Le scandale de la viande avariée «rafraîchie» à l'aide de produits chimiques utilisés dans les morgues sur les cadavres révélé par notre journal dans son édition d'hier montre jusqu'où certains commerçants sans foi ni loi peuvent aller pour se remplir les poches. Après la commercialisation de la viande de baudet et certainement d'autres saloperies du genre dans des marchés supposés pourtant contrôlés, voilà que l'on passe à un autre stade jamais soupçonné relevant tout bonnement du délit criminel. De la viande vouée à l'incinérateur recyclée selon un procédé morbide à l'aide d'un produit utilisé pour embaumer les cadavres à l'effet de dissimuler les mauvaises odeurs générées par l'état de putréfaction du produit a failli se retrouver dans nos assiettes, n'était la vigilance des services de sécurité qui ont démantelé ce réseau criminel. Et tout cela se passe, de surcroît, au mois de Ramadhan censé être un mois de piété et de vertus ! Cette énième affaire de non-respect des règles d'hygiène et de fraude qui alimente régulièrement les colonnes de la presse et qui touche la santé publique des citoyens pose avec acuité le problème du contrôle et de la répression des fraudes. La question se pose en effet de savoir que pour une affaire débusquée par les services de sécurité ou les agents de contrôle relevant du ministère du Commerce comme celle qui a défrayé la chronique hier, combien d'autres produits avariés ont pu, en toute quiétude et impunité, être écoulés sur le marché. La faiblesse des effectifs des inspecteurs de contrôle et de la répression des fraudes par rapport à l'ampleur de la tâche, mais aussi, il faut le dire haut et fort, la complicité de certains de ces agents qui n'hésitent pas à monnayer leurs services en fermant les yeux sur des infractions avérées favorisent et encouragent ce type de comportement que les règles commerciales et la morale réprouvent.
La réorganisation de la fonction de distribution à travers l'assainissement des registres du commerce est un autre défi que les pouvoirs publics semblent avoir du mal à relever quand on constate toute cette anarchie qui caractérise le marché aussi bien de gros que de détail où la fonction de contrôle est quasiment absente. Les facilitations accordées pour la délivrance du registre du commerce ont provoqué un attrait de plus en plus croissant pour le petit commerce qui a envahi nos quartiers et nos rues. La fièvre du commerce s'est emparée de tous les Algériens. On ne peut pas imaginer aujourd'hui un Algérien construisant sa maison individuelle sans l'inévitable local au rez-de-chaussée destiné à être exploité comme fonds de commerce ou à la location. Des locaux qui échappent souvent à tout contrôle voire même au fisc parce que non déclarés. L'autorité de l'Etat doit également être restaurée dans ce domaine. Le laxisme et le pis-aller justifiés par les événements tragiques qu'a vécus notre pays durant la décennie noire doivent être bannis et sévèrement sanctionnés. Le dispositif répressif en vigueur ne semble pas assez dissuasif pour combattre les agissements frauduleux et criminels qui ne sont malheureusement plus des actes isolés. Parce qu'il y va de la santé des citoyens, il y a nécessité de revoir les textes réglementaires pour réprimer plus sévèrement les marchands de la mort.