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Algérien à Londres, après la prière...

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Mosquée de Finsbury Park. 14h03. La prière du vendredi est finie. Le prêche du jour se rapporte au vol. «Il est haram à quiconque de voler. Ne croyez pas que c’est halal de voler les chrétiens ou les infidèles. C’est un crime qui est puni par la loi de Dieu ainsi que par la loi civile. Ceux qui vous ont dit qu’il est légal (halal) de voler, frauder, vendre de la drogue ou tuer les infidèles vous ont trompés. Ressaisissez-vous. Soyez de bons musulmans». L’imam qui a remplacé Abu Hamza Al-Masri (PHOTO)a au minbar de la mosquée du «Londonistan» a été très explicite sur ce sujet. Il contredit carrément tout ce que prêchait «Captain Hook», aujourd’hui en prison.

14h48. L’imam sort de la mosquée et va prendre un café à Blackstock Road, quartier algérien dans le nord de Londres. Il est très chaleureusement accueilli par les clients qui échangent des blagues avec lui. L’imam est très souriant. Le café qu’il déguste est très bon. C’est du Lavazza. Mais en quittant le coffee shop, l’imam se rend compte que son téléphone portable ainsi que son portefeuille ont disparu de sa veste. «Vous croyez que vous êtes des musulmans ? Vous êtes pires que les infidèles. Vous allez tous en enfer...».

Nacer est propriétaire d’un fonds de commerce dans ce quartier. Il est en train de le vendre car il en a marre. «Chaque jour, il y a des bagarres ici. Chaque jour la police intervient. Il nous font honte ces gens-là. Ce sont des drogués qui sont accros à «al-hadjra», le crack. Ils ne font que voler pour subvenir à leurs besoins. Au lieu d’aller chercher du boulot pour construire leur avenir et aider leurs familles au bled, ils sont tombés dans le piège de l’accoutumance. J’espère vivement que le projet d’extradition en cours de négociation entre les autorités algériennes et anglaises prendra en considération ces indésirables qui ne font que nuire à la réputation des Algériens».

En effet, Finsbury Park est devenu un lieu de délinquance pour nombre de jeunes Algériens. Cela dit, l’arrestation des imams radicaux comme Abu Hamza ainsi que la prochaine déportation de Abu Qutada vers la Jordanie et l’interdiction de retour en Grande-Bretagne de Omar Bakri, qui est parti rendre visite à sa mère malade au Liban, signifie bel et bien la fin du Londonistan. Dans les jours à venir, la police va opérer une vaste opération d’arrestation de tous ceux qui ont un lien avec les terroristes et ceux qui prêchent la haine. Cela sous-entend les imams radicaux et les réseaux de soutien des terroristes. Les suspects seront emprisonnés jusqu’à ce qu’une décision d’expulsion soit prise. Dans certains cas, même les familles des extrémistes seront expulsées. La liste de l’ensemble des radicaux a été mise à jour par les services de renseignements britanniques au lendemain des attentats de Londres, qui ont fait 56 morts.

Selon une source proche du ministère de l’Intérieur, les officiels sont en train de travailler jour et nuit pour voir qui pourra être déporté et revoir le statut de résidence de tout un chacun. «Les officiers d’immigration et de police se rendront au domicile de tous les suspects pour les arrêter et les mettre en détention jusqu’à ce qu’ils soient expulsés». Les règles du jeu ont changé. Londres, qui était la base arrière des terroristes, a cessé de l’être. «Ceux qui fomentent, justifient et glorifient les actes terroristes sur le sol britannique et ailleurs seront poursuivis et expulsés», martèle Charles Clarke, le ministre de l’Intérieur. Mais un grand problème pourrait venir des lois sur les droits de l’homme.

Seulement 6.007 demandes refusées

Yasser Al-Sirri, condamné à mort en Egypte pour l’assassinat d’une fillette de 6 ans, morte lors de l’explosion d’une bombe, a déclaré à la presse anglaise qu’il ne sera jamais extradé en Egypte car ses avocats britanniques savent comment jouer avec la loi. Un traité d’extradition entre l’Egypte et la Grande-Bretagne sera bientôt signé, mais Al-Sirri reste confiant. «Je n’ai pas à m’en faire. Je ne serai pas extradé. Mes avocats pensent que c’est impossible. Je ne pense pas qu’un juge britannique puisse accepter un accord entre le Royaume-Uni et un pays du Moyen-Orient, et plus particulièrement l’Egypte. N’importe quel juge mettra ces accords dans la poubelle. J’ai confiance en les droits de l’homme». Wait and see.

Enfin, les experts en immigration ont divulgué que durant les deux dernières années, les services consulaires britanniques en Algérie ont délivré 21.635 visas de visiteurs de six mois à des ressortissants algériens, sur une demande de 27.642. Seulement 6.007 demandes ont été refusées. Plaque tournante de l’islamisme radical international, le Londonistan est en voie de dématérialisation. Cette base arrière de la nébuleuse islamiste depuis plusieurs années focalise l’attention des autorités britanniques depuis les attentats de Londres. Les deux principaux courants du Londonistan, la mouvance jihadiste internationaliste et l’opposition en exil aux régimes arabes ou musulmans, ont dû s’adapter au renforcement de l’arsenal législatif antiterroriste et de la répression depuis les attentats du 11 septembre 2001. Selon un rapport du prestigieux Royal Institute of International Affairs (Chatham House), rendu public il y a quelques jours, les services britanniques savaient parfaitement, dès les années 90, que Londres servait de plus en plus de base à des individus engagés dans la promotion, le financement et la préparation du terrorisme au Moyen-Orient et ailleurs. Néanmoins, cite le même rapport, ces individus n’étaient pas considérés comme une menace pour la sécurité intérieure du Royaume-Uni et on les laissait donc poursuivre leurs activités avec une relative impunité.

«Les activistes ont été très habiles à rester juste en deçà de la ligne de l’incitation à la violence», souligne le directeur du Centre d’études sur le terrorisme de l’Université écossaise de St Andrews, Magnus Ranstorp. «Depuis que le Royaume-Uni s’en est pris à la mosquée de Finsbury Park, ils ont été repoussés vers des zones informelles, des groupes d’étude, des centres de jeunes», précise M. Ranstorp, en référence à une mosquée utilisée comme tribune par les salafistes jihadistes jusqu’en 2005. L’ex-imam de Finsbury Park, Abou Hamza Al-Masri, d’origine égyptienne, croupit dans la prison de haute sécurité de Belmarsh en attendant son procès, prévu en janvier 2006, pour incitation à la haine raciale et au meurtre notamment.

« Véritable farce ! »

Une autre personnalité de cette mouvance, le Palestinien Abou Qutada, considéré comme le «chef spirituel» d’Al-Qaïda en Europe, est assignée à résidence, après deux ans et demi de détention à Belmarsh. Le Londonistan, né dans les années 1990 de la concentration dans la capitale britannique d’une place financière, de médias arabes et d’une législation très généreuse en terme de droits d’asile, «est plutôt en voie de disparition», explique un expert français. «On aura peut-être un Londonistan plus clandestin», poursuit-il. La semaine dernière, le gouvernement britannique a précisé les nouvelles «règles du jeu» contre le terrorisme promises par Tony Blair, dressant la liste des «comportements inacceptables» qui pourront conduire à l’expulsion des imams extrémistes et autres figures de proue du Londonistan. Et ces règles du jeu pourraient être appliquées très vite, a insisté le ministre de l’Intérieur, Charles Clarke.

La liste publiée par le secrétaire au Home office n’est pas une surprise. Après deux semaines de débat, notamment avec les principales associations représentatives de la communauté musulmane, le secrétaire au Home Office n’a de fait opéré que des changements «cosmétiques» à son texte initial. D’où la colère de la Commission islamique des droits de l’Homme, selon qui tout ce processus de consultation n’a été qu’une «véritable farce»: ce texte revient à «criminaliser le fait de penser, d’avoir une opinion, des croyances», a plaidé son président, Massoud Shadjareh. Opposables à tous les ressortissants étrangers, en Grande-Bretagne ou à l’étranger, ces «comportements inacceptables» pourront être mis en avant par le Home Office pour soit les expulser du territoire britannique, soit leur interdire l’entrée sur le territoire du Royaume-Uni. Dix personnes paraissent déjà directement concernées: les dix étrangers arrêtés le 11 août pour «menace à la sécurité nationale». Parmi eux, Abou Qutada, considéré comme le chef spirituel d’Al-Qaïda en Europe. Figure de proue du Londonistan, ce Palestinien est à Londres depuis 1993, mais le Home Office n’a qu’un désir: le renvoyer vers son pays d’origine, la Jordanie. Reste à convaincre les juges que cette expulsion ne mettrait pas sa vie en danger.

Correspondance de Londres: Réda Hassaïne

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