En 2008, le « Rapport mondial sur la transparence des revenus des compagnies gazières et pétrolières » était rendu public. Ce rapport utilisait une série d’indicateurs fiables pour mesurer et comparer le degré de transparence des revenus qu’affichent une sélection d’entreprises de l’industrie du gaz et du pétrole. 42 d'entre elles, dont Sonatrach, opérant dans 21 pays, dont l’Algérie, étaient incluses dans cette étude.
L’étude définissait trois groupes d’entreprises réalisant des performances élevées, moyennes ou faibles en termes de transparence. Ce classement pouvait permettre à certaines entreprises de faire pression sur leurs concurrents afin qu’ils s’alignent sur des standards de transparence élevés, plaçant ainsi l’ensemble des entreprises de l’industrie pétrolière et gazière sur un pied d’égalité. Il faut également noter que malgré les efforts entrepris pour associer les entreprises à tous les stades de l’étude, plus de 30 entreprises, dont Sonatrach, ont choisi de ne pas procéder à la vérification de leurs résultats.
Dans le résultat global des entreprises, Sonatrach faisait partie des Compagnies pétrolières nationales, qui réalisaient une performance moyenne, c'est-à-dire qui divulguent peu d’informations relatives aux paiements et aux programmes de lutte contre la corruption, et pour qui de nouveaux progrès supposent de publier plus d’informations sur les politiques et les systèmes de gestion, et d’améliorer la communication dans tous les domaines relatifs à la transparence des paiements. La situation interne de Sonatrach s'est nettement dégradée depuis.
Le secret est moralement et commercialement indéfendable
Si de nombreuses grandes entreprises semblent aujourd’hui peu enclines à divulguer ces informations capitales, quelques tendances positives émergeaient de l’étude : un nombre limité mais toutefois significatif d’entreprises publie aujourd’hui une masse considérable d’informations. Les entreprises les plus performantes, parmi lesquelles certaines des premières entreprises mondiales, peuvent constituer un modèle pour l’ensemble du secteur. Le degré élevé de transparence auquel parviennent ces entreprises montre que le secret est moralement et commercialement indéfendable. Il reste toutefois un important groupe d’entreprise dont les performances en termes de transparence des paiements sont faibles. Le manque de transparence de ces entreprises complique la tâche des législateurs, de la société civile et de tous ceux qui cherchent à s’assurer que les revenus tirés de l’exploitation du pétrole et du gaz sont utilisés par les gouvernements dans l’intérêt public. Sur 58 points maximum par rapport à l’ensemble des indicateurs propres aux Compagnies pétrolières nationales – indicateurs mentionnés dans le questionnaire de base de ce Rapport 2008 -, Sonatrach n’obtenait que 10 points ! 10 sur 58, note très faible. Sonatrach a encore beaucoup de chemin à faire pour se hisser à la hauteur des Compagnies les plus transparentes. Les récentes affaires de corruption de cette entreprise vont encore rendre ce chemin plus difficile d'accès et les séquelles qui en découleront vont avoir des effets dévastateurs.
Transparency International et SONATRACH / Echange de correspondances en 2007 resté sans suite !
Est-ce le début d'une collaboration entre SONATRACH et l’ONG de lutte contre la corruption, Transparency International ? Suite à la 3ème Conférence plénière de l’"Initiative internationale pour la transparence dans les industries extractives" ( EITI ) , qui s’était tenue à Oslo en octobre 2006, Transparency International décidait de mettre en place un groupe de coordination interne dont la mission principale était d’appuyer toutes les actions visant à promouvoir la transparence dans les industries extractives, notamment par l’intermédiaire de ses sections nationales qui menaient déjà des activités dans ce sens ou souhaitaient le faire à l’avenir. L’Association algérienne de lutte contre la corruption faisait partie de ce groupe. La coordinatrice de ce groupe auprès du secrétariat de Transparency International à Berlin, avait adressé en 2007 une correspondance au PDG de Sonatrach où elle faisait part de la disponibilité de cette ONG à entamer une collaboration autour de l’élargissement et de la mise en œuvre de l’EITI. Sonatrach, par l’intermédiaire de son directeur financier _ M. A. Rezaïguia-, avait répondu à Transparency International, faisant part de son intérêt pour l’EITI. Le 24 juin 2007, l’ONG de lutte contre la corruption contactait de nouveau Sonatrach, par courrier, pour évoquer le “projet de transparence dans les revenus” issus des industries extractives, projet auquel adhérait déjà un nombre important de grandes compagnies de par le monde dont certaines sont installées en Algérie. Mais Sonatrach commettait l'indélicatesse de ne pas donner suite à ce dernier courrier. Visiblement, Sonatrach ne souhaitait pas aller plus loin que cet échange de correspondances : craignait-elle de trop s'engager dans un partenariat qui l'aurait obligé à plus de transparence ? Qui l'en avait empêché ?
Congrès d'Oslo en 2006 / Volt face de Chakib Khelil et de Sonatrach !
La 3ème Conférence plénière de l’“Initiative pour la transparence dans les industries extractives” — EITI —, a eu lieu à Oslo (Norvège) les 16 et 17 octobre 2006 : elle avait réuni les représentants de plusieurs dizaines de gouvernements, les grandes compagnies pétrolières et minières, de nombreuses ONG et les institutions financières internationales. EITI fut lancée en 2002 à l’occasion du Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg. L’EITI rassemble une coalition internationale de gouvernements, entreprises, organisations de la société civile et investisseurs en vue d’encourager une plus grande transparence dans les paiements et les revenus tirés des ressources naturelles. Les revenus découlant du pétrole, du gaz et des minéraux peuvent transformer les économies, réduire la pauvreté et augmenter le niveau de vie de populations entières dans les pays riches en ressources. Sonatrach était présente aux premières réunions qui ont précédé la rencontre d'Oslo, endossant un statut d'observateur. Puis plus aucune participation depuis 2006, au moment où l'on exigeait des engagements fermes !
Pour rappel, lorsqu’un pays met en œuvre l’EITI, son gouvernement prend l’engagement de renforcer la transparence de ses revenus provenant des ressources naturelles et ses citoyens prennent l’engagement de demander des comptes au gouvernement quant à sa manière d’utiliser ces revenus. L’Algérie, qui avait été officiellement invitée par le gouvernement norvégien, pays hôte de cette 3ème Conférence plénière, et qui avait accepté l'invitation, avait choisi en dernière minute de s'absenter, à la grande surprise de nombre de délégations officielles présentes, et sans même avoir la bienséance de s'en excuser auprès des organisateurs ! Ni le ministre de l’énergie et des mines, Chakib Khelil, ni le ministre des finances (invité lui aussi), ni le PDG Sonatrach, ne se sont expliqués sur ce volt face de dernière minute. C'était visiblement le moment choisi par le gouvernement algérien de tourner le dos définitivement à l’EITI. L’Association algérienne de lutte contre la corruption, invitée par le ministère norvégien des affaires étrangères, avait participé à cette réunion, et en avait profité pour multiplier les contacts avec nombre de délégations gouvernementales, de compagnies pétrolières et d’ONG.