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La gifle niçoise

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Bouteflika aura donc été le seul chef d’Etat du Maghreb à prendre part au 25e sommet France-Afrique, agapes niçoises que Ben Ali, Mohamed VI et Khadafi ont, eux, poliment mais fermement ignorées. « Je lui ai téléphoné spécialement pour lui dire « je t'en prie, viens, c'est important que tu sois là » et c'est un geste qu'il vienne », a révélé le Président français. « Je t’en prie, viens »? C’est donc ainsi, d’une façon si cavalière, que s’invite aujourd’hui un président ? Toujours est-il que ni la polémique avec Paris sur le passé colonial, ni le refus de repentance par la France, ni l’affaire du diplomate Hasseni, ni celle des moines de Tibéhirine, ni la partialité arrogante de l’Elysée dans le dossier du Sahara occidental n’ont dissuadé le chef de l’Etat algérien à donner suite à cette doléance déchirante et à se précipiter à Nice. Bouteflika aurait pu s’inspirer, à cet égard, de  Laurent Gbagbo, le président ivoirien qui a expliqué sur Rfi qu’il ne se rendrait pas en France avant que Paris et Abidjan n’aient discuté de leur « différend fondamental », un différend beaucoup moins lourd que celui qui oppose Alger et Paris, puisque Gbagbo fait allusion au putsch manqué de 2002 contre son régime, auquel il accuse les autorités françaises de l’époque d’avoir participé.

Mais il faut croire que la controverse sur la mémoire ne pèse pas devant l’immense privilège d’arpenter, un jour, une nuit, la Promenade des Anglais. Cela nous rappelle, à propos de Nice justement, l’article du journal local quand Bouteflika s’était imposé à l’Elysée sans qu’on l’y invite, le 19 décembre 2003.     « Pathétique Bouteflika », avait titré le quotidien Nice Matin, sous la plume de son directeur de rédaction. Clic-clac, merci Kodak ! La visite du président algérien n'aura duré que quelques heures. Prétexte officiel, l'inauguration de deux expositions dans le cadre de la fameuse Année de l'Algérie. Raison réelle : être pris en photo, et sous toutes les coutures, avec Jacques Chirac, l'ami français, à la veille d'échéances algériennes majeures. Pathétique visite, et si embarrassante pour la France. »

Sept ans plus tard, le pays s’est exposée au même désaveu.

Le sommet de Nice pour Kodak ?

« Mais non, vous n’avez rien compris, nous avaient seriné ses bruyants apologues, Bouteflika ne fait pas le déplacement au sommet de Nice pour rien. Un tête-à-tête décisif avec Sarkozy sera pour lui l’occasion de dire ses quatre vérités à la France, les yeux dans les yeux. »Au final, il n’y eut ni tête-à-tête avec Sarkozy, ni « rencontre les yeux dans les yeux ». Bouteflika a été superbement ignoré par le maître de céans qui a réservé ses apartés à l’Egyptien Hosni Moubarak qui assurait la coprésidence du sommet ainsi qu’aux dirigeants des deux géants économiques du continent africain, le Sud-Africain Jacob Zuma et le Nigérian Goodluck. Sarkozy venait de signifier que l’Algérie de Bouteflika ne fait pas partie des pays africains à fort potentiel d’affaires avec lesquels la France, en perte de vitesse sur le continent, souhaite établir des liens puissants afin de reconquérir un rôle de leader  face à la concurrence chinoise.

A Nice, l’Algérie de Bouteflika, c’était juste un convive d’accommodement, utile pour « remplir » la table, suppléer aux défections de Ben Ali, Mohamed VI et Khadafi, utile pour la « photo de famille » où le chef de l’Etat algérien était d’ailleurs placé tout au bout, parmi les « invités secondaires », Nicolas Sarkozy ayant choisi de s’afficher aux côtés de Jacob Zuma, Président de l’Afrique du Sud, locomotive du continent.L’Algérie de 2010, ce n’est plus l’Algérie de Boumediene qui n’avait jamais mis les pieds en France, ou celle de Zéroual qui avait refusé de serrer la main à Chirac. C’est celle, livrée à un personnage que les Français connaissent parfaitement, celui que Chirac décrit dans son livre-testament, en dix lignes (seulement !), comme un «  homme timide »  et  «  complexe ».Nice aura prouvé notre déclin africain.

L’Algérie de Bouteflika n’est plus celle-là qui arrivait, il y a encore 12 ans, à faire parrainer par près de 140 pays, dont des membres du Conseil de sécurité, son projet de résolution à l’Assemblée générale de l’ONU en faveur d’un référendum d’autodétermination et d’indépendance au Sahara occidental.C’est la triste fin de la diplomatie-spectacle et des réseaux, celle qui tourne le dos au monde arabe et à l’Afrique. On notera que notre chef d’Etat n’a pas effectué une seule visite officielle bilatérale en Afrique depuis 1999 – il s’est rendu 10 fois en France –, ni reçu à Alger plus de trois chefs d’Etat africains, si nous excluons le sommet de l’OUA de juillet 1999, arraché par le président Zeroual lors du 32e sommet de l’OUA à Yaoundé (Cameroun) en juillet 1996

Mais on se serait suffi de cette relégation si l’humiliation n’était allée encore plus loin, ce mardi de clôture, quand Nicolas Sarkozy, en conférence de presse, toujours inflexible sur la question de la mémoire, intransigeant à l’égard de l’Algérie, a jugé utile de préciser, sans détours, que le chef de l’Etat algérien a fait le voyage pour rien : « Est-ce qu'il suffit que le président Bouteflika participe au sommet Afrique-France pour que, d'un coup, tout s'éclaire dans la relation entre la France et l'Algérie ? Je crains de ne pas avoir exactement le même optimisme. Il faudra encore du temps », a-t-il lancé aux journalistes médusés.

La ruade, arrogante, était presque de trop.

On avait déjà compris, M. Sarkozy !

M.B.

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