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«Le ministère de la Santé nous a privés de nos droits»

 

Lyes Merabet, président du SNPSP :

«Le ministère de la Santé nous a privés de nos droits»

ImageLe chef de file des praticiens généralistes de la santé publique, Lyes Merabet, considère dans cet entretien qu'il a nous accordé que le gel de la grève des praticiens n'est qu'un répit.

Tout en réitérant la justesse et la légitimité des revendications des praticiens qu'il résume à deux points essentiels, il revient également sur le long processus de dialogue qui a échoué selon lui.  Il estime qu'il fallait recourir à une médiation dans ce genre de conflit. Les médecins «privés de leurs droits» et  voués au «mépris» du ministre de la santé, attendent un geste du président de la République avec lequel un dialogue est entamé. Ecoutons-le.

Le Temps d'Algérie :Vous avez finalement décidé de geler votre grève entamée depuis 3 mois. Qu'est-ce qui a réellement motivé cette décision ?
Lyes Merabet :  Le recours au droit de grève consacre l'échec du dialogue entre partenaires sociaux tout d'abord. C'est un moyen légal d'expression négative, qui a pour objectif de ramener l'employeur à la table des négociations autour de revendications socioprofessionnelles portées par un collectif de travailleurs.

La grève des praticiens de la santé publique qui évolue depuis le mois de novembre 2009 connaît actuellement un moment de répit suite à la décision du gel prononcé par le conseil national.
C'est évident que les mesures de «casse» décidées par le gouvernement (pour l'éducation déjà) ont motivé la tenue des assemblées générales locales puis du conseil qui se sont prononcés démocratiquement et majoritairement pour le gel de la grève. D'autres formes de protestation sont maintenues.

Vous maintenez pourtant la pression en décidant de renouer avec les rassemblements. Les réunions de conciliation n'aboutissent-elles donc à rien, en fin de compte ? Maintenez-vous également le statut particulier dont vous demandez l'amendement comme préalable à toute avancée dans les négociations sur une plateforme qui comporte pourtant plusieurs points?
La   pression c'est notre ministre de la «défense», pardon, de la santé qui la maintient !! Nos revendications sont justes et nos actions de protestation sont légitimes à défaut de prise en charge. La loi 90-02 du 06 02 1990 prévoit, lorsque la grève est déclarée dans le respect de ses  dispositions, le recours aux réunions de conciliation. En cas d'échec, les parties en conflit peuvent faire appel à la médiation d'une personne morale ou physique comme elles peuvent soumettre directement leur différend à l'arbitrage.

Le ministère de la santé nous a privés de nos droits et n'a proposé que la répression depuis le début de la protestation. La plateforme de revendications est constituée en fait de deux (02) points sujets à négociation : le statut particulier des praticiens pour lequel nous demandons des amendements et le dossier du régime indemnitaire. Le règlement des autres points relève de l'application d'une réglementation en vigueur pour tous les fonctionnaires !!!

Le ministre de tutelle de son côté met la pression en déclarant la guerre aux «jusqu'au-boutistes», affirmant que beaucoup vous a déjà été accordé. Un commentaire ?

A travers de telles déclarations, le ministre de la santé essaye de justifier la batterie de mesures coercitives prises à l'encontre des praticiens grévistes tout simplement.

Quant à ce qui a pu nous être accordé, nous rappellerons les déclarations du même responsable au tout début du mouvement lorsqu'il reconnaissait publiquement la légitimité des revendications. Entre temps, des réunions de conciliation ont eu lieu (PV en notre possession) et aucune avancée n'a été constatée.

Vous qualifiez le discours du ministre d'ambivalent et ses propos notamment sur le supposé exercice des praticiens dans le secteur  privé lors de la grève, de mensongers. Des précisions pour nos lecteurs ?

Le système de santé dans notre pays, comme ailleurs aussi, est structuré principalement en 2 compartiments (ou secteurs) : public dominant et privé complémentaire. Le ministère de la santé, représentant des pouvoirs publics, définit pour chaque secteur les missions et les objectifs dans le cadre de la politique nationale de la santé. Il a la charge de l'organisation géo-sanitaire, du contrôle et de la gestion des ressources humaines. Lorsque le ministre évoque ça, les cas suivants sont à relever :

-   L'activité complémentaire établie réglementairement depuis 1997 a été consacrée par l'ordonnance présidentielle n° 06-03 du 15 07 2006 portant statut général de la fonction publique (Art 44). Est concernée une infime partie de praticiens spécialistes de santé publique.
-   Les cas d'abus ou de dépassement dans la pratique de l'activité complémentaire relèvent de la gestion d'un secteur dont M. le ministre a la charge et la responsabilité.

Tant que les liens de causalité restent entretenus, l'effet nous rappellera la nécessité d'améliorer concrètement la condition socioprofessionnelle du praticien. La position de l'intersyndicale des praticiens a été entre autres clairement assumée à travers une déclaration rendue publique et qui appelle au gel de l'activité complémentaire mais subordonnée d’abord à une indemnisation conséquente à la renonciation.   

Ne pensez-vous pas que les menaces de révocation de la Fonction publique brandies par la tutelle peuvent «altérer» la grande mobilisation des praticiens autour de votre plateforme ?

Pas du tout !!! Nous considérons par contre que le sentiment du mépris, de la «hogra» ressenti fortement après ces dernières mesures va affecter la motivation des praticiens qui ont décidé de reprendre, dans la déception, leurs activités de soins et de consultation.

Si d'un côté ce sont des actions en justice, des menaces de révocation auxquelles vous faites face, il y a cependant une oreille qui vous est tendue du côté de la présidence de la République. Où en êtes-vous avec cette chance de résolution du conflit ?
Nous maintenons l'espoir de voir le président de la République prendre en charge les doléances des praticiens de la santé publique. A ce jour, aucune démarche ne nous a été proposée. Concernant les décisions de justice «déterrées» et mises en branle par le ministre après 4 mois de grève, nous maintenons qu'à ce jour, que nous n'avons reçu aucune notification.

La contradiction est flagrante à ce niveau de la démarche justement ; lorsque les partenaires en conflit s'inscrivent dans le cadre de la loi (90-02 citée plus haut) et entament la négociation dans les réunions de conciliation, c'est une reconnaissance de fait de la légalité du mouvement de grève. A moins que M. le ministre n’ait d'autres considérations à faire valoir ?

Si le statu quo se maintient aussi longtemps, jusqu'où pouvez-vous aller dans vos actions, sachant que les malades peuvent en souffrir grandement malgré le service minimum largement assuré ?

Le praticien est le mieux placé pour dire et défendre l'intérêt des malades qu'il a la charge de soigner. L'accès aux soins, la qualité ainsi que la pérennité des prestations en soins sont autant d'éléments

qui restent intiment liés à l'amélioration des conditions du travail et à la promotion de la situation sociale des personnels soignants, particulièrement des praticiens.   Les pouvoirs publics ont tout à gagner en investissant dans la stabilité dans un secteur aussi sensible, un secteur d'expression sociale à travers une couverture sanitaire assurée à la population.

Entretien réalisé
par Saïd Mekla

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