Début d’application du rapport Sbih
L’année 2006 sera, dit-on, celle du « contrôle ». L’une des résolutions qu’a prises l’Etat, pour ce début d’année, est d’adopter des « mesures efficaces » pour savoir où va son argent. Les scandales financiers qui ont éclaboussé la scène économique semblent avoir poussé le ministre des Finances à annoncer une « refondation de l’architecture de contrôle », basée sur la réforme de l’Etat de Missoum Sbih.
C’est la première fois qu’on déterre le rapport de l’ancien conseiller juridique du président Bouteflika. Mais, concrètement, que prévoit la réforme de l’Etat pour le contrôle des deniers publics ? Une source proche du ministère des Finances nous a indiqué, hier, qu’il s’agit d’une « spécialisation » du contrôle. M. Sbih estime que les dispositifs de contrôle doivent être complètement modifiés. Il a même prévu la création d’une nouvelle structure qui sera divisée en quatre subdivisions : l’inspection des affaires sociales, l’inspection des affaires économiques, l’inspection des affaires administratives et l’administration des affaires financières. Le rapport de Missoum Sbih préconise de revoir les statuts des structures de contrôle existantes. La Cour des comptes devra, selon lui, se charger exclusivement de l’apurement des comptes et l’Inspection générale des finances (IGF) s’intéressera uniquement aux finances. Si de telles mesures venaient à être adoptées, cela provoquerait un véritable bouleversement du système algérien de contrôle des finances publiques. La Cour des comptes et l’IGF, affirme-t-on, font aujourd’hui face à un travail « titanesque ». Ces deux structures contrôlent tous les organismes et les établissements publics. « Cela va des hôpitaux aux prisons en passant par les universités ; c’est un travail énorme. Le problème, c’est qu’il n’y a aucune coordination. Il arrive que les deux structures soient sur un même dossier sans que l’une ou l’autre ne le sache, c’est une perte d’énergie », nous dit-on. L’on déplore surtout que les organes de contrôle disposent de peu de moyens. L’IGF ne compte que 250 agents et la Cour des comptes n’en a que 400. « Même si l’IGF ne devait contrôler que les hôpitaux, ce serait impossible », affirme un responsable de l’IGF, dépité. La situation est telle que cela fait plus de dix ans que l’IGF n’a pu contrôler les prisons. « Si la Cour des comptes et l’IGF ne peuvent pas effectuer des contrôles réguliers, nous perdons l’aspect dissuasif des contrôles. Les gestionnaires ne craignent plus les contrôles. Ce qui peut ouvrir les portes aux malversations », disent les spécialistes. Il arrive, souligne-t-on, que ces structures ne parviennent pas à achever le programme annuel de contrôle. « Nous recevons, en cours d’année, des demandes du ministère des Finances, nous n’exécutons dans ces cas que 50% du programme prévu initialement », affirme un représentant de l’IGF. Faute de moyens, ces structures se contentent, dixit ce responsable, de « parer au plus pressé ». Si certains pensent que l’Etat ne peut pas être « juge et partie » et que l’on devrait donner aux structures de contrôle les prérogatives nécessaires pour « s’autosaisir », les responsables des Finances, eux, estiment qu’une telle décision ouvrirait la porte aux règlements de comptes. « Pour le moindre motif, les responsables de l’IGF ou de la Cour des comptes vont effectuer des contrôles », estime-t-on. Les spécialistes du contrôle estiment qu’il faudrait mettre un terme à la « polyvalence » des inspecteurs de l’IGF et de la Cour des comptes. « Un contrôleur doit être mieux formé qu’un gestionnaire. Or, chez nous, l’inspecteur passe du domaine de la santé à celui de la pêche », regrette-t-on. Le ministère des Finances compte, par ailleurs, réorienter le système du contrôle, passant d’une méthode axée sur la conformité de la législation à une autre basée sur les résultats concrets. Mais si l’on veut réellement que la réforme Sbih soit une réussite, estiment les spécialistes du secteur, une formation des inspecteurs est indispensable.
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