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Document : le rapport de l’ONU sur l’attentat du 11 décembre 2007 à Alger

L’ONU a rendu public un rapport qui revient longuement sur le double attentat d’Alger du 11 décembre 2007 où 17 employés des Nations Unies ont péri.

11 décembre 2007, 9h30 du matin à Alger. Une première voiture piégée explose devant la Cour constitutionnelle, dans le quartier très sécurisé de Ben Aknoun. Vingt-deux minutes plus tard, un second véhicule explose devant le siège algérien des Nations Unies, situé dans le quartier lui aussi ultra-sécurisé d’Hydra où sont en outre implantées de nombreuses ambassades. Le bâtiment de l’ONU et les immeubles adjacents, dont les bureaux du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’autre côté de la rue, sont totalement soufflés par la déflagration. En plus de nombreux blessés, ce double attentat fait 67 morts selon le ministère algérien de la Santé dont 17 employés de l’ONU à Hydra et plusieurs écoliers à Ben Aknoun.

L’attaque est très vite revendiquée par la branche maghrébine d’Al Qaïda (Al Qaïda au pays du Maghreb islamique, ex-GSPC) au travers d’un communiqué publié sur un site internet. Le groupe terroriste y déclare vouloir « défendre la nation de l’islam et humilier les croisés et leurs agents, les esclaves des États-Unis et les fils de France ».

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Les attentats perpétrés à Alger le 11 septembre 2007 et revendiqués par Al Qaida au Maghreb islamique
© Khalid

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, réputé pour sa pondération, n’a pas de mots assez durs pour condamner l’attentat : « il s’agit d’une frappe abjecte et lâche contre les fonctionnaires civils qui servent les idéaux humains les plus élevés sous la bannière des Nations Unies » déclare-t-il avant de qualifier ces actes « d’ignobles, indécents et injustifiables même au regard des pratiques politiques les plus barbares ».

Alger crie au scandale

Comme les Algérois, traumatisés par la décennie des années 90 qui se caractérise par une violence djihadiste d’une rare sauvagerie et une lutte anti-terroriste qui ne fait franchement pas dans la dentelle, le personnel des Nations Unies est en état de choc. Mais bouillonne aussi de colère. Le 5 février 2008 (soit presque deux mois après l’attaque) le secrétaire général de l’ONU annonce la constitution d’un groupe indépendant d’enquêteurs, présidé par l’ambassadeur algérien Lakhdar Brahimi. Objectif : pondre un rapport sur la sûreté et la sécurité du personnel de l’ONU et les délégations de l’organisation dans le monde.

Sur les dents, les autorités algériennes crient au scandale. Ainsi, le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, qui qualifie publiquement l’attitude de responsables onusiens à Alger de celle d’une « vierge effarouchée » déclare : « Que va apporter de plus cette commission par rapport au travail déjà fait par les autorités algériennes ? A-t-elle une baguette magique qui nous permettra d’aller faire sortir les auteurs de ces attentats du maquis ? (… ) Pourquoi ceux qui parlent de commission indépendante n’ont pas avancé leur solution magique lorsque l’Algérie combattait seule le terrorisme ? ». Oui mais selon l’article 105 de la Charte des Nations Unies, c’est le pays qui héberge des bâtiments des Nations Unies qui est responsable de la sécurité du personnel de cette institution internationale…

Un rapport secret remis à Ban Ki Moon

En réalité, les tensions sont extrêmement vives entre l’ONU et Alger. Dans la plus grande discrétion, Ban Ki Moon s’est vu remettre le 11 janvier 2008 un court rapport classé « confidentiel » et analysant les causes et les responsabilités dans l’attentat du 11 décembre 2007 à Hydra. Alger entre alors une première fois en transe, s’oppose fermement à sa publication et… obtient gain de cause.

Par contre, les Nations Unies ont rendu public le rapport des enquêteurs indépendants le 9 juin 2008. Surprise divine ! Quoique partiellement censuré (surtout des noms de fonctionnaires algériens), il inclut les conclusions du rapport resté secret. Et pointe du doigt la responsabilité directe du gouvernement algérien en raison de son incapacité (pour ne pas dire son incompétence) à assurer la sécurité du personnel de l’ONU à Alger : « il n’y a eu aucun échange au niveau stratégique, ni aucune coopération au niveau technique ».

Fait beaucoup plus grave : « L’attitude des officiels algériens était toujours : "le gouvernement s’occupera de tout s’il y avait le moindre problème" » indique le rapport. Cette litanie récurrente n’empêchera pas la tragédie. Le rapport explique également que les services de sécurité algériens ont relâché leur attention et leur niveau d’alerte à ce moment précis du mois de décembre, « après un mois de ramadan relativement calme, les élections du 29 novembre et la visite officielle à haut risque du président français Nicolas Sarkozy au début du mois de décembre ».

Pourtant, à ce moment, le contexte terroriste n’a rien de rassurant. Après des années d’accalmie, on assiste en 2007 à une résurgence des attentats terroristes en Algérie. Avec une nouveauté : l’apparition de kamikazes comme pour la série d’attentats du 11 avril 2007 qui a notamment ciblé le Palais du gouvernement en plein centre d’Alger.

Des multiples demandes des Nations Unies restées lettre morte

Le rapport des Nations Unies rendu public précise justement que le jour même des attaques du 11 avril 2007, l’officier en charge de la sûreté et de la sécurité de l’ONU à Alger envoie une note verbale à son interlocuteur officiel, le directeur général du protocole du ministère des Affaires étrangères. La demande est limpide : renforcer les mesures de sécurité existantes devant le siège des Nations Unies.

Le haut fonctionnaire des Affaire étrangères se défausse alors sur une autorité subalterne et recommande de rencontrer le président de l’Assemblée Populaire Communale d’Hydra, également maire d’Hydra. La réunion aura bien lieu puisque le rapport précise que «  le 27 avril 2007, l’officier désigné rencontre le maire d’Hydra et demande i) l’installation de ralentisseurs dans la rue Emile Payen qui longe le siège de l’ONU ; ii) de rendre la rue en sens unique ; iii) l’installation de bornes routières au pied de l’immeuble ».

Des aménagements destinés à renforcer la sécurité devant l’immeuble de l’ONU seront certes apportés, notamment la création de checkpoints, mais « les bornes routières ainsi que les restrictions routières n’ont pas été mises en place par le gouvernement ».

Légèreté et laisser-aller

Visiblement peu rassurée, l’équipe des Nations Unies à Alger fait alors part dès le printemps 2007 de son vif désir de changer de locaux. Le 29 mai 2007, le coordinateur-résident de l’ONU à Alger informe le gouvernement algérien du désir du personnel onusien de déménager dans des locaux mieux adaptés, « afin de répondre de la meilleur manière possible aux besoins d’espace, de parking et d’accessibilité. Dans la même note verbale, l’ONU requiert l’assistance du gouvernement afin d’identifier les bâtiments correspondants à sa requête. Puis le 2 juillet 2007, le bureau du directeur général du protocole du ministère des Affaires étrangères confirme l’accord sur le déménagement des locaux de l’ONU, mais ne propose aucune alternative quant à un autre bâtiment ».

La légèreté et le laisser-aller des autorités algériennes incarnés par l’attitude du directeur général du protocole se ressent également dans les échanges institutionnels entre ce haut-fonctionnaire et l’ONU.

Le rapport précise ainsi qu’en « préparation de la visite de (censuré) du Département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU à Alger, l’officier désigné a dit qu’il avait envoyé une note verbale au directeur général du protocole lui demandant une entrevue. Plus tard, une seconde note de rappel a été envoyée. Toutes deux sont demeurées sans réponse. » Le bilan de ce « je m’en foutisme » irresponsable est connu : 17 employés de l’ONU tués et plus de 40 personnes blessées le 11 décembre 2007 à Hydra.

Pour télécharger le rapport de l’ONU, cliquer ici (en anglais) :

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