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ZIGHOUT, L'ANTI-HEROS

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C’est un homme simple, un forgeron, pas un intellectuel, dit-il, mais un autodidacte, qui succède à Didouche Mourad, tombé à Oued Boukerker le 18 janvier 1955, à la tête de ce qu’on appelait encore la Zone II, qui correspond géographiquement au Nord constantinois. Comme pratiquement toutes les grandes figures qui ont marqué la guerre de libération, nous savons très peu de choses de la vie de Zighout Youcef. Les biographes ne sont pas légion dans notre pays et ceux qui l’ont connu ou côtoyé se rendent à l’évidence, seulement maintenant, combien leur témoignage est précieux et irremplaçable pour, fort justement, combattre la mystification et dénoncer les portraits naïfs, franchement grotesques et caricaturaux qui ont été élaborés par-ci, par-là.

Les rares textes crédibles qui existent et qui donnent des indications biographiques font peu de descriptions du personnage qu’était Zighout. Jacques Duchemin, auteur de la trop superficielle Histoire du FLN(4), dit de cet homme au chapeau de brousse vissé sur la tête, « ce loup maigre et sec qu’était Zighout » était néanmoins « fort comme un bœuf, moustachu, bourru, père d’une petite fille qu’il adorait, il avait décidé de faire la guerre aux Français sans commettre pour autant des exactions. Il n’aimait pas tuer des civils ni achever des prisonniers. » Il aurait, toujours selon cet auteur, fait jurer à Lakhdar Ben Tobbal, alors son adjoint militaire, de veiller sur sa fille et de l’adopter s’il venait à disparaître.

Présenté comme un combattant « chevaleresque » qui forçait le « respect » des ennemis qui ont eu à l’affronter, Zighout Youcef marquera toute une génération de combattants, tout comme il a donné à la Wilaya II un style de commandement tout à fait particulier. Il est utile, à ce propos, de rappeler que c’est la seule wilaya qui a échappé aux terribles purges qui ont gangrené les maquis à partir de la fin 1958. Le Pr Mahfoud Bennoune, officier de la Wilaya II, témoigne qu’il était « un homme réfléchi, intelligent, sérieux, profondément engagé pour la cause nationale, bien organisé et surtout d’une extrême modestie ». Ceux qui ont côtoyé cet officier, qu’ils décrivent comme un djoundi intrépide, attestent que bien qu’homme d’autorité, il prenait en considération l’opinion de ses collaborateurs et subordonnés et qu’il ne « se soustrayait à aucune tâche », pas même les plus ingrates, comme par exemple, écrit encore le défunt professeur Bennoune, prendre son tour de garde « la nuit, préférant l’aurore, l’heure la plus dangereuse en cas d’attaque »(5).

Outre qu’il est né dans un milieu modeste, le 18 février 1921, à mi-chemin entre Constantine et El Harrouch, plus exactement à Condé Smendou, qui porte désormais son nom, on sait qu’il a tôt, comme les enfants de son âge à cette époque, fréquenté l’école coranique avant de s’engager, tout jeune, dans les Scouts musulmans algériens (SMA). Orphelin, il déserte les bancs de l’école communale avec le niveau de certificat d’études primaires (CEP). Militant du PPA-MTLD, il sera élu en 1947 aux élections locales. Il occupera le poste de vice-président du conseil municipal jusqu’en 1949.

Audace et discrétion

Parallèlement à ses fonctions d’édile, il mettra en place, dans la clandestinité, les structures de l’Organisation spéciale (OS) dans sa région. Il sera arrêté en 1950, après « l’affaire de Tébessa », qui fut fatale à l’OS. Il est embastillé à Annaba, dans un ancien couvent transformé en prison, d’où il s’évadera de façon tout à fait rocambolesque en avril 1951, en compagnie de trois autres militants : Slimane Barkat, Mostepha Benaouda et Abdelbaki Bekkouche(2). En effet, habile de ses mains de forgeron, il avait confectionné à l’aide d’un ouvre-boîtes métallique, des passe-partout avec lesquels il a crocheté les serrures des portes des cellules. Comme le plafond du couvent communiquait avec celui du tribunal situé à proximité, les hardis captifs se sont aisément fait la belle. Selon le colonel Salah Boubnider, son codétenu, proche compagnon d’armes, qui avait apporté son concours pour le succès de son évasion, Zighout a confié aux autres prisonniers, au moment de les quitter, comme pour s’excuser, que si l’opération ne concernait que les seuls responsables au sein du mouvement national, c’était parce que la plus grande discrétion était requise pour qu’elle réussisse. « Lorsque les gardiens vous interrogeront, mettez tout sur notre dos, de toutes les façons nous ne serons plus là », a dit Zighout aux autres reclus, déçus de ne pas faire partie de l’équipée. Audacieux, comme cela n’est pas permis, il mettra le feu à tous les dossiers du tribunal. C’est sans doute cette action qui permettra l’acquittement de beaucoup de militants qui seront jugés plus tard, les dossiers de l’accusation étant partis en fumée (3). Il rejoindra les Aurès, où il se réfugie dans une semi-clandestinité. Toutefois, après un bref séjour dans les maquis, il reviendra dans le Constantinois où il poursuivra ses activités subversives et anticolonialistes. Puis il se manifestera à Alger quelques mois plus tard et il figurera au nombre des « 22 » d’El Madania en juin 1954, lesquels créèrent le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA).

A la répartition des responsabilités, il est désigné comme adjoint de Didouche Mourad à la tête de ce qui deviendra, après le Congrès de la Soummam (20 août 1956 à Ifri), la Wilaya II. C’est lui qui a mené les actions contre la caserne de gendarmerie de Condé Smendou en novembre 1954. Lorsque meurt Didouche Mourad, Zighout lui succède. Il avait alors 27 ans.

B. AMAZIT - EW

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