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L’Etat fait semblant de négocier, mais les décisions sont déjà prises


L'Etat fait semblant de négocier, mais les décisions sont déjà prises

Colloque international sur les interactions entre le local et le national

Une diversité d’approche pour cerner la problématique des articulations entre les échelles locales et globales incluant le national, mais aussi le transnational.



Les travaux du colloque international, prévus sur trois jours, sous l’intitulé générique « Regards sur le terrain : le national et le local en Afrique du Nord », ont été entamés hier au sein du nouveau siège, situé à proximité de l’USTO, du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), à Oran. La manifestation est organisée en collaboration avec The American Institute for Maghreb Studies (AIMS) avec la contribution du Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA) dont le siège se trouve à Es Senia (ex-IAP). Les intervenants dans les ateliers prévus durant cette première journée rendent comptent d’une réelle diversité d’approche pour cerner la problématique des articulations entre les échelles locales et globales incluant le national, mais aussi le transnational dû à l’introduction de la notion de mondialisation ou globalisation.

Succédant à Jean Leca de l’Institut d’études politiques de Paris, à qui a été confiée la tâche de donner la conférence inaugurale sur le thème « Local et national avec une excursion dans le global. Echelles d’analyse et emboitement des mécanismes sociaux », le Marocain Hassan Rachik, de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Casablanca, a mis à contribution des années de recherche sur le terrain pour, en partant d’un cas concret, le village de Sefrou, tenter de décortiquer les mécanismes sociaux ou culturels qui renforcent ou estompent les oppositions modernité/tradition, culture et langue populaire/culture et langue d’élite, savoir local/savoir global, etc.

« Le but de mon intervention, a-t-il expliqué en marge de son intervention, est de voir comment on peut organiser le local à une échelle nationale, sachant que les sciences ne le font pas car quand elles s’intéressent au local elles oublient le national et inversement. » Hassan Rachik rappelle que la pratique spatiale dans la recherche, qui consiste à délimiter géographiquement un espace d’étude, est dépassée depuis les années 1940 et que maintenant, on a plutôt tendance à considérer la notion de « local » comme un processus. Dans les débats qui ont suivi son intervention, il s’est dit « gêné » par l’attitude des orientalistes qui ne font pas la différence entre les niveaux de langue et donc de savoir existant dans la société, le Maghreb ayant la particularité d’avoir développé une langue intermédiaire qu’on oppose à l’arabe classique.

A ce propos, Il va plus loin en introduisant plus de subtilité avec la notion de « dardja élégante » pratiquée par les poètes du genre melhoun et « dardja ordinaire ». Ce à quoi Fanny Colonna du CNRS (France) et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), présidente de séance, a fait référence en faisant remarquer à juste titre que les dictionnaires des dialectes sont élaborés par les étrangers à la langue en question. Fanny Colonna doit intervenir aujourd’hui avec une conférence intitulée « Du sanctuaire montagnard à la nation ». En attendant, mêlant histoire et politique, Abdelmadjid Merdaci, de l’université de Constantine, s’est intéressé à la guerre de Libération en partant d’un fait local, ce qu’il a appelé « la crise de Constantine » à la veille du déclenchement de la lutte armée pour l’indépendance, pour tenter d’analyser les articulations entre le local (les membres locaux de l’OS qui ont remis en cause certaines décisions), le national et même le central en tenant compte de l’attitude de la direction centrale du FLN. Il expliquera ainsi pourquoi aucune balle n’a été tirée à Constantine à l’annonce du déclenchement de la guerre de Libération nationale et pourquoi tous les futurs dirigeants du FLN de Constantine ne sont pas issus de l’OS comme c’est le cas ailleurs.

Pour lui, cette crise locale, occultée par l’histoire même si elle a été brièvement prise en compte par l’historien Mohamed Harbi, est un signe de la culture de l’autoritarisme qui allait caractériser le FLN bien plus tard. Sur un tout autre registre mais toujours dans le même contexte, la conférence du Tunisien Mohamed Kerrou, de l’université El Manar, est été intéressante à plus d’un titre : il s’est intéressé à la mise en place d’un plan de développement initié en collaboration par l’Etat tunisien et l’Italie pour réhabiliter un faubourg, Sidi Amor Abada, un quartier pauvre, démuni, presque en ruines, situé en plein cœur de la ville médiévale de Kerouan. Plus particulièrement, le rapport de l’Etat a été pris en considération par Jane Goodman de l’université de l’Indiana (Etats-Unis) qui s’est intéressé à la destruction et la délocalisation du théâtre El Moudja de Mostaganem.

« Nulle part où aller, narrations, négociations et la délocalisation du théâtre El Moudja » est l’intitulé de sa conférence. Effectivement, elle raconte dans le détail, presque à la manière journalistique, c’est-à-dire un témoignage, ce qui s’est passé avant, pendant et après cette journée de juin 2009 où la bâtisse abritant le théâtre El Moudja de Salamandre a été détruite, en même temps que d’autres constructions, pour les besoins d’un projet décidé par les autorités. C’est, hormis la description de l’intervention des services techniques, en rapportant dans le détail tout ce qui a été dit entre les acteurs associatifs, le chef de daïra et le wali, en analysant le contenu des dialogues, les négociations, que Jane Goodman a tiré ses conclusions : l’Etat fait semblant de négocier, mais les décisions sont déjà prises et elles sont irrévocables. Ce qui nous ramène à la notion d’autoritarisme développé par l’universitaire constantinois. Plus d’une vingtaine d’intervenants sont attendus durant les deux jours qui restent, alors qu’un essai de synthèse, « Le local, le national et le global en Afrique du Nord » est prévu par Omar Carlier de l’université Denis Diderot.



Par Djamel Benachour

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