Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

8 millions d'euros à l'aqmi pour la libération de deux Espagnols: Les actionnaires de l'industrie du kidnapping jubilent




par Salem Ferdi
Huit millions ou dix millions d'euros ! Dans le marché des otages occidentaux inauguré il y a quelques années dans la région sahélo-saharienne, la libération des deux otages espagnols a coûté un prix record. Le budget de l'Aqmi a subitement pris du volume tandis que des intermédiaires se sont sucrés au passage. L'industrie de l'enlèvement des Occidentaux a de l'avenir.

Les deux otages espagnols en détention depuis près de neuf mois au Mali sont à Barcelone. «Aujourd'hui est un jour de fête», a déclaré le chef de gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, qui a remercié les services espagnols pour leur travail ainsi que les gouvernements de la «zone» de la prise d'otages. Aucun mot de sa part sur les conditions de la libération et la rançon versée par Madrid pour la libération des deux membres de l'ONG catalane Accio Solidaria, Roque Pascual et Albert Vilalta. Une semaine avant la libération des otages, l'extradition par Nouakchott vers le Mali du Malien Omar Sid'Ahmed Ould Hamma, dit «Omar le Sahraoui», annonçait clairement qu'une transaction a été conclue. L'homme est libre et aurait même participé aux tractations.

Madrid peut même prétendre formellement qu'il n'y a pas eu de versement de rançon. C'est que dans ce marché des otages occidentaux, des «conventions» et des «règles» se mettent en place. Les Etats concernés peuvent ne pas payer directement, des personnes et des Etats dans la région engagent pour eux les «frais» et se feront rembourser par la suite.

Une sorte de «prêt» d'urgence. C'est la démarche qui a été suivie par le Canada pour obtenir la libération de ses otages, c'est ce qui a dû se passer avec Madrid. Le gouvernement espagnol avait en effet montré très rapidement sa disposition à négocier. «Du début jusqu'à la fin, c'est en tout 8 millions d'euros qui ont été versés aux ravisseurs des Espagnols», a indiqué à l'AFP un médiateur malien. «Oui, on peut dire que c'est le gouvernement espagnol qui a payé la somme. Même si ce n'est pas lui qui a tout payé (directement), il va d'une manière ou d'une autre rembourser la dette aux pays, aux personnes qui ont engagé des frais dans l'affaire».

Le cours de l'otage européen passe à 4 millions d'euros

C'est pratiquement un langage de boursicoteur qui tourne autour de ce marché. Le chiffre de huit millions d'euros est également avancé par une autre source malienne fixant ainsi le «cours» des otages occidentaux au Sahel à 4 millions d'euros par personne. Le chiffre, qui inclut probablement la part des intermédiaires, n'est pas très éloigné des 7 millions d'euros annoncés par le journal El Mundo. Aqmi a indiqué que les otages ont été libérés car certaines de ses revendications avaient été satisfaites. Aucune indication sur la teneur de ces revendications. Le message de l'Aqmi en profite pour essayer d'enfoncer la France en qualifiant la libération des Espagnols de «leçon pour les services secrets français». Pour l'Aqmi, il y avait bien eu des négociations avec la France pour la libération de Michel Germaneau, laissant entendre que le gouvernement français a choisi délibérément de sacrifier le vieux militant humanitaire en optant pour l'opération militaire contre un camp de l'Aqmi au nord du Mali.

L'Aqmi et la «leçon» aux services français

Le retour des otages espagnols à la suite de négociations contraint le gouvernement français à se défendre d'avoir abandonné Michel Germaneau dont l'exécution a été annoncée après le raid franco-mauritanien contre un camp de l'Aqmi. Alors que le porte-parole des Affaires étrangères françaises, Bernard Valero, a indiqué que la France se refusait à commenter «les déclarations de terroristes», Claude Géant, secrétaire général de l'Elysée, a tenu à y répondre en affirmant que la France n'a jamais eu «la possibilité d'entrer en contact avec Al-Qaïda pour la libération de Michel Germaneau». «Lorsque la vie d'un Français est en jeu, la France est toujours prête à négocier, c'est ce qui s'est passé avec un précédent otage, Pierre Camatte», a-t-il indiqué. Pierre Camatte, que certains ont présenté comme un agent de la DGSE, avait été enlevé par l'Aqmi en novembre 2009 puis libéré trois mois plus tard, contre la libération de quatre islamistes détenus au Mali.

Le dénouement de l'affaire des otages espagnols pose clairement - voir l'éditorial du Quotidien d'Oran d'hier - la question de la pertinence de la présence d'humanitaires européens dans la région du Sahel. Le cours des otages européens étant en constante augmentation, il est à craindre qu'ils contribuent à doter l'Aqmi d'un budget digne des Etats. La criminalisation du versement des rançons voulue par l'Algérie n'est pas efficace. Même les Etats qui font preuve en apparence de fermeté finissent par céder devant la pression des parents et des amis qui mobilisent, de manière légitime, leur opinion. La bonne démarche consiste peut-être à convaincre les Etats européens d'intervenir auprès des ONG de leurs pays pour les dissuader d'aller dans une zone où ils sont en danger et où, en raison de leur «valeur marchande», ils finissent par mettre en danger les populations concernées. Il est clair que le marché des otages européens vient de recevoir une forte incitation. A ce prix, ce n'est pas que l'Aqmi qui s'y intéressera…

Les commentaires sont fermés.