Les mesures prises par le gouvernement pour décongestionner le port d’Alger n’ont, semble-t-il, pas amélioré la situation du terminal à conteneurs.
Dans une notice au client, dont nous avons une copie, M. Philippe Borel, vice-président du CMA CGM-Services Nord-Afrique, évoque une situation critique des opérations sur le terminal à conteneurs d’Alger. “Depuis 3 semaines maintenant, tous les porte-conteneurs à Alger font face à une congestion énorme et historique”, relève le vice-président du CMA CGM – Services Nord-Afrique. Cette congestion est principalement due à l’instabilité sociale et à la période de vacances. “Par conséquence, l’escale moyenne par navire a augmenté”, constate
M. Philippe Borel. Le temps d’escale moyen est de 12 jours en mars 2010, de 9,8 jours en avril, de 8,4 en mai, de 12,8 jours en juin et de 16,9 jours au mois de juillet dernier. La performance moyenne pour le mois d’août devrait être d’environ 25 jours. Plus grave, quelques compagnies ont enregistré une escale record de 37 jours à Alger. Comme conséquence directe, les temps de transit à Alger se détériorent de 23 jours sur de nombreux legs maritimes. Le président du CMA CGM-Services Nord-Afrique attire l’attention sur “les conséquences que ces temps d’escale pourraient avoir sur certains conteneurs transportant des denrées périssables”. Il se pourrait, prévoit-il, que d’ici quelques jours, certains navires attendraient plus de 25 jours au mouillage. “Même si la capacité de navire supplémentaire a été injectée pour évacuer les conteneurs du port de chargement vers Alger, nos navires sont toujours en attente d’accostage à ce jour”, indique M. Philippe Borel, qui ne voit “aucun signe d’amélioration”. Pour rappel, depuis le 1er octobre 2009, les navires transportant des cargaisons de rond à béton et de bois, les produits alimentaires non conteneurisés, les marchandises diverses non conteneurisées et les véhicules (car-carries) ne seront plus autorisés à décharger leurs marchandises au port d’Alger. Cette décision a été prise pour mettre fin à l’allongement de la durée à quai des navires et à l’importante rade qui se traduit par des impacts extrêmement pénalisant pour l’économie. Une attente qui saigne le Trésor public, à partir du moment où chaque journée en mer coûte entre 1 500 et 2 500 dollars US, transférés en devise forte vers l’étranger. Ces mesures n’ont pas amélioré la situation du port d’Alger.
Les observateurs de la logistique du commerce international avaient déjà exprimé leur scepticisme quant à la mise en œuvre de ces mesures sur le terrain tant la situation au port d'Alger est devenue intenable et inextricable. L’entrée de Dubaï Port World dans la gestion des containers n’a pas apporté la valeur ajoutée attendue parce que les espaces consacrés à ces conteneurs sont les mêmes. Par ailleurs, selon certaines sources, étant donné l’exiguïté de l’espace du terminal à conteneurs, les nouvelles mesures de contrôle aux frontières ainsi que celles prises dans le cadre de la loi de finances 2008-2009, relative au commerce extérieur, le traitement des conteneurs se fait dans un délai très long, dépassant largement les 20 jours, ce qui retarde le déchargement des autres conteneurs. C’est toute la problématique des ports en Algérie qui est posée. L’Algérie dispose aujourd’hui de ports de très faibles capacités et totalement étouffés par le tissus urbain. La plupart des ports algériens, construits à l’époque coloniale, ne disposent d’aucune possibilité réelle d’extension. Seulement deux ports commerciaux ont été construits depuis l’Indépendance, le port d’Arzew spécialisé dans les hydrocarbures et le port de Djen Djen qui est loin d’avoir une taille et des atouts comparables à ceux des ports mondiaux modernes. Les faibles capacités de Djen Djen font que ce port ne peut pas être un port d’éclatement sur les grandes lignes maritimes transocéaniques. L’absence de ports de taille mondiale pénalise lourdement l’économie algérienne. L’Algérie perd 2 500 dollars sur le fret avec l’Asie par rapport à l’Europe ou le Maroc. Avec l’Europe, notre pays perd près de 1 350 dollars de compétitivité par container par rapport au Maroc vers la même destination. Pour le transport en vrac, l’Algérie perd jusqu’à 60 dollars la tonne à cause de la faiblesse de ses capacités portuaires. Hors hydrocarbures, l’Algérie importe chaque année 26 millions de tonnes de marchandises diverses et de matières premières et en exporte un peu plus de 4 millions de tonnes.
Avec un handicap de 60 dollars la tonne transportée, c’est donc plus de 2 milliards de dollars perdus chaque année par l’Algérie et cela depuis plus de quarante ans. De quoi construire un port de taille mondiale. Aujourd’hui, les frais de transport pouvant aller jusqu’à 40% du coût des produits fabriqués, les avantages du coût du fret deviennent décisifs dans la compétitivité mondiale. Beaucoup de pays l’ont compris et ont investi massivement dans la construction de ports de taille mondiale. Tanger-Med (Maroc) et Damette et Port-Saïd (égypte) sont aujourd’hui des ports de taille internationale sur la rive sud de la Méditerranée.