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Celui qui recule, celle qui avance

Par : Mustapha Hammouche
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L’équipe algérienne de football est rentrée de Coupe du monde avec dans ses bagages une contre-performance historique : le plus mauvais résultat dans un tournoi international. En 1986, même avec un nul et deux défaites, l’équipe de Saâdane avait marqué un but. La bonne nouvelle que constitue la révélation de quelques individualités ne suffira pas à compenser le fiasco tactique renouvelé.
Mécontente de sortir par la petite porte technique, l’équipe a tenu à marquer sa présence dans ce Mondial sud-africain de notre empreinte culturelle.
Faute de marquer des buts, Djamel Saïfi, un de ses stériles “buteurs”, a héroïquement déposé la marque de notre machiste virilité sur le visage d’une femme journaliste. Ce qui aura permis à la FIJ de poser officiellement, et pour la première fois, la question de la sécurité des journalistes dans des compétitions où les enjeux extra-sportifs induisent de plus en plus de comportements mafieux. Ce qui aura aussi contraint la Fifa à ouvrir la première enquête sur un acte de violence de joueur commis en dehors du terrain.
Devant la performance du gardien M’bolhi qui a sauvé les Verts d’une humiliation de fin de tournoi, on en était à se féliciter de la décision légalisant, depuis 2008, la transmission de la nationalité algérienne par la mère, quand nous vint la nouvelle du geste imbécile de Saïfi osé, pour la seconde fois paraît-il, contre une consœur. S’il fallait reconnaître au régime actuel quelques rares décisions politiques à caractère progressiste, celle qui a consisté en la levée de la réserve à l’égard de l’article 9.2 de “la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes”, prise il y a deux ans, devrait figurer en tête de ces maigres réalisations.
On ne demande pas à Saïfi, dont la notoriété usurpée ne doit rien à son efficacité sportive et encore moins à la conscience politique, de faire le lien entre la présence d’un goal providentiel et le recouvrement de l’entière citoyenneté de la femme, lui qui violente une journaliste parce qu’elle a révélé son mariage mixte qu’il aurait aimé cacher. Ce qui déjà en dit long sur la sérénité psychologique du personnage.
Ce joueur n’est qu’un représentant caricatural de la régression machiste nationale, bien plus dangereuse que l’improvisation stratégique des instances sportives : d’abord gracieusement ouvertes aux spectatrices, lors de la rencontre amicale Algérie-Serbie, les tribunes du stade du 5-Juillet furent le théâtre d’agressions et d’insultes à l’endroit des femmes ; on attribua la défaite de l’équipe nationale… des hommes à leur présence ! Ces évènements racontés par un animateur de Radio-Canada au lendemain de la rencontre Algérie-Slovénie provoqua l’hilarité de l’assistance. On pouvait continuer à s’en prendre à ce genre de détracteurs si les Saïfi ne venaient confirmer ce sous-développement civique sur lequel les autorités ferment allègrement les yeux.
La journaliste Halimi, la bien nommée, par sa présence même en Afrique du Sud, montre qu’en dépit des accointances vénales entre les milieux footballistiques et politiciens et en dépit de la régression mafieuse du système, des femmes et des hommes rivalisent en morale et en courage professionnels avec leurs homologues du monde. Le représentant de la voie de l’échec, c’était lui, “l’attaquant” qui recule ; la représentante de la voie du progrès national, c’était elle.

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