Êtes-vous assez fier de ce trait, fier de la moquerie qu’il souligne, fier de l’abaissement qu’il provoque pour ceux qui se battent pour sauver la République. Ce n’est pas, de votre faute d’ailleurs. Nous ne sommes pas du même monde, nous n’avons pas les mêmes valeurs.
Votre monde devient une bulle, un pouvoir absolu. Vos soucis sont des problèmes d’agenda et de placements des copains, d’horaires d’avions ou d’aires d’atterrissage d’hélicoptères. Vos amis travaillent à l’ENTV; vos nouveaux camarades de foot deviennent des héros pour l’opportunité. Vous êtes les chefs de clans, de tribus. Les manants de votre seigneurie vous rééliront demain sans problème : présent ou pas, ministre, intelligent, barbu ou non, compétent ou incompétent…
Notre monde c’est la favela. Pas celle des multinationales, non ! Notre monde est en décrépitude, se désertifie, perd ses emplois, ses habitants, ses services publics, son énergie…
L’Algérie à l’exemple de notre compatriote Mme Meriem Mehdi se meurt, « Messieurs ». Les grands sites industriels n’en finissent pas de perdre des emplois. Les multinationales imposent « leurs saloperies » jours après jours. En Algérie, la main d’œuvre devient moins chère, parce que les enfants y sont exploités, les mafias rendent l’action syndicale suicidaire. Des milliers d’emplois disparaissent entre deux matchs de foot, quelques semaines pour plonger des milliers de foyers dans la détresse.
La Sonatrach fut à la pointe de l’industrie, nous sommes maintenant en tête des courbes de chômage. Nos comtes firent les Rois, nous faisons et refaisons nos comptes mais nous n’avons plus grand chose à compter. Nous sommes moroses et terrifié. L’Algérie, – en particulier le sud -, agonise lentement et nous la rejoignons sur les chemins du désastre, nous sommes comme des cancéreux qui visitent un centre de soin palliatif.
Chez vous on se soigne dans de superbes hôpitaux, le nôtre n’a même pas les moyens pour éliminer les cafards ou repeindre ses couloirs et on inaugurera demain un superbe service des urgences plate-forme avancée d’un bateau en naufrage. Chez vous on appelle la télé pour s’occuper du foot et les divertissements, chez nous, c’est la grand-mère, la sœur, les enfants, qu’on ne sait pas où soigner…
Ce ne sont pas des miettes que nous voulons,
« Messieurs », c’est une bouée de sauvetage ! On y tient car c’est vital pour nos familles, pour nos enfants, pour les générations futures, pour notre avenir à tous. C’est vrai que nous sommes un peu niais à refuser d’accepter notre décadence. Je comprends que notre insistance à ne pas mourir énerve vos amis. J’imagine qu’on est bien loin, au club des pins, de se soucier de la corruption et des retards répétés des mégaprojets, de l’état catastrophique des wagons et des tours et détours que fait notre train de vie.
Je sais bien que les « Hauts fonctionnaires » en ont ras le bol d’avoir à répondre aux appels téléphoniques, aux lettres, aux rapports et aux pétitions, aux alertes. J’imagine la fatigue que provoquent notre lente agonie et nos cris surdimensionnés chez ces gens qui ont des choses beaucoup plus sérieuses à faire. Mais nous, on n’a pas l’éducation, on n’a pas assez de savoir-vivre, on n’a surtout pas les moyens d’aller ailleurs, « Messieurs », alors on veut mourir pour l’Algérie mais avec dignité.
Alors si vous êtes incapables de ressentir un peu d’empathie pour nous, si vous vous moquez de l’ avenir de nos enfants, si nous ne sommes que des faire-valoir et des réserves électorales, si vous ne voulez pas consacrer du temps et de l’énergie à nos petits problèmes, si vous nous prenez pour des imbéciles, si vous croyez que nous ne valons pas quelques heures de votre précieux temps ; nous voulons bien l’accepter « Messieurs ».
Mais jouez la comédie ! Vous le faites si bien. Faites semblant de nous comprendre lorsque vous êtes en face de la populace. Réservez vos insultes et votre souverain mépris pour vos cercles du club des pins. Moquez-vous de nous si vous le voulez, « Messieurs les Intouchables de la République »… Mais faites le de loin, entre vous, quand nous ne le savons pas, quand nous ne l’entendons pas.
A moins que nous soyons méprisables à ce point ?
Nous disons : Le peuple algérien ne demande pas la charité, nous exigeons la Transparence dans les mégaprojets ! Parfois les fleuves tranquilles se mettent à gronder au printemps… et emporte tout sur leur passage ! Donc ne pas confondre « eau vive » d’où l’on pêche les truites et « forces vives » d’où l’on pêche les électeurs (les voix). Il ne suffit pas de « causer » il faut « agir ». Rappelons l’exemple d’Orascom, la puissante société égyptienne de téléphonie mobile. Il y a quelques années, elle achetait, pour moins de 800 millions de dollars, la première licence de téléphonie algérienne. Un triomphe.
Les Algériens acquirent en masse un téléphone portable. Djezzy, la filiale algérienne d’Orascom, dégagea 500 millions de dollars par an, qu’elle sortait très légalement du pays. Au grand dam des autorités qui ont récemment instauré des taxes sur les plus-values. « Messieurs » faites-vous élire pour être respectés, nous jugerons sur pièce la lutte contre la corruption et le classement de l’Algérie à la fin de l’année 2010.
Étrange Algérie, ce pays trop réglementé et pas assez gouverné. La question qui taraude l’esprit des Algériens comme un insecte qui taraude le bois, est la suivante : L’assassinat de Boudiaf, c’était pour sauver la république ou pour construire les communications de la corruption ?