement au service de la personne de Chadli avaient été des facteurs décisifs pour sa nomination à la tête de la SM. Lakhal Ayat était tout à fait acquis aux thèses révisionnistes de son ami Larbi Belkheir, et avait accepté la division de la DCSM ainsi que la suppression de certains de ses plus importants services sans difficultés face aux insistances de Larbi Belkheir. C'était à cette occasion que le fameux service de la prévention économique (Le PE, une sous direction de la DCSM en charge des investigations de crimes économiques, détournements, malversations, corruption... etc) avait été dissous, à cause du nombre important d'affaires que le service traitait et envoyait pour être jugées à la court des comptes d'une part, mais surtout à cause de la qualité des personnes mises en cause par les investigations du service dans ces affaires et qui venaient de mettre à nu le noyau de ce qui sera quelques années plus tard connu sous le nom de la mafia politico-militaire.
En réalité, au lieu de présenter à la justice les personnes mises en examen pour ce qui était à l'époque considéré comme un délit très grave, les choses ont été simplifiées par l'élimination d'un service tout entier par une simple décision politique; la porte était alors grande ouverte devant tous les rapaces qui n'ont pas perdu leur temps depuis.

Tout cela n'était qu'un des objectifs primaires fixés par Larbi Belkheir, et non pas le plus important, il avait même réussi à imposer l'idée que le nouveau service qui remplaçait la DCSM avait besoin de jeunes cadres et que les anciens étaient bons pour la retraite, et ainsi des centaines de cadres de la DCSM furent mis à la retraite anticipée ou affectés vers d'autres secteurs et remplacés par de jeunes recrues sans la moindre expérience. La passation du savoir n'a jamais eu lieu entre les deux générations du service.

Suite à cela, Chadli Bendjedid avait officialisé le projet de Belkheir par un décret présidentiel, et deux services avaient en effet vu le jour :

* La Délégation Générale à la Documentation et à la Sécurité (DGDS), service responsable de la sécurité intérieure et extérieure du pays, constitué d'anciens cadres de la DCSM (les plus rapprochés de Lakhal Ayat et donc de Belkheir) et d'autres recrutés du civil sur concours ou recommandation.

* La sécurité de l'armée (DCSA) qui avait pour mission la sécurité de l'armée avec pour seule recommandation de ne pas se mêler des affaires qui relevaient du secteur de la Sécurité intérieure, de la sécurité présidentielle, du secteur économique et surtout de la sécurité extérieure. En réalité la SA qui avait du temps de Merbah les pleins pouvoirs (puisqu'elle avait pour mission la sécurité de toute l'armée et par conséquent celle de toute la nation), était reléguée au second plan, celui de simple policier de l'ANP et de simple conseiller à la sécurité nationale.

La fracture était profonde et les mécontents au sein même de la DCSA étaient nombreux, il était dur pour eux d'accepter après des années de loyaux services d'être mis sur une voie de garage. Les cadres de la DCSA avaient refusé cette politique des demi-mesures et avaient tout fait pour désobéir aux ordres reçus (avec la bénédiction de certains chefs) en travaillant sur des affaires qui relevaient désormais de la compétence de la DGDS malgre un appauvrissement très important en moyens materiels décidé par le commandement. La guerre des services commençait à faire rage, chaque service voulait s'imposer sur le terrain, et les potentialités des services opérationnels des deux côtés étaient par conséquent détournées de leurs vraies missions et les décideurs pouvaient ainsi faire des affaires sans être inquiétés.

C'est grâce à la conscience de certains cadres de la DCSA que l'affaire "Mouhouche" par exemple avait vu le jour. Toutes les investigations avaient été faites dans le secret le plus absolu, le prénommé Mouhouche avait été trouvé coupable de détournement de plusieurs millions de dollars avec son complice Toufik Bendjedid (le fils aîné de Chadli), et c'était Larbi Belkheir qui avait donné un coup de pousse à Toufik Bendjedid pour l'obtention du prêt bancaire en devises auprès de la BEA. Quand l'affaire avait été rendu publique, Larbi Belkheir avait réussi à soustraire le fils de Chadli à la justice en l'envoyant par avion spécial à son oncle, en poste au Venezuela, et le petit capitaine procureur militaire de l'époque en l'occurrence le capitaine Belkacem Boukhari (devenu général après la condamnation des leaders du FIS en 90) avait été relevé de ses fonctions à Blida après avoir demandé à écouter Toufik Bendjedid. Il n'avait eu que les insultes de Belkheir au téléphone, avec l'arrogance qui était bien celle de ce dernier.

Belkheir avait joué le rôle de sauveur pour Chadli qui lui cédait la gestion des affaires de l'état un peu plus chaque jour. Une autre affaire avait encore fait du bruit, incriminant l'un des bras droits de Belkhier ; ce dernier l'avait nommé comme directeur de Riadh El Feth (et avant cela comme responsable du projet de contruction de tout le site), le colonel Hocine Senouci avait géré le complexe pour son propre compte et pour celui de Belkheir allant même jusqu'à imprimer des tickets d'entrée pour le centre et qui rapportaient chaque jour des dizaines de milliers de dinars (cash reversé aux comptes des deux complices). Senouci fut arrêté par la DCSA puis relâché sans la moindre poursuite mise à part une réaffectation par Belkheir à la présidence de la république avec quelques millions de dinars en poche. Belkheir avait évoqué un vice de forme de la procédure: la DCSA n'etant pas autorisé à gérer ce genre de dossier qui était désormais clos. Les affaires qui mettaient à nu Belkheir étaient nombreuses, mais les pressions étaient trop fortes et parfois insupportables; à chaque fois qu'une affaire apparaissait, des sanctions suivies de mutations étaient prises contre les officiers qui avaient fait du zèle!

Quelques mois avant les événements d'octobre (mis en scène par Larbi Belkheir & CO pour liquider le FLN des sphères du commandement de l'état au profit de la présidence), les services opérationnels de la DGDS (plus tard DGPS) étaient en plein délabrement. Dotés de nouvelles recrues sans expérience aucune, les services de renseignement en général avaient perdu leur efficacité habituelle ; même le travail qui était fait n'avait plus aucune relation avec la sécurité de l'état, et la plupart des dossiers traités, était ordonnée par le commandement et concernait des personnes bien précises. Ce travail était appelé au sein du service opérationnel : enquêtes de sécurité; leur seul but était la collecte d'informations capables de servir à court ou long terme comme moyens de pressions et de manipulations d'objectifs civils et militaires ! Un objectif visé était une cible atteinte même s'il fallait faire toute une mise en scène pour faire tomber la personne en question.

Comme la compromission a toujours été le meilleur moyen de contrôle et de manipulation des sujets intéressants, Larbi Belkheir aidé par Lakhal Ayat, avait réussi de la sorte à construire une base de données très solide, visant à contrôler toute la classe politique du pays, tous bords confondus.

Suite à la maladie inopinée du gènèral Lakhal Ayat, ce dernier avait demandé au président Chadli de prendre sa retraite. C'était le général Mohamed Betchine qui fut nommé par Chadli en personne au poste de directeur de la DGPS. Chadli avait pensé remplacer plus tard Larbi Belkheir par Betchine, comme il devait le faire quelques années auparavant par le géneral Bouceta, Mais Larbi Belkheir était toujours en alerte et savait agir le moment venu.

En arrivant aux commandes de la DGPS (Direction Générale de la Prévention et Sécurité), après avoir passé plus d'une année à la tête de la direction centrale de la sécurité de l'armée (DCSA), le général Mohamed Betchine s'était vite entouré (comme de coutume), d'officiers en qui il avait confiance et sur lesquels il pouvait compter. La sensibilité de son nouveau poste lui avait imposé certains changements qu'il avait vite opéré à la tête des sous directions de la DGPS, en commençant par les plus sensibles, à savoir le service opérationnel ANTAR à Ben Aknoun, la DDSE, les finances et le chiffre.
Il était impératif pour Betchine de faire un peu le ménage dans cette nouvelle direction qui avait souffert suite à la division de la direction mère (DCSM), et plusieurs officiers à la réputation douteuse ont été purement invités à faire valoir leur droit à la retraite anticipée. Parmi ces officiers figurait le lieutenant colonel Smain Lamari, qui a été chassé par Betchine en personne de son bureau au siège de la direction de la DRS à Dely-Ibrahim après que Smain soit venu demander à son nouveau chef la reconsidération de cette décision.
Smain Lamari dit Elhadj avait alors demandé secours à Larbi Belkheir (avec qui il avait construit avec le temps des liens étroits) qui le sauva ainsi d'une triste fin en le nommant auprès de lui à la présidence de la république.

Comme Betchine lui-même était un officier issu de l'armée régulière, il était biensûr évident que les officiers qu'il voulait auprès de lui soient pour la plupart de la même origine, le reste des officiers furent puisés dans les effectifs de la DCSA où il avait réussi à se construire une base d'appui avec des éléments comme le commandant Abdelhak Benzlikha alias Commandant Abdelhak qui était directeur du CPMI dans la période où Betchine était à la DCSA, et qui avait suivi Betchine à la DGPS et avait pris le commandement du centre opérationnel ANTAR.
Tant que Betchine était à la tête de la DCSA, il était loin des pressions exercées par les différents acteurs du pouvoir, mais au moment où il est passé à la tête de la puissante DGPS, il fut astreint à plus d'obligations dont la plus rude était de rendre des comptes à Larbi Belkheir. Les deux hommes étaient courtois au début mais très vite cette courtoisie avait cédé la place à la discorde et à la mésentente; Larbi Belkheir voulait que tout le monde lui rende des comptes avant le président de la république et donnait même des ordres à Betchine qui n'était pas une personne à faire les petites courbettes face à ce moudjahid de seconde classe qu'il considerait en fait comme un homme au passé douteux.

En novembre 89, Belkheir avait réussi son premier coup de stratège, en réussissant à convaincre Chadli Bendjedid de limoger Kasdi Merbah de son poste de Premier ministre sous prétexte d'une tentative de coup d'état que Kasdi préparait avec l'aide de Betchine d'une part, et de nommer Mouloud Hamrouche qui était le secrétaire général de la présidence (ami personnel de Betchine et rival de Belkheir au siège de la présidence) au poste de Premier ministre à la tête du nouveau gouvernement d'autre part; il venait ainsi de se consacrer maître absolu de la présidence de la république en accumulant le poste de chef de cabinet et celui de secrétaire général. Kasdi Merbah ne pouvait pas du tout imaginer qu'un officier de seconde zone comme Larbi Belkheir pouvait réussir toutes ces combines et avoir raison du maître de l'intelligence en Algérie, mais plus grave encore, il était loin de se douter que ce même officier allait ordonner sa liquidation physique quatre ans plus tard alors que Merbah préparait sa revanche avec le président Mohamed Boudiaf.

Grand calculateur ou génie du mal, Larbi Belkheir préparait son dauphin Mohamed Mediene qu'il avait plaçé à la tête de la DCSA après le départ de Betchine en 1990, pour prendre sa chance. Quand Larbi Belkheir ne pouvait plus contrôler Betchine, il était très facile pour lui de convaincre une fois de plus Chadli de le remplacer. Le candidat au poste de la nouvelle direction unifiée DGPS-DCSA (Appelée DRS par décret présidentiel une fois de plus) était fin prêt ; le général Mediene Mohamed Alias Toufik, un produit fait maison que Belkheir avait façonné comme un artiste. Toufik était chef de sécurité au bureau de la 2ème région militaire à Oran (DRSM2) au moment où chadli était chef de région, les deux hommes se rencontraient très souvent autour d'une table pour jouer aux cartes avec entre autres Belkheir. Toufik était déjà à cette période très proche de Chadli qu'il couvrait vis-à-vis de la DCSM. Chadli avait eu des altercations avec l'officier prédécesseur de toufik au poste de DRSM2 parce que l'officier en question faisait son travail et menait des investigations sur l'enrichissement illégal de certains notables à Oran intimement liés à Chadli. La nomination de Toufik était une aubaine et les trois hommes ne se quittaient jamais.

Smain Lamari a été promu après le départ de Betchine au grade de Colonel et nommé plus tard à la tête de la DCE (Direction du Contre Espionnage). Larbi Belkheir avait réussi (façon Frankenstein) à créer les deux monstres les plus redoutables de toute l'histoire de l'Algérie; sa seule motivation était l'enrichissement personnel et la protection de ses biens. Des années plus tard, les produits de cette macabre science du complot, surpassèrent le maître et restent encore à ce jour à leurs postes.

De Chadli à Zeroual

A la fin de l'année 1991, lorsque la situation en Algérie était bouillante, Le général Mohamed Lamari, alors chef des forces terrestres à l'état major de l'ANP, s'était distingué par son opposition à la politique pro-islamiste du président Chadli qu'il critiquait ouvertement dans les sphères du commandement de l'armée, et plus grave encore, il faisait même du lobying parmi les chefs de l'ANP et appelait au renversement de Chadli par la force. Ses cris étaient tellement forts qu'ils étaient même arrivés à la population civile qui parlait dans la rue de l'imminence d'un coup d'état contre Chadli. Le président de la république eut biensûr connaissance de ces rumeurs qu'il savait fondées, et devant la montée de la pression au sein de l'armée, il demanda au chef de la garde républicaine, le général Mohamed Dib, des informations sur la capacité du corps de la garde républicaine à contrecarrer un coup d'état. La question était surprenante pour le général Dib qui répondit par son incompétence à protéger le siège de la présidence sans l'appui d'armes lourdes car celles-ci avaient été reversées à l'état major de l'ANP au mois d'octobre 91, sur les ordres de Chadli lui-même. Chadli s'étonna de cette réponse qui lui fut confirmée par Larbi Belkheir; Ce dernier lui avait fait signer l'ordre sans même qu'il ne s'en aperçoive.

Partisan farouche de la prise ouverte du pouvoir par l'ANP "comme au Chili", Mohamed Lamari agaçait Khaled Nezar par son arrogance et son indiscipline. Le terme "coup d'état" était un tabou dans le langage militaire, lourd de conséquences, mais Mohamed Lamari fonçait la tête baissée sans réfléchir, et au lieu de faire passer l'éviction de Chadli comme une décision volontaire et réfléchie de démission (pour diminuer l'effet à l'échelle nationale et internationale), les gesticulations de Mohamed Lamari avaient contrecarrer cela et le monde entier parlait de coup d'état militaire, pire il avait donné un argument de taille aux opposants de tout azimut : "l'illégalité", ce qui lui avait valu d'être demis de son poste de CFT le 19 avril 1992, et nommé à un poste fantôme de "conseiller au MDN". Presque tout de suite après, il fut invité à faire valoir son droit à la retraite.

Après la liquidation de Boudiaf, l'ANP fut frappée de plein fouet par les retombés politiques et médiatiques de cette affaire. Le climat au sein de l'institution militaire était des plus électriques, et le fait qu'une poignée de généraux au sommet de cette même hiérarchie ait eu une telle initiative, était une chose tout à fait inadmissible mais surtout dangereuse pour l'avenir de l'ANP. Plusieurs officiers de haut rang s'étaient joints pour condamner ouvertement l'attitude laxiste du ministre de la défense, Khaled Nezar, face à la situation ainsi que celle des services en charge de la sécurité du président.

Ce qui était très grave, est que la situation était sans précédent et que pour la première fois au sein même de l'ANP, des officiers avaient osé critiquer et exprimer ouvertement leurs refus et leur indignation face à un tel acte. L'image était très claire et les suspicions d'un complot n'avaient nul besoin de subsister puisque la certitude était acquise pour une bonne partie du personnel militaire. Pour la nouvelle génération d'officiers, combattre le terrorisme était une mission que l'armée pouvait endosser sans hésitation, mais liquider Si Tayeb, un des piliers de la révolution était tout à fait contraire aux principes même de fondement de l'ANP.
Les généraux Khaled Nezar, Mohamed Touati et Toufik étaient dépassés par les répercutions de l'opération Boudiaf, et avaient très certainement misé sur l'esprit de rigueur militaire et le respect hiérarchique pour contenir toute forme de mécontentement. Le contraire s'était produit, et l'effet était dévastateur : la perte de confiance dans le commandement de l'armée était palpable, ce qui avait obligé les responsables à convoquer, en toute urgence, le conseil de la défense (Chefs de corps et régions militaires ainsi que les différents chefs d'états majors et les inspecteurs) au cinquième jour de l'assassinat du président Boudiaf.

Le jour de la réunion, la gravité de la situation pouvait se mesurer par le poids du silence qui régnait dans la salle de réunion située non loin du bureau du ministre de la défense. Les généraux responsables de la crise en l'occurrence Khaled Nezar, Mohamed Mediene, Mohamed Touati, Mohamed Ghenim, Abdelmalek Guenaizia et BenAbbes Gheziel étaient assis en face du reste des cadres de l'ANP. Nezar et Toufik s'adressèrent successivement aux responsables de l'ANP sur un ton ferme et plutôt autoritaire qui soulignait bien le criticisme du moment et des assurances furent données pour que la justice puisse faire son travail avec le plus de transparence possible (en respectant le secret militaire). Il était bien évident à l'expression affichée par certains visages présents à cette réunion, que les arguments déguisés et les assurances présentées par le ministre et son responsable des services de la DRS étaient loin de convaincre, et cachaient mal une magouille qui sentait le sang.

Quand la parole fut donné aux membres présents, de rares officiers avaient osé s'exprimer demandant des sanctions allant jusqu'à la démission de tous les responsables du corps de la sécurité "comme cela se fait dans toutes les armées du monde", parmi lesquels, le général Hocine Benhadid, le plus jeune général de l'ANP, le général Khelifa Rahim, chef de la deuxième région militaire et Le général Yahia Rahal, inspecteur des forces aériennes. Le général Toufik ne pardonna jamais au général Benhadid de s'être exprimé en premier comme l'aurait fait un fervent opposant à la politique des généraux putschistes, mais aussi et surtout d'avoir osé demander au ministre de la défense de prendre ses responsabilités et de sanctionner les responsables à haute échelle pour préserver la réputation de l'ANP.
Même le général Mohamed Touati avait essayé d'y mettre du sien en banalisant la situation qu'il trouvait tout à fait normale vu l'infiltration de l'ANP par des éléments adhérant au courant islamiste; Boumaarafi était un exemple typique selon lui et pour palier a cette faille, il fallait selon ses termes "faire un peu le ménage dans la maison et sectionner tous les membres malades; "Si ton bras droit te gêne alors coupes-le". Certains officiers ne partageaient pas l'idée de ce "ménage" et ils le firent savoir; chaque mot prononcé, résonnait comme un obus dans la salle!

Face au silence du chef d'état major Abdelmalek Guenaizia, Khaled Nezar finit par perdre son sang froid; ses dernières paroles étaient des menaces très claires contre tous ceux qui mettraient en danger l'unité du rang militaire. Les rares opposants avaient reçu des réponses en messages à peine voilés ; une nouvelle aire avait commencé pour les officiers de l'ANP. Le seul officier qui avait prit la parole après le ministre de la défense était le général Mohamed Lamari; son allocution n'avait pour objectif que le soutien inconditionnel des mesures proposées par Touati et s'était même permis de proposer à Khaled Nezar de prendre les rênes du pouvoir; les civils selon Mohamed Lamari étaient des bons à rien, indisciplinés qui ne pouvaient rien faire d'eux-mêmes ; le peuple algérien qu'il appelait,"société civile" n'avait aucune maturité politique, et donc incapable d'être confié la direction de l'état.


Cette intervention avait sauvé Mohamed Lamari; Khaled Nezar qui cherchait des fonceurs qui ne reculaient devant rien, avait fini par trouver ce qu'il cherchait. Mohamed lamari fut convoqué le jour même au bureau du ministre qui lui annonça de bonnes nouvelles. Le nom de Mohamed Lamari fut rajouté in extremis à la liste des généraux (Mohamed Djenouhat, Tayeb Derradji, Khelifa Rahim et Djouadi Abdelhamid) promus au grade de "général major", le 05 juillet 1992. De plus un nouveau corps fut crée spécialement pour lui, le CCLAS (Commandement de Coordination de la lutte Contre les Activités Subversives), sa mission: La chasse au sanglier.

Quelques semaines après, d'autres réunions, plus intimes, eurent lieu entre Khaled Nezar, Mohamed Touati, Mohamed Mediene, Abbess Gheziel et Abdelmalek Guenaizia, l'ordre du jour était la discussion de l'opération "Ménage". Les décisions qui avaient découlé de cette mesure étaient à peine croyables, des mises en retraite anticipée, des radiations sans droits, des arrestations et même des liquidations physiques de sang froid. Le général Mohamed Lamari était tout le temps sur le terrain et aidé par Toufik, il avait réussi plusieurs opérations sur tout le territoire de la première région militaire, sa devise était de frapper fort et vite les groupes terroristes et rentrer à la base avec zéro prisonnier. Le ministre de la défense lui accordait tous les moyens matériels et humains dont il avait besoin et ses hommes étaient choisis parmi l'élite des forces spéciales (Commandos). Ses méthodes "choc" ne faisait pas l'unanimité parmi les autres officiers de l'ANP, et il s'était fait beaucoup d'ennemis parmi lesquels les généraux : Hocine Behadid, Khelifa Rahim et surtout Abdelmalek Guenaizia, le chef d'état major qui se plaignait tout le temps à Khaled Nezar du comportement de son protégé, mais le ministre de la défense ainsi que Mohamed Touati prenaient toujours la défense de Mohamed Lamari.

Dans le magazine officiel de l'ANP "Eldjeich" paru le 09 mars 1993, le général major Mohamed Touati (porte-parole du MDN et conseiller politique du ministre de la défense Khaled Nezar) avait pris l'initiative de publier un article dans lequel il avait longuement détaillé la position de l'ANP et avait expliqué les raisons du choix fait par le commandement de l'armée pour contrer l'islamisme. L'article signé par Touati était sans précédent de part son contenu, car en réalité le général Touati avait expliqué sa théorie (déjà connue et approuvée par les "Janviéristes" depuis le coup d'état contre Chadli) du tout sécuritaire ou l'éradication. Le message était adressé aux cadres de l'ANP qui devaient comme leurs chefs, adhérer aux fondements idéologiques de la lutte anti terroriste avec des convictions comparables aux arguments staliniens, la seule différence était que Touati avait mis l'accent sur l'unité de l'armée et la sauvegarde de l'Algérie qui était au seuil d'une guerre civile. L'article repris par la presse nationale était aussi destiné à la consommation locale, et visait la mobilisation d'une partie du peuple pour le soutien actif et l'aide des forces de sécurité dans leur combat contre le chaos et l'obscurantisme. Cet appel aux forces vives de la nation était aussi une incitation à la révolte et à la formation d'une résistance locale pour la lutte anti-terroriste.

En claire, le plan de Touati était assez simple, pour ne plus entendre parler de l'islamisme il fallait suivre un plan précis:

* Centraliser le pouvoir décisionnel au sein de l'ANP et dégager un noyau de commandement uniforme.

* Identifier les éléments islamistes présents d'abord dans les milieux de l'ANP et les éliminer au cas par cas.

* Punir avec le plus de sévérité toute personne appelant à la révolte ou à la désobéissance au sein de l'armée.

* Assigner aux services secrets tous les moyens nécessaires à leur mission exclusive qui consiste en la récolte et l'exploitation rapide des informations.

* Ne pas hésiter à pratiquer la méthode de l'exemple à ne pas suivre, pour montrer la fermeté du commandement. Récompenser les bons éléments avec beaucoup de générosité et veiller à leurs promotions (la politique du bâton et de la carotte).

* Impliquer la société civile dans la lutte anti-terroriste et la création de milices d'autodéfense encadrées par des anciens moudjahidin ou des ex-militaires.

* Soutenir la lutte des forces de sécurité par une campagne de propagande médiatique à l'échelle internationale.

* La reprise par l'état de tous les lieux de culte et uniformiser le discours religieux à travers le pays.

* Reformer la société algérienne dans les domaines sensibles de l'éducation, la famille et la justice.

* Création de cours spéciales pour le suivit exclusif des affaires liées au terrorisme et l'application des mesures légales décidées pour la circonstance.

* Organiser le soutien de la lutte anti-terroriste par la communauté intellectuelle et politique à l'échelle nationale et internationale.

 

Ces mesures qui furent appliquées à la lettre par Mohamed Lamari, Toufik et Smain Lamari ont conduit l'Algérie à une situation catastrophique, car Touati avait omis un point très important : le peuple algérien ne croyait plus en ses dirigeants depuis octobre 88.

Pour certains généraux, fervents défenseurs du projet de création d'une armée professionnelle loin de la politique, comme Le général Hocine Benhadid, l'implication de l'ANP dans les événements d'octobre en premier lieu, la destitution de Chadli en second lieu et la mort du président Boudiaf en dernier lieu avaient mis l'ANP dans une position très vulnérable vis-à-vis de la société civile. Le plus grave était que l'institution militaire avait perdu le crédit chèrement acquit pendant la guerre de libération ; en effet parler de l'ANP revenait à citer le passé glorieux de l'ALN et rappelait surtout l'amour et la confiance qui la reliait au peuple algérien, mais tout cela avait disparu. Le tout sécuritaire était une option sans aucune garantie de réussite et la crise politique devait et ne pouvait être traitée que par les politiciens.
Cette conviction avait valu à Hocine Benhadid et à ses "alliés" d'être écarter de la sphère du commandement de l'armée au profit de jeunes loups comme Mohamed Lamari, Fodil Cherif, Said Bey et d'autres généraux qui adhéraient aux thèses éradicatrices de Mohamed Touati, le "Mokh".

Tous les ennemis de Mohamed Lamari furent évincés par Khaled Nezar pour lui ouvrir le chemin vers le sommet, surtout que le ministre de la défense était malade et que ses voyages à l'étranger pour se soigner devenaient de plus en plus réguliers et que son absence du ministère n'arrangeait pas la situation. C'est lors d'une réunion, au début du mois de juillet 1993, au bureau du ministre de la défense, qu'un problème de taille fut soulevé entre les officiers janvieristes: la retraite de Nezar et le choix de son remplaçant. L'ambiance était très houleuse; Touati voulait le poste, Benabbes Gheziel et toufik ne voulaient pas faire de concessions. Khaled Nezar avait de la peine à raisonner les uns et les autres pour arriver à un compromis, et la seule alternative qui avait fait l'unanimité était celle de rappeler la personne qui avait le plus d'ancienneté après Khaled Nezar (pendant l'époque Chadli); cette personne était le général Liamine Zeroual. Le premier problème était réglé, mais Khaled Nezar ne voulait pas partir et laisser son clone (Mohamed Lamari) sans protection, il réussit à obtenir pendant cette même réunion, la démission de Abdelmalek Guenaizia de son poste au profit de Mohamed Lamari qui fut baptisé : Chef Suprême de l'ANP. Guenaizia fut envoyé à Berne comme ambassadeur d'Algérie en Suisse, une retraite bien paisible.

La Liquidation des Généraux

Après le départ de Toufik de la DCSA, il fut remplacé, pendant quelques mois, par le colonel Zeghloul, jusqu'à l'arrivée du colonel Kamel Abderrahmane, le seul officier promu au grade de commandant en novembre 88 pour acte de bravoure. Il avait alors sauvé un char Stationné à Elbiar à Alger, des flammes d'un cocktail molotov et avait payé son acte au prix fort, par de graves brûlures qui lui avaient laissé d'importantes séquelles, malgré des mois de soins au Val-de Grâce (Hopital militaire français situé à Paris).

Le fait que Kamel était chef d'état major de la quatrième région militaire sous le commandement de Betchine était presque sans importance pour Le général Toufik, son dossier au sein de la DRS était très rempli et faisait de lui une marionnette parfaite. En effet c'était presque par hasard que son nom était apparu dans une affaire connue sous le code "Scanner" dans laquelle était impliqué le chef de service VIP ( du mot anglais very Important Personality) de l'hôpital central de l'ANP en l'occurrence Melle Benhamza Fatiha qui avait réussi à construire un réseau d'informateurs de haut niveau parmi ses relations et rendait compte à un officier de la DGSE (elle était tout simplement une espionne). Comme Benhamza était en charge des soins du Capitaine Kamel Abderrahmane, elle avait depuis novembre 88 établi une relation très personnelle avec cet homme qui avait un grand penchant pour les femmes. Quand Kamel fut promu au grade de colonel et juste avant de prendre son poste à la tête de la DCSA, Benhamza était toujours à son poste de directrice du VIP/HCA et continuait toujours de voir son colonel qu'elle recevait dans sa villa à Moreti, elle ne fut mise hors circuit que plus tard. Par égards à ses relations, elle ne fut jamais inquiétée et eut même droit à un bon pécule à sa sortie de l'HCA.
Kamel Abderrahmane était le parfait serviteur de Toufik en qui il voyait le génie bienfaiteur, c'était la raison pour laquelle il n'avait presque aucune autorité sur son directeur des opérations, le colonel Tartag qui rendait compte directement au général Toufik. Kamel Abderrahmane fut limogé de la direction de la DCSA en 95 et nommé aux commandes de la 2ème région militaire à cause d'une faute très grave: il avait perdu, dans la nature, un élément très compromettant pour les chefs.

C'est à ce moment là que Saidi Fodil devait prendre la tête de la DCSA, après un décret de nomination signé par Zeroual à la présidence de la république.

Saidi Fodil fut de loin l'un des meilleurs directeurs de la DDSE; dès sa nomination à la tête de cette direction, il avait opéré un changement radical dans les modes de travail en introduisant les techniques modernes de gestion de l'information, mais il avait surtout essayé de mettre fin à la pratique des nominations parachutes aux postes de chef de bureau de sécurité (BSS) dans les ambassades algériennes à l'étranger, le plus souvent au prix d'une altercation avec ses superieurs Toufik et Smain. Travaillant à l'ombre du ministère des affaires étrangères, sa réputation de redoutable diplomate du secret, il l'avait acquis après le succès remporté lors de la résolution du conflit des Touaregs, qui risquait d'embraser la région entre l'Algérie, le Niger et le Mali, surtout que le côté français avait longtemps essayé d'en faire un cheval de bataille à la manière de la question de l'identité kabyle. De même qu'il avait réussi d'autres coups d'éclats comme celui de la récupération d'un dossier classé, renfermant des preuves de l'implication d'un officier des services algériens en poste à Ankara (Turquie) dans une affaire d'espionnage au profit de la CIA. Il avait aussi obtenu d'importants résultats sur d'autres plans hautement stratégiques pour la défense du territoire.

Comme le bon travail ne peut être apprécié que par ceux qui sont profondément concernés par le devenir de la patrie et de son peuple, le couple Toufik et Smain avaient tout fait pour lui mettre des batôns dans les roues, afin de freiner l'ascension de cet officier parachuté par Zeroual, qui présentait une réelle menace, surtout qu'il était plus instruit que le reste des chefs à la DRS et incarnait la nouvelle génération d'officiers issus des grandes écoles. Les raisons de la discorde avec ses chefs étaient aussi variables que multiples, à commencer par ses liens étroits avec Zeroual et Betchine auxquels il rendait directement compte, sans passer par ses chefs hiérarchiques, le directeur de la DRS, Toufik ou le sous-directeur de la DRS, Smain.

Le général Saidi Fodil, même appuyé par Zeroual ne pouvait affronter Toufik et Smain, et cela pour des raisons multiples, dont la plus importante était la non-disposition d'un service opérationnel propre à la DDSE doté de moyens et capable de mener des investigations comme l'étaient ceux de la DCSA et la DCE. Il était donc presque impossible d'engager des poursuites ou d'assurer un suivi opérationnel des informations récoltées à l'étranger par la DDSE souvent à un prix très élevé.

Le poste de chef de bureau sécurité à l'étranger fut de tout temps très prisé par les officiers de la DRS, mais généralement les officiers sélectionnés pour les postes sensibles à l'étranger (comme celui de Washington, Paris, Genève, Rome, et Londres) étaient ceux qui bénéficiaient de la confiance des chefs. Il faut rappeler qu'un chef de bureau de sécurité en poste à Paris par exemple, est au courant de presque toutes les magouilles et les malversations des hauts fonctionnaires de l'état, c'est la raison pour laquelle la personne nommée à ce genre de poste doit faire partie du cercle de confiance immédiat de Toufik et Smain. La gestion des informations récoltées sert le plus souvent à manipuler les différents acteurs de la scène politique et militaire algérienne.

Avec le temps il est devenu très clair pour l'ensemble du personnel de la direction qu'au sein même de la DRS deux catégories d'officiers coexistent: une qui travaille pour le bien-être de l'Algérie et une autre qui gère les affaires personnelles des chefs à l'intérieur et à l'extérieur du pays moyennant des miettes que les chefs cèdent à leurs serviteurs "au grès de leurs humeurs", surtout que la situation de manque à l'intérieur même de l'ANP encouragent les uns et les autres à rechercher l'intérêt personnel avant celui de la nation, et les chefs ont toujours donné l'exemple à suivre.

Un des problèmes majeurs qui s'était dressé entre Saidi Fodil et Smain Lamari était le dossier de coopération sécurité avec les autorités françaises. Smain Lamari ne voulait surtout pas que l'on touche à sa chasse gardée, et toute forme de correspondance avec le bureau militaire à Paris (chef de l'antenne DDSE en Europe) devait passer d'abords par lui. Saidi Fodil trouvait que Smain lui marchait sur ses plats de bandes. Ainsi cette coopération avec les services français était la source de discorde permanente surtout que Saidi Fodil n'était même pas mis au courant des tenants et aboutissants de cette coopération qui avait pour lui un goût de collaboration "version Vichy" surtout après les concessions faites par Smain (en charge de la sécurité intérieure du pays) et Toufik concernant la sécurité de l'ambassade et des consulats français en Algérie où plus de trois cents militaires français (gendarme pour la plupart, anciens du groupe du GIGN) avaient élu domicile à Alger, officiellement pour la protection des Français en Algerie (comme avait été le cas au Tchad, et plus récemment au Rwanda).

Les normes internationales ne tolèrent pas un nombre de militaires armés, supérieur au nombre des doigts de la main, au sein des ambassades, mais à Alger les choses étaient différentes; les questions de souveraineté avaient été abandonnées au profit d'un intérêt à très court terme, surtout après la prise d'otages de l'airbus de la compagnie francaise, Air France, à Alger en décembre 94.

Plusieurs fois, pendant ou après une campagne d'arrestation d'islamistes algériens en France par la DST, Smain (accompagné du colonel Farid et de deux officiers) était le jour même à Paris, traitant les résultats de l'opération avec son homologue français. Cela agaçait Saidi Fodil qui se voyait doubler à l'extérieur et à l'intérieur du pays ; même ses plaintes auprès de Zeroual étaient vaines ; Zeroual lui-même était gardé tout à fait hors circuit, loin de ce qui se passait et de ce qui se tramait à l'ombre. En définitif, Saidi Fodil avait fini par admettre que le pouvoir central qui tirait toutes les ficelles, était entre les mains de Toufik et Smain, le reste n'était qu'un décor pour servir les besoins des penseurs.

Le coup final était venu de l'affaire "JOBE"; dans cette affaire le chef du BSS à l'ambassade d'Algerie à Genève en l'occurrence le commandant Samir avait réussi (sous couvert d'un de ses amis algériens: Mohamed Hebri) à recruter un policier suisse nommé Léon Jobé travaillant pour le compte des services de sécurité intérieure Suisse (police fédérale Suisse) en charge de la surveillance des islamistes algériens résidents en suisse et c'est ainsi que Samir avait réussi à avoir une copie des dossiers des activistes islamistes, ainsi que ceux d'autres sujets intéressants pour la DRS tel que Hocine Ait Ahmed. Mais comme Jobe trouvait que les renseignements fournis valaient plus que la centaine de milliers de francs suisses qu'il avait reçu, vu leur importance pour le gouvernement algérien ; il était devenu plus gourmand qu'il ne fallait et faisait chanter Mohamed Hebri; il avait même commis la faute d'appeler le MDN et de demander à parler à Toufik. c'est à la suite de cela que Toufik avait décidé de le griller au lieu d'avoir un scandale avec les autorités suisses.

Saidi Fodil était fou de rage lorsqu' il apprit la nouvelle en décembre 94; il était responsable de cette bavure puisque Samir était organiquement sous ses ordres. Ceci avait décidé Saidi Fodil à repartir à son corps d'origine, à savoir le commandement état major ANP, et devant sa persistance Zeroual n'avait trouvé autre alternative que de le nommer à la tête de la 4ème région militaire, son poste d'origine. A cette époque la lutte des clans présidence-MDN commençait tout juste à produire ses premières étincelles.

Une des conditions d'acceptation du poste de la magistrature suprême par Zeroual était d'avoir les pleins pouvoirs afin d'agir en faveur d'une solution politique de la crise algérienne (qu'il avait préparé suite à de nombreuses visites faites aux chefs du FIS incarcérés à la prison militaire de Blida, avec le soutien des autres courants de la classe politique), la rectification de la constitution nationale pour consolider ses prérogatives, la nomination de Mohamed Betchine comme ministre de la défense et la constitution d'un comité de crise avec pour mission la réconciliation nationale.

Zeroual, en fait, devait agir comme un vrai chef d'état selon l'accord passé avec Nezar et Toufik, mais après son éléction tant attendue et qui l'avait conforté dans son poste, Mohamed Lamari et Toufik ne pouvaient pas prendre le risque de perdre leurs postes en acceptant la nomination de Mohamed Betchine comme ministre de la défense par le nouveau président, c'était le premier désaccord entre Zeroual et le gouvernement secret de l'Algerie.
Dans le même état d'esprit, Zeroual avait essayé de faire passer par force la nomination de son ami Saidi Fodil à la tête de la DCSA pour essayer d'avoir pied dans la structure opaque de la DRS, mais dès la signature, au debut du mois de Juin 96, du décret de nomination (qui était en fait un arrêt de mort pour son ami Saidi Fodil), Smain Lamari envoya le 03 Juin 96 une équipe de son escadron de la mort à la 4ème région (region de Ouargla) avec pour mission la liquidation de Saidi Fodil, et bien que sa voiture fut du type blindé, une charge de forte puissance placée sous la voiture lui ôta la vie sur une route droite et déserte le 04 Juin 1996; le maquillage en accident de la route était parfait et le travail de l'équipe de Smain, dépêchée par hélicoptère, accompli. Le message était très clair par rapport à Zeroual qui voulait jouer au président. Une commission d'enquête désignée par le président en personne devait faire toute la lumière sur les circonstances du décès de Saidi Fodil, mais le travail n'a jamais été effectué et le dossier mis aux oubliettes; Mohamed Lamari avait insisté pour baptiser la promotion sortante de l'academie militaire inter-armes de Cherchel, le 1er Juillet 96, promotion: Saidi Fodil.
Pire encore, à chaque fois que Zeroual voulait appliquer ce qui avait été convenu avant les élections, il se voyait doubler et c'était par l'intermédiaire de la presse qu'il l'apprenait.

Presque le même plan déjà suivi avec Boudiaf était appliqué avec Zeroual ,sauf que dans son cas, sa liquidation fut politique après lui avoir collé des dizaines de milliers de victimes sur le dos. Ce même dos qu'il tournait au peuple Algerien, sa peau étant, pour lui, bien plus chère.

La plupart des grands massacres furent systématiquement organisés et planifiés, soit pour contrecarrer les efforts de paix de Zeroual, soit pour ralentir les élans de Betchine qui en avait beaucoup sur le cour.

Saidi Fodil ne fut malheureusement pas le seul général qui à être écarté de cette manière. En 1995, le général Boutighane Ali (l'ennemi farouche de Mohamed Lamari, le chef d'etat major de l'ANP, à cause des méthodes inhumaines utilisées par ce dernier dans la lutte anti-térroriste depuis sa nomination à la tête du CCLAS), fut liquidé à cinq minutes de son bureau au MDN, sur une route principale à dix heures du matin. Le général Boutighane Ali entretenait d'étroites relations avec le général Hocine Benhadid qui fut évincé avec plus d'une centaine d'officiers superieurs car ils constituaient une menace pour le clan Lamari.

Quand Zeroual était nouveau à la tête de l'état en 1994, il voulait avoir comme chef d'état major, un homme (un parent aussi) qu'il connaissait bien, le général Tayeb Derradji qui était réputé au MDN pour son honnêteté depuis son passage au service finances de l'ANP. Ce projet de nomination (qui était très possible à l'arrivée de Zeroual de part la notoriété de son poste de ministre) déchaîna la colère de Mohamed Lamari, qui demanda alors à Toufik de trouver une solution. Smain Lamari le sous-directeur de la DRS prit l'initiative de préparer la liquidation de Tayeb Derradji lors d'un voyage de quelques jours que celui-ci fit à Paris (chez son neveu), à la fin du mois d'octobre 94, en envoyant une équipe de tueurs pour faire le sale boulot.
Toute l'opération fut minutieusement préparée par un certain S. Moustapha alias sous-lieutenant Hafid qui fut rappelé à la dernière minute par Toufik. En effet lorsque Mohamed Touati fut mis au courant de l'affaire, il exprima sa farouche opposition, vu les relations qui reliaient Tayeb Derradji au président d'une part et de la possibilité d'une révolte du clan chaoui à l'interieur de l'ANP d'autre part. Tayeb Derradji venait d'echapper à un vrai guet-apens. Le président Zeroual changea sa nomination plus tard au profit du poste de commandant de la gendarmerie, aprés que Benabbes Gheziel ait accepté de céder sa position moyenant une très importante somme d'argent (un million de dollars, prime de fin de fonction), et un poste permanent de conseiller au MDN.

Toufik avait fait de même avec son chef de la DREC (EX DRE), le général Salim Benabdellah Alias Slim. Ancien officier pilote du président Chadli et ex-responsable du corps du "GLAM", cet officier instruit qui fut aussi pendant longtemps l'attaché militaire auprès de l'ambassade d'Algerie à Washington, avait désapprouvé les méthodes de gestion du directeur de la DRS. Les postes affectés à la DREC (Direction des Relations Exterieures et de la Coopération) avaient toujours attisé les convoitises de Toufik qui les distribuait à sa guise en forme de récompense à ses hommes de main qui en profitaient pour se faire de l'argent (des miettes par rapport aux chefs), au détriment des cadres qui devaient utiliser ces postes pour faire leur travail. A plusieurs reprises le général Slim s'était accroché avec Toufik et Smain concernant le travail. Il finit après une grave altercation avec Smain et craignant pour sa vie, de peur qu'il ne lui arrive la même chose que Saidi fodil, par abandonner son poste sans prévenir personne, au mois de Juillet 96. Il s'envola à Washington où vivait toujours sa famille, en laissant sa démission sur son bureau au siège du MDN. Le poste fut cédé ensuite à un fidèle de Toufik, le jeune général S.Attafi.

Purification à la DRS

Dans leur campagne de purification, les généraux Mohamed Mediene Alias Toufik et Smain Lamari n'ont rien épargné, pas le moindre détail. Ils ont mené une vraie opération de nettoyage à la manière fasciste en commençant par l'intérieur même de la DRS.
Plusieurs officiers de très haut rang (dont certains issue du MALG) furent invités par la voix administrative à faire valoir leur droit à la retraite anticipée, sans préavis, et cela concernait les officiers qui avaient un comportement religieux "selon certains", c'est à dire qui faisaient leurs prières de manière régulière ou qui s'étaient rendu dans le passé à la Mecque pour faire leur devoir de pèlerinage ou avaient exprimé le désir de le faire, sachant que les listes des demandeurs de congé pour les lieux saints étaient disponibles au service du personnel de la direction.

Une vraie chasse aux "sorcières" était engagée, et des cadres qui faisaient dans le passé la fierté de la DCSM s'etaient retrouvés à cause de leur appartenance présumée au courant islamiste, désignés comme des ennemies potentiels du service et donc de la nation parce qu'ils pratiquaient leurs devoirs religieux comme tout Algérien. En réalité leur vrai crime était celui d'être restés honnêtes et profondément nationalistes avec un sens aigu du devoir, sans adhérer aux vices (boisson, femmes, affaires illégales de tout genre) qui étaient devenus les critères du bon militaire. Il est tout à fait inimaginable de décrire ce que ces officiers (qui avaient donné leur jeunesse au service de l'Algérie et qui avaient pour certains plus d'ancienneté que Toufik et avaient occupé à un certain moment des fonctions plus importantes au sein de la DCSM) avaient vécu, en fin de carrière leurs vies furent brisées et leur honneur bafoué.

Concernant le cas des officiers qui s'étaient exprimés ouvertement, soit en donnant leurs avis ou en dénonçant la politique du tout sécuritaire adoptée par le commandement de l'armée et avaient osé traîner du pied lorsqu'il s'agissait d'exécuter les ordres démoniaques de Toufik et Smain (qui pouvaient aller jusqu'à la liquidation physique), Toufik avait opté pour la méthode choc en intimant personnellement à Bachir Tertag (Directeur du CPMI: centre opérationnel de la DCSA à Ben-Aknoun) l'ordre d'arrêter ces officiers sous le motif classique devenu bien courant en ces temps: "propagation de propos subversifs visant à porter atteinte aux institutions de l'état".
Même si les personnes qui étaient dans la ligne de mire n'avaient aucune relation avec le FIS, l'existence d'un parent même éloigné appartenant au parti dissous, était un motif bien plus que suffisant pour les mettre hors circuit, sous le chef d'inculpation :"relation avec une entreprise terroriste ou non-dénonciation d'une entreprise terroriste ". Le but était en fait de les casser et d'en faire des exclus et des traîtres.

Ces mesures très répressives et sans commune mesure avec les soi-disant délits furent ordonnées par le directeur de la DRS et visaient plus particulièrement les officiers pour en faire des exemples à ne pas suivre parmi les esprits encore hésitants au sein de la boite (terme sous lequel était dénommée la DRS) surtout pendant les premières années du conflit.

Toufik avait mis en ouvre une vraie machine de répression qui consommait exclusivement des vies humaines, des militaires qui se voulaient humanistes avant toute chose au service de la justice et du droit.

L'ensemble des effectifs des centres opérationnels fut passé au peigne fin, et les nouveaux éléments furent triés sur le volet parmi les opportunistes et les délinquants de tous bords ; il ne fallait absolument pas qu'ils aient des diplômes universitaires; on ne voulait pas de personnes capables de réfléchir; ce qu'il fallait de préférence, c'était des ex sous-officiers promus pour la circonstance, des machines qui exécutent les ordres, n'importe quels ordres.

C'est le CPMI (Sous le commandement du colonel Bachir Tartag alias Atman) qui fut chargé par Toufik du dossier des militaires gênants qu'il fallait absolument éliminer par n'importe quel moyen. Depuis la fin de l'année 92, le nom de Bachir Tartag est devenu synonyme de peur, de terreur et bien plus grave, ce nom incarne la mort, et la simple citation du centre de Ben-Aknoun suffit à donner des frissons au plus aguerri des officiers; la réputation que le commandant du CPMI a acquis lui a valu une place au soleil: la postérité.

Quand un officier est arrêté (le plus souvent en plein jour et avec beaucoup de tapage) au sein même de l'établissement militaire d'attache, le chef du bureau de sécurité (officier de sécurité, détaché par la DRS dans chaque structure militaire à travers le territoire) est chargé d'entretenir un climat de peur et de suspicion qui rend la vie au sein des casernes, invivable à cause de la perte de confiance, même entre de très proches amis. Dès l'instant où un officier (quel que soit son grade) est sous les feux croisés des services opérationnels et est pointé du doigt par l'officier de sécurité de la caserne, il devient déjà un indésirable que le reste du personnel militaire n'ose plus approcher et d'autant moins lui adresser la parole. Tout le monde a peur d'être associé à cette personne coupable d'être différente du moule sculpté par Toufik et Smain.

Cette stratégie de l'exemple à ne pas suivre est basée sur la moralité du proverbe qui dit : "encore plus virulente que la peste, la peur se transmet en un clin d'oil". A peine, arrêté, la famille de l'officier est délestée de tous les avantages sociaux à commencer par le logement; des dizaines de familles se sont retrouvées à la rue, le logement étant très vite attribué au plus méritant. Dans plusieurs cas, des familles furent obligées de sortir sans avoir le droit de prendre leurs affaires personnelles.

Bachir Tartag a réussi à se construire une réputation des plus macabres, et à trop vouloir satisfaire Toufik en faisant un peu trop de zèle, il a fini par avoir presque autant de sang militaire sur les mains que tous les groupes terroristes réunis. La bavure est admise surtout lorsqu'il s'agit de liquider des témoins gênants ou des officiers à la conscience immaculée. Jamais un officier du service opérationnel de la DRS n'a fait aussi long feu au CPMI (centre principal militaire d'investigation).

Les résultats obtenus par Tartag ont toujours incité Toufik à demander encore plus, jonglant avec les différents directeurs des services opérationnels sur le terrain (le GIS, Groupe d'Intervention Spéciale, commandé par le colonel Abdelkader Khemel, le Centre Antar, commandé à l'époque par le colonel Farid et le CPMI, commandé par Tartag), Toufik faisait figure de chef d'orchestre, et en jouant sur le principe sacro-saint du cloisonnement, il n'hésitait pas à monter un service contre l'autre pour inciter tout le monde à la concurrence et au surpassement.

Il est à la fois difficile et même insoutenable de décrire ce que des officiers, sous-officiers de la république, des cadres militaires supérieurs ont vécu dans les centres opérationnels tel que le CPMI. Mais par devoir de justice, pour que leurs mémoires (pour ceux qui ont péri) soient respectées, il convient de raconter leurs calvaires et leurs descentes aux enfers de Tartag.

A l'arrestation, le sujet est introduit dans la voiture, sa tête est placée entre ses jambes pour qu'il ne reconnaisse pas la destination ; une fois arrivé au centre, la voiture est stationnée devant la porte de la bâtisse qui sert de prison. Le sujet est descendu de la voiture et conduit à l'intérieur avec une cagoule qui est enlevée une fois à l'intérieur. Il est ensuite délesté de tous ses vêtements sous des regards humiliants, pour mettre une combinaison militaire aux odeurs nauséabondes (du même modèle que celle des mécaniciens mais de couleur verte), déjà utilisée par des dizaines de victimes et entachée de sang. Généralement le nouvel arrivé est accueilli par les cris et les supplices d'un autre détenu interrogé dans une des salles réservées à cet usage. C'est le premier choc que reçoit la personne arrêtée, qui devient à partir de ce moment, objet à tous les dépassements. La suite des événements dépend du futur décidé par les chefs pour la personne arrêtée, et suivant le cas une attitude bien spécifique est adoptée par les hommes de Tartag chargés de mener l'interrogatoire, et si le sujet jouit d'une recommandation supérieure, c'est Tartag en personne qui s'en charge.

 

Schéma du batiment d'arrêt au CPMI (Ben-Aknoun)



Si la personne est condamnée à mort, les séances de torture commencent immédiatement par des coups, et la combinaison n'est même pas nécessaire. Le cas du commandant Mohamed Abbassa, un officier marin, est un exemple typique. Arrêté au siège du MDN le matin du premier mercredi du mois de janvier 94; il fut transporté au CPMI où il décéda deux jours plus tard. Depuis le premier jour, ce fut Tartag en personne qui s'occupa de son cas; le motif de l'arrestation: "suspicion d'appartenance à une entreprise terroriste" (son nom avait surgi lors d'un précédent interrogatoire avec un autre officier qui osait dire "non"), et c'est biensûr des noms que Tartag voulait lui arracher, aidé par un autre officier du CPMI (lieutenant Mohamed) qui prenait du plaisir à torturer des officiers supérieurs, gifles et coups de manche à balai pour commencer. Il fut ensuite allongé tout nu sur un sommier métallique et attaché par des sangles et arrosé d'un seau d'eau. Le lieutenant Mohamed lui mis les électrodes aux pieds puis aux organes génitaux, Tartag dirigeait l'opération et demandait la collaboration sous peine de poursuites de la séance de vérité.

A chaque fois que le courant était branché, le lit en entier se déplaçait. Et ce qui rendait Tartag plus nerveux était le silence et la résistance du commandant Abbassa. Et dans les rares moments de répit, la seule réponse de Abbassa était "vous ne savez pas ce que vous faites à l'Algérie, êtes vous seulement conscients ? ". Le chalumeau, la manche à balai, les bouteilles, les fourchettes, toute la panoplie de la torture fut employée par Tartag et son second, et à chaque fois que le commandant Abassa perdait connaissance, Tartag devenait encore plus furieux et le lieutenant tortionnaire était presque dans un état de transe. Au soir de la deuxième journée, ce fut un corps méconnaissable, enflé et brûlé, même au yeux, qui rendit l'âme en murmurant des mots à peine audibles. La dépouille n'eut même pas droit à un enterrement correct.

Un nombre impressionnant d'hommes a péri dans des conditions atrocement semblables, et à chaque fois les corps étaient jetés pendant la nuit dans la rue comme des chiens que l'ont abat; ils avaient quand même droit à une mention dans les colonnes des journaux du régime "un terroriste a été abattu durant la nuit...". Devant ce spectacle de l'apocalypse, il faut dire que les plus chanceux étaient ceux que le commandement avait décidé de liquider par balle : comme c'était le cas du Docteur lieutenant-colonel Redouane Sari, docteur en physique nucléaire et chef du programme nucléaire Algérien. Il occupait aussi la fonction de conseiller spécial du ministre de la défense Khaled Nezar depuis 1990 et s'opposait farouchement à l'arrêt du processus électoral. En 93 Toufik et Smain avaient chargé une équipe de l'escadron de la mort pour exécuter la tâche.

Un soir en rentrant chez lui à Bouzareah, du ministère de la défense, il fut intercepté sur la route par l'équipe de l'escadron 192, à dix minutes de sa demeure. Un travail propre, trois balles dans la tête et la mission était accomplie. Ils n'avaient même pas pris la peine de prendre ses armes (un Makarov et un Kalachnikov qu'il avait dans la malle de la Mazda bleu 626 du MDN). Redouane Sari eut quand même droit aux honneurs militaires lors de son enterrement, et de plus les terroristes qui avaient fait le coup furent abattus selon la presse.

D'autres officiers ont eu un traitement très particulier, par des éléments de l'équipe de Tartag qui se sont spécialisés dans le remodelage et la rééducation. Casser les hommes est devenue leur mission, et pour casser un homme ils ont trouvé la formule : arracher cette qualité qui fait d'un homme, un homme, sa virilité, son honneur. En plus des castrations devenues assez courantes, le viol des hommes est pratiqué comme un moyen de contrôle et de soumission de certains durs aux yeux de Tartag. . Les éléments de l'équipe de Tartag avaient accès à toutes les commodités et se permettaient tout lors des arrestations, ils se servaient au passage de bijoux, d'argent, voitures et ont pour la plupart, amassé de vraies fortunes.
Bien plus encore, quand une femme était au goût d'un des officiers en charge de l'arrestation, il était bien simple pour lui de revenir et de l'arrêter plus tard, même si elle était mariée, cela importait peu. Elle devenait "après son kidnapping", une complice, une terroriste aussi, puisque arrêtée sous le même chef d'inculpation que l'homme de la famille.

Des années durant et le même cycle infernal faisait grossir la liste des fidèles un peu plus chaque jour. Des officiers cadres de la nation, des docteurs d'état, médecins, professeurs, ingénieurs, techniciens que l'Algérie avait formé au prix fort furent exécutés par des assassins, et traités comme des déchets de l'institution militaire.

Les dépassements constituent encore un autre sujet que seules les victimes rescapées ont le droit de raconter, par égards et par respect pour leur dignité bafouée. Un dossier special sera consacré à ce sujet.

Il va sans dire aussi que le centre opérationnel "ANTAR" situé aussi à Ben-Aknoun (côté parc Zoologique), et commandé par le colonel Farid, Sous la tutelle directe de Smain Lamari, fut aussi le théatre d'horribles évènements, puisqu'il est le repère de l'escadron de la mort et le berceau du fameux "GIA".

l'Algérie Meurtrie

Devant cette situation de désolation, qui a jeté le discrédit sur les institutions de l'état algérien à commencer par son armée, des êtres sans scrupules ont profité et profitent toujours de la situation qu'ils ont crée, en se remplissant les poches ; l'économie de la guerre leur a permis de multiplier leurs fortunes mais surtout de blanchir une masse d'argent colossale, que les uns et les autres ont réinvesti dans la reprise de sociétés et entreprises nationales coulées puis rachetées au dinar symbolique. Les rares cadres qui se sont dressés pour éviter la catastrophe se sont retrouvés grâce à l'agent "Ouyahiya" en prison. Le pillage à grande échelle d'un peuple profondément meurtri a jeté le peuple algérien dans les abîmes de la pauvreté, la famine et la dépendance. La société algérienne a vu apparaître ces dernières années des maux extrêmement graves : de la prostitution infantile pour un bout de pain, aux réseaux des dealers de drogue qui sont protégés d'en haut pour aider la jeunesse algérienne à oublier qu'elle a des droits sur ses dirigeants et sur son armée.

Aucune armée au monde n'est aussi fameuse pour les affaires de corruption et d'enrichissement illicite que notre armée, et les individus suivants, se sont tout permis; ils croient, pour l'on ne sait quelle raison que l'Algérie est leur patrimoine personnel et qu'ils ont le droit de se la départager:

* Général Larbi Belkheir:

Sa fortune s'estime à plusieurs centaines de millions de dollars. Il a plusieurs biens immobiliers et fonciers en France, en Suisse, en Espagne, au Maroc, aux Etats-Unis et au Canada. Le général Belkheir a spolié les biens de l'état et du peuple algérien de trois façons. Quand il était secrétaire à la présidence, il avait la responsabilité du budget de cette institution. La deuxième source de sa rapine a été le projet Fiat que les Italiens ont essayé de monter en Algérie depuis 1985, sans succès à ce jour. Belkheir a touché d'immenses commissions pour ce projet. Son troisième cambriolage est le projet de construction de l'oléoduc gazier, projet qui devait être attribué à une compagnie nationale mais dont bénéfiçia une compagnie italienne; Belkheir obtient une rente mensuelle astronomique.

* Le général Mohamed Lamari:

Il touche des commissions de marché des compagnies pharmaceutiques françaises en Algérie. Il est l'ami et le partenaire de Mohamed Ait-Djeddou, le magnat de l'importation pharmaceutique en Algérie. Une grande partie des dizaines de millions de dollars qu'il a amassé vient en fait des contrats d'armement passés avec l'Afrique du sud et la France en particulier, en plus biensûr du pourcentage de la rente annuelle du pétrole.

* Général Khaled Nezzar:

Il a amassé sa fortune particulièrement lorsqu'il était ministre de la défense. Il a des comptes bancaires en France, en Suisse et aux Etats-Unis. Il possède de nombreuses villas à Alger, à Batna et à Constantine. Il détient des biens immobiliers et fonciers dans plusieurs wilayas. Il possède une villa aux Etats-Unis, achetée en 1992 avec l'argent du contribuable algérien. Son fils, qui a le monopole d'importation de plusieurs produits agro-alimentaires, a monté sa compagnie avec un prêt bancaire de la Banque nationale d'Algérie avec un taux d'intérêt avoisinant le zéro et un délai de paiement indéfini. Nezzar Junior s'est lancé dernièrement dans l'aviation civile avec une compagnie aérienne privée.

* Général Mohamed Mediene:

Il a une fortune colossale dont l'estimation n'est pas connue. Il est le principal actionnaire de la société sud-africaine de prospection d'or et de diamant dans le Hoggar. Il s'est assuré une rente importante de plusieurs multinationales de prospection pétrolière. Son homme de main qui supervise ses affaires et gère ses richesses est M.Hanchi. Le fils aîné de Mediene fait partie du conseil d'administration de Daweoo en Algérie et qui avec le démantèlement partiel, perfide de l'ENIE, contrôle une partie importante du marché d'importation de l'électronique, de l'électroménager et de la voiture.

* Général Mohamed Betchine:

Sa fortune s'élève à plusieurs dizaines de millions de dollars. Il possède des biens immobiliers immenses dans l'est algérien, mais aussi en Syrie, en Tunisie, en Suisse et en France. Il est le principal importateur et distributeur de sucre dans l'est algérien. Il contrôle une part importante du marché d'importation d'autres produits agro-alimentaires. Il possède plusieurs journaux et une maison d'édition. Il touche une rente régulière des compagnies pétrolières américaines Anadarko et Arco. Il a aussi touché des pots-de-vin dans les contrats de modernisation du système de défense aérienne.

* Général Abdelmadjid Taghit:

Il est dans une alliance d'affaires avec son frère qui a dirigé la Cosider. Il possède plusieurs biens immobiliers en Algérie. Il s'est enrichi considérablement en revendant des boutiques à Riadh El Feth acquises à des prix dérisoires.

* Général Mohamed Attailia:

Ex-chef de la 1ère région militaire, il est dans le brigandage des biens de l'état depuis 1965. Il possède un hôtel, un restaurant et une boucherie en France. Il possède aussi une usine de verrerie dans le midi de la France. Il a de vastes biens immobiliers en Algérie et des biens fonciers à Bouchaoui.

* Général Smain Lamari:

De part la sensibilité de son poste, il a réussi à monter un empire d'import-export et la plupart des transactions se font à l'extérieur du pays. En plus des biens achetés en France, il a eu de larges commissions sur les contrats d'armement réalisés avec les Français (couverture radar de l'ensemble du territoire). Avec des amis français, il reçoit en échange d'ouverture du marché algérien de généreuses commissions à chaque marché et assure aussi la protection des investisseurs. Sa fortune s'élève à plusieurs dizaines de millions de dollars.

* Général Kamel Abderrahim:

Commandant en chef des forces terrestres jusqu'en 1989, il possède des biens immobiliers en Algérie, ainsi qu'un restaurant et un hôtel en France. Il possède une usine ultramoderne de fabrication de consommables pour les hôpitaux à Ain Taya .

* Général Moustafa Belloucif:

Il s'est enrichi en s'accaparant les comptes bancaires du richissime Zeggar évalués à plusieurs millions de dollars. Il s'est aussi enrichi par la revente de biens de l'état achetés à des prix dérisoires. Il possède des biens immobiliers très cotés à Alger et à Annaba.

* Général Mohamed Touati:

Son importance au sein la hiérarchie militaire lui a permis d'utiliser à fond son influence et à recevoir en conséquence des commissions sur tous les grands projets d'investissement ou de prospection des champs pétroliers dont il assure la sécurité avec ses compagnies privées de protection moyennant un pourcentage sur chaque puits. Il possède des biens immobiliers dans tout le territoire national et de même en France et en Suisse. Sa fortune est de plusieurs dizaines de millions de dollars.

* Général Mohamed Hartani:

Ancien directeur de l'hôpital central de l'armée à Alger, c'est en cette qualité qu'il a amassé sa fortune. Il a touché d'immenses commissions de marché de Siemens et d'autres compagnies de matériaux de construction. Il est le représentant de Siemens en Algérie sous la couverture de son épouse. Il a des biens immobiliers en Algérie, en suisse, en France et en Allemagne. Il possède plusieurs commerces à Alger, à Constantine et à Annaba.

* Général BenAbbes Gheziel:

Il a amassé sa fortune, estimée à plusieurs millions de dollars, par les pots-de-vin et les commissions de marché dans l'achat d'équipements pour la Gendarmerie nationale, en particulier de la compagnie Beretta. Il a des biens immobiliers et fonciers en Algérie et en France. Il rapine aussi dans l'import-export.

* Général Mohamed Dib:

Ancien chef de la Garde républicaine, ce général discret a une fortune estimée à plusieurs millions de dollars. Il a amassé sa fortune par la restructuration de la Garde républicaine (commissions de marché lors de la rénovation de son infrastructure et achat au prix symbolique et revente des systèmes et matériels). Il possède des biens immobiliers et fonciers en Algérie.

* Général Cherif Ouadani:

Spécialiste du pillage, sa fortune s'élève à plusieurs dizaines de millions de dollars. Il possède des biens immobiliers dans les quartiers chics de Paris, des propriétés luxueuses et des chevaux à Deauville. Il est actionnaire à Peugeot dont il est le représentant en Algérie depuis 1990. Il a de grands biens immobiliers à Alger et à Tlemcen. Il possède une usine de confection de vêtements luxueux à Tlemcen. Il détient le monopole d'importation du textile en Algérie.

* Colonel Hocine Senoussi:

Bras droit de Belkheir, ami de Chadli, il a amassé sa fortune immense lors de la construction à Alger du monument Maqam Echahid. Il a touché des commissions de marché sur ce projet qui a coûté près de 350 millions de dollars au contribuable algérien. Il s'est aussi accaparé plusieurs magasins du complexe commercial de Riadh El Feth qu'il a revendu au prix fort. Il possède des biens immobiliers à Alger, à Oran et surtout à Tlemcen et biensûr à l'étranger.

D'autres généraux tels que: Abdelmalek Guenaizia, Abdelhamid Djouadi, M. Lakehal Ayat, Abdelmadjid Cherif, Mohamed Ghenim, Said Bey.etc. ont aussi amassé des fortunes colossales, et la liste est malheureusement longue pour le reste des militaires corrompus, indignes de porter les emblèmes de l'ANP. Ce dossier de la corruption des chefs sera traité à l'avenir avec plus de détails.

Il est vrai qu'après tous ces faits, il est difficile de se taire et d'ignorer avec le silence "malgré tout complice", ces pratiques qui salissent la réputation de notre armée et de notre pays.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres ne peut que condamner fermement les pratiques criminelles des généraux et autres officiers algériens, impliqués dans l'enrichissement illicite, et qui font durer le deuil du peuple et plongent l'Algérie dans le chaos afin de favoriser leurs opérations économiques et financières funestes.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres condamne également les "hommes de main" des généraux criminels, qu'ils soient civils ou militaires, qui veillent à la gestion de leurs affaires et à la fructification de leurs fortunes mal acquises. Ces "commis-affairistes" ont autant de responsabilité dans le pillage des richesses nationales que leurs mandataires galonnés.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres appelle tous les officiers et sous-officiers, à tous les niveaux de la hiérarchie militaire, et l'ensemble du peuple algérien à demander des comptes et à ne plus accepter cet état de fait où le bradage de notre patrie se passe sous nos yeux et en plein jour.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres tient à préciser à ceux qui disent que nous entachons l'image de l'armée par nos révélations, que le peuple algérien a le droit de connaître la vérité, il a aussi le droit de savoir que les vrais responsables de la faillite de l'Algérie sont ceux qui ont assassiné le président Mohamed Boudiaf, Kasdi Merbah, Saidi Fodil, Ali Boutiguene, Redouane Sari,.... ,tous les fidèles, Pr. Boucebsi, Tahar Djaout,....,et le peuple Algérien.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres affirme qu'il reste encore des hommes jaloux et fiers au sein de l'ANP qu'ils défendent et protègent au prix de leurs vies.

Le Mouvement Algérien des Officiers Libres lutte pour que l'armée nationale populaire retrouve sa fierté et son honneur d'antan et que vive l'Algérie

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