Les propos du premier ministre français, François Fillon, ce mardi matin sur Europe 1, selon lesquels "le combat va se renforcer" contre l'organisation Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), au lendemain de l'exécution de l'otage français Michel Germaneau, augurent bien d’une prochaine ingérence étrangère à nos frontières. Fillon a redit ce que le président Nicolas Sarkozy avait déjà promis lundi, à savoir que cet "acte barbare" ne resterait pas "impuni". Sarkozy parlait lors d'un conseil de sécurité et de défense réunissant des responsables ministériels et du renseignement.
Plus diplomate, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, s’il a confirmé que la France s'engageait à poursuivre la lutte contre le terrorisme, a toutefois laissé entendre que cette intervention militaire sera déguisée sous une coopération militaire avec Nouakchott. Il n’a, cependant, laissé planer aucun doute sur l’ingérence.
S’adressant aux ressortissants français, Bernard Kouchner les a avertis : « Il y aura quelques mois, je ne sais pas combien, qui seront nécessairement plus durs, a prévenu le ministre, parce que la détermination de la Mauritanie portera ses fruits, parce que ce pays montrera le chemin aux autres pays ».
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner est arrivé lundi soir dans la région pour examiner avec les autorités locales et les ambassadeurs de France "les mesures de sécurité à prendre pour les Français", mais, en fait, pour étudier la possibilité d'une intervention militaire sous couverture d'une " collaboration" avec la Mauritanie.
Bien que les Américains se fassent moins impulsifs, ils partagent les craintes des Français et craignent que les terroristes n'utilisent leurs bases dans la région saharienne pour monter des opérations djihadistes contre l'Europe et les Etats-Unis. Il ne faut pas oublier que plus de 200 membres des forces spéciales américaines et 500 soldats africains se sont entraînés ensemble en mai. Il faut bien réaliser que l’heure est grave pour les Français et que l’ingérence n’est plus très loin.
Le raid de jeudi 22 juillet contre une base d’al-Qaïda en est l’avant-goût.
Au-delà de desseins stratégiques et économiques inavouables, Paris justifie sa prochaine intervention militaire par deux arguments : l’extraordinaire développement de Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui menace la paix et qui s’attaque à la France ; la faillite des pays de la région.
Aux dires d’un spécialiste français, « L’Afrique du nord est très malade. Dans ce cas précis un diagnostic s’impose et en toute urgence. En effet, son corps est très touché et nécessite un traitement pas comme les autres à défaut la rechute sera inéluctable. Cette maladie peut provoquer de plus en plus des préjudices et des dégâts considérables s’il n’y a pas une vraie volonté de la contenir et juguler son expansion. Lorsqu’on s’intéresse à un phénomène, la première chose à faire est d’élucider ce qui l’engendre et l’incite à s’amplifier. Le terrorisme, ce cancer qui touche le Maghreb, peut contaminer par dissémination des pays éloignés. Cependant, les voies de propagation et les localisations des métastases dépendent de la nature et de l’origine du foyer de la cellule cancéreuse. »
Selon le ministre français de la Défense Hervé Morin, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) compte "450 à 500 hommes disséminés sur toute la bande sahélienne qui sont extrêmement actifs et déterminés pour faire la guerre contre l'Occident". Des responsables du renseignement estiment que les effectifs d'AQMI ont doublé en seulement un an, passant de quelque 200 hommes à environ 400. Et les experts craignent qu'ils n'utilisent leurs bases dans la région saharienne pour monter des opérations djihadistes contre l'Europe et les Etats-Unis.
AQMI avait revendiqué un attentat-suicide commis le 8 août dernier près de l'ambassade française de Nouakchott, en Mauritanie, qui avait fait trois blessés légers, dont deux gendarmes français.
Le 26 novembre 2009, Pierre Camatte, responsable de l'organisation humanitaire Icare, est enlevé à Menaka, dans le nord-est du Mali, près de la frontière avec le Niger. Il sera détenu pendant trois mois par AQMI dans le désert malien avant de retrouver la France le 25 février 2010. Paris assure ne pas avoir versé de rançon.
"On peut considérer qu'ils ne sont que 400 dans le désert, mais ils dominent aujourd'hui une zone grande comme la moitié de l'Europe", note un responsable français sous couvert de l'anonymat, dont la mission consiste à surveiller la zone. "C'est une menace prise très au sérieux."
La coopération régionale dans la lutte antiterroriste, une coquille vide ?
Selon Paris, la triste fin de l’humanitaire français Michel Germaneau, assassiné par des terroristes d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), et le raid franco-mauritanien contre un camp de ce réseau dans une vaine tentative pour le libérer, ont révélé que la coopération régionale dans la lutte antiterroriste, instituée par les accords de sécurité parrainés par Alger en avril dernier, n’était qu’une coquille vide. Le repli de l’AQMI dans les zones désertiques du Sahara et du Sahel après avoir sévi pendant plusieurs années en Algérie, n’a fait que donner un nouveau souffle au groupe salafiste. Dans les étendues désertiques à cheval sur le sud algérien, le nord du Mali et de la Mauritanie, jusqu’au Niger, l’AQMI, héritier du GSPC algérien, a réussi à prospérer grâce aux trafics en tous genres : armes, drogue, migrants clandestins. Parallèlement, les stratégies de riposte élaborées par les pays de la région sont loin d’avoir apporté une réelle riposte à cette menace persistante. L’accord signé le 21 avril dernier Alger, pour instituer une coordination entre les pays du sahel dans la lutte antiterroriste, n’a tout simplement pas fonctionné.
Service politique Lematindz (avec Sahel intelligence)
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