Nous caressions le rêve d’y échapper, « pas cette fois, ils n’oseraient pas », nous sommes-nous dit…Mais non, nous n’y échapperons pas, pas même cette fois, ELLE nous a rattrapés un mardi matin, lâchée comme un obus de la bouche ulcérée du ministre de la Justice, garde des Sceaux : « La campagne médiatique vise ma personne et d’autres cadres de l'Etat ». ELLE ! Compacte, émue, indignée, tremblante, accusatrice…LA PHRASE qui blanchit les puissants et accable les bouseux journalistes. Cousine germaine de l’autre, « La main de l’étranger », mais un peu plus agacée. Accusés, levez-vous ! « La campagne médiatique vise ma personne et d’autres cadres de l'Etat ». La même phrase depuis octobre de cette année-là, depuis Betchine, depuis toujours... Pas une ride ! «La publication de ces informations s'inscrit dans le cadre d'une campagne qui vise à porter atteinte à ma personne et à celles d'autres cadres de l'Etat algérien». Il sait tout, le ministre ! Il n’emploie pas le conditionnel. Il sait. Il sait qu’il y a un complot contre l’irréprochable Etat algérien, mais il n’en dit pas plus.
Oui, je l’avoue, nous caressions le rêve d’y échapper, « pas cette fois, ils n’oseraient pas », nous sommes-nous dit…Pas après l’affaire Khalifa, pas après le scandale Sonatrach, pas après le scandale de l’autoroute, pas après tout ce qu’on a fini par savoir sur eux…Ils n’oseraient pas s’offusquer. Qu’a-t-on besoin de fomenter campagne contre un régime classé parmi les plus corrompus du monde ? L’Etat de M. Belaiz n’a pas attendu Salima Tlemçani pour se faire une réputation de forban. Il s’en est chargé lui-même. Avec maestria. Par de grands garçons comme Chakib Khelil et sa bande, par l’ancien président de l’Assemblée nationale Saâdani, auteur d’un cambriolage mémorable, par le syndicaliste du pouvoir Sidi Saïd, par le wali Bouricha, et par quelques dizaines d'autres qui s’épanouissent dans le silence de l’obscurité.
Mais non, nous n’y échapperons pas, pas même cette fois… Accusés, levez-vous ! Vous avez rappelé au bon peuple ce qu’il savait déjà, que la tête est pourrie, que le pouvoir d’un dictateur se dissémine en réalité entre de nombreux sous-dictateurs anonymes et irresponsables dont la tyrannie et la corruption deviennent bientôt insupportables. Et c’est déjà insupportable.
Il est trop tard, M. Belaiz !
Trop tard pour s’indigner. Trop tard pour les couleuvres. Trop tard pour tout.
L.M.