par Ghania Oukazi
Les propos sur la sécurité glissés dans le communiqué de la présidence de la République sanctionnant «l'audition» mardi dernier du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, semble augurer des changements dans la gestion de la donne sécuritaire.
« Le terrorisme a été largement réduit et fait l'objet d'une lutte résolue menée par nos forces de sécurité à leur tête l'ANP,» en serait bien un s'il est permis de deviner le degré de primauté qui est donné, sous le sceau d'une instruction du chef de l'Etat, à l'institution militaire sur les gestionnaires du renseignement. Et quand les rédacteurs du communiqué écrivent que «le respect des droits et des libertés s'est largement affirmé à l'ombre d'une profonde réforme de la justice. (Et que) les moyens des forces de police et de gendarmerie nationales ont, quant à eux, été largement renforcés durant ces dernières années,» l'on pourrait observer un recentrage des missions de ces deux corps. En effet, le soin a été pris ici de détacher quelque peu le ministère de l'Intérieur du volet sécuritaire puisque l'intervention de ses forces sur le terrain ne semble être attachée qu'à leur important déploiement et parce qu'elles ont été «largement renforcées.» Renforcement au sens matériel et physique du terme sans pour autant qu'il leur soit (encore) défini de nouvelles prérogatives en termes de renseignement et de gestion du sécuritaire. D'ailleurs, «le respect des droits et des libertés» est lié, dit le communiqué à «une profonde réforme de la justice» et donc non à l'efficacité des forces de sécurité qui pourtant constitutionnellement sont responsables de la protection de ces droits sur le terrain. Il est probable que leur mauvaise gestion des nombreuses émeutes à travers le pays aient été retenues contre elles pour avoir manqué de froideur d'esprit dont elles se doivent d'en faire preuve en cas de conflit. Les forces de police attendent peut-être que «leur position» soit revisitée en prévision d'une réforme de leurs missions et de leurs méthodes d'intervention. Le Président les dilue d'ailleurs dans un tout en estimant qu'«il reste donc aux autorités concernées à tous les niveaux de l'Etat, à veiller fermement à la préservation de l'ordre public en toute circonstance, au respect de la loi par chacun, et à la sanction légale de toute atteinte à la sécurité des personnes et des biens.» C'est ce qui permettra, selon lui, «de concrétiser sur le terrain les exigences d'un Etat de droit fondé sur la primauté de la loi et la garantie de l'exercice par le citoyen de ses droits et devoirs.»
Confié à Daho Ould Kablia à la faveur du remaniement ministériel du 27 mai dernier, le ministère de l'Intérieur semble avoir recentré ses missions autour des collectivités locales avec à la clé «l'amélioration et la modernisation des services publics, l'amélioration et la qualification de la ressource humaine et la dynamisation de leurs efforts (collectivités locales) en matière de développement.»
De nouveaux textes législatifs à charge de Ould Kablia
«L'audition» de son ministre par le président de la République a été d'ailleurs essentiellement axée sur «la finalisation des réformes institutionnelles avec principalement la révision du code de la commune et du code de la wilaya ainsi que d'autres projets législatifs.» Les deux codes visent, selon le rapport du ministère «l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement des collectivités territoriales, à travers notamment la prise en compte de la nécessaire cohérence des formes d'organisation administrative ainsi que la prise en charge de la proximité et de ses exigences dans les modes d'organisation, de gestion et de responsabilité, principalement dans la mise en œuvre du programme de développement local.»
Ould Kablia consigne aussi dans son rapport ce qu'il a hérité de son prédécesseur, Nouredine Yazid Zerhouni, et qu'il se doit de mener à point. Il s'agit de «la mise en œuvre des mesures liées à la modernisation et à la sécurisation des documents de voyage et d'identité biométriques.» Sous le propos faisant état «d'autres projets de textes législatifs», il est probablement question pour ce ministère, d'initier de nouvelles règles régissant le mouvement associatif, codifiant la création de partis politiques et aussi réglementant l'organisation et la surveillance des élections en prévision des législatives de 2012.
L'informatisation de l'état civil sous le sceau de l'urgence
En attendant que les choses soient précisées, le ministère affirme dans son rapport, être à la recherche « d'une meilleure clarification des rapports des différents organes élus entre eux et avec l'administration, de la valorisation du statut de l'élu et d'une définition plus claire des conditions d'exercice du contrôle légal des actes des organes élus.» Il table en parallèle sur «l'introduction de la gestion participative pour intéresser le citoyen à la gestion des affaires de sa commune.»
Sous forme d'instructions, le Président note que la révision des codes de la commune et de la wilaya, «de ces deux importantes lois sera en fait une étape transitoire.» Il recommande à cet effet «de saisir l'occasion pour clarifier davantage le rôle des élus (
) ainsi que leurs relations avec les autorités administratives locales (
).» Il appelle à l'institution d'une concertation entre les deux parties autour des réalisations que retiendront les collectivités locales. Le Président demande aussi à la société civile de s'impliquer dans la gestion locale. «Il s'agit d'opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques,» a-t-il affirmé. L'essentiel des dépenses locales «étant actuellement financées par le budget de l'Etat,» le Président demande « dès à présent, la préparation d'une véritable réforme de la fiscalité locale qui affirmera la pleine signification de la démocratie et de la décentralisation au niveau local.» Il appelle par ailleurs «à la nécessité de réunir les conditions fondamentales que sont l'écoute, l'observation, l'analyse et l'évaluation pour une meilleure prise en charge des besoins des citoyens au profit d'une plus grande stabilité et cohérence sociale.»
Bouteflika place sous le sceau de l'urgence «l'informatisation totale de l'état civil.» Il a ainsi instruit le gouvernement «de réaliser dans les plus brefs délais» la mise à jour du fichier des renseignements des populations. Il est probable que le dossier pour l'obtention des documents d'identité biométriques connaisse d'autres allégements puisque le Président demande à cet effet, «un réexamen des listes des documents et pièces exigibles au niveau des différentes administrations» pour, dit-il «éliminer tout excès dans ce domaine.»