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Mariage de raison

par M. Saâdoune


Révolutionnaires, progressistes, réactionnaires, libéraux, pro-américains, anti-américains, faucons, colombes, pays peuplés, pays faiblement peuplés… Jamais «famille» n'a semblé aussi mal assortie que celle de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui a bouclé, mardi, son cinquantième anniversaire.

 D'aucuns ont pronostiqué, un peu hâtivement, son enterrement et ils doivent se résoudre à l'accepter, pour très longtemps encore, comme un acteur décisif du marché des hydrocarbures. Un demi-siècle d'existence malgré des conflits latents, les divergences et de nombreux champs de mines à traverser, c'est une véritable prouesse. Elle est en effet bien curieuse cette organisation où les antagonismes et les divergences d'intérêts entre les membres ne vont jamais jusqu'à la rupture.

 Il est vrai que l'organisation a pris, au cours des deux dernières décennies, une apparence moins «politique». Elle est devenue plus «technocratique», ce qui permet de mettre au placard les postures idéologiques et politiques.

 Les médias occidentaux aiment à utiliser le terme de «cartel» au sujet de l'Opep afin de la présenter comme une organisation animée de mauvaises intentions à l'égard des Occidentaux. Il faut pourtant rappeler que sa création en 1960 à Baghdad n'était pas le fait de pays «révolutionnaires», l'Arabie Saoudite, l'Irak, l'Iran, le Koweït et le Venezuela étant dans la sphère d'influence anglo-américaine. Mais même ces pays «pro-occidentaux» ne pouvaient accepter que les grandes compagnies occidentales continuent à piller sans vergogne leurs richesses.

 L'Opep a bien entendu fait de la politique - embargo dans les années 70 - mais cela est plutôt l'exception. Son existence a paru très menacée par la riposte occidentale avec la création de l'AIE et l'effondrement des prix dans les années 80 et 90. Elle a survécu à tous ces évènements. Y compris à la guerre entre l'Irak et l'Iran et à l'invasion du Koweït par les troupes irakiennes, dont les conséquences désastreuses ne finissent pas de se faire lourdement sentir.

 Survivre à tant de crises est le signe clair que ses membres ont, en définitive, un intérêt commun à obtenir des revenus corrects de leur pétrole. Il est donc normal que le langage technique - marché, quotas de production… - soit devenu le véritable lexique de l'organisation. C'est sur le terrain de la quête d'un prix «juste» ou «équilibré» que tous les membres finissent par converger en laissant de côté les autres considérations.

 Même si les arrière-pensées politiques ne sont jamais absentes, les pays membres de l'organisation ont atteint cette maturité qui consiste à ne pas trop les mettre en avant. Les ministres du Pétrole ne sont pas chargés de faire de la politique, leur mission est d'assurer des revenus acceptables.

 Le fonctionnement et la politique de l'Opep sont les fruits d'un équilibre qui tient cependant suffisamment compte de ce que pèse chacun en terme de production. L'Arabie Saoudite, en raison de ses capacités de production et aussi de «nuisance», y occupe une place prépondérante. Il faut admettre qu'elle n'en abuse pas. Les «durs» non plus évitent tout ce qui peut casser l'organisation.

 Le mariage de raison qui dure depuis cinquante ans va continuer, même si l'Opep doit «s'adapter pour l'avenir», selon la formule de son secrétaire général. 

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