L’islamophobie a été de nouveau excitée par le voile intégral d’une française convertie mariée à un algérien de 34 ans qui gère une boucherie halal, un harem de quatre épouses et douze enfants. Mi-martial, mi-fanfaron face aux caméras, flanqué de gardes du corps et vêtu à la pakistanaise couvert du keffieh palestinien, Lies Hebbadj a fait preuve d’une lamentable lâcheté en qualifiant ses épouses de maîtresses, oubliant que le mensonge et la fornication sont de vilains péchés.
Ce fait divers est venu opportunément remplacer à la une des journaux les multiples scandales de pédophilie de l’Eglise catholique qui ont fait vaciller le Vatican. On peut difficilement trouver pire caricature que ce tartuffe donnant une image surréaliste de musulman « décalé » dans une société occidentale. Comment peut-on être systématiquement et « religieusement » solidaire d’un tel guignol ? Pourtant, le premier à venir le soutenir publiquement est encore et toujours Tariq Ramadan. (1)
Comment les musulmans de France et d’Europe en sont-ils arrivés ces dernières années à subir cette avalanche de pitreries médiatico-politiques qui provoquent et accentuent l’islamophobie, alors que l’écrasante majorité respecte les lois et leur environnement dans la discrétion de leur foi et leur intégration sociale ?
Au lieu de crier au loup, cette redondance des soubresauts de l’islamophobie européenne pousse plutôt à s’interroger sur les causes réelles de cet exhibitionnisme islamiste actionné par des courants politico-religieux et leurs leaderships. A la mort du prophète, il n’y avait que deux écoles de pensée et de pratique, les sunnites et les chiites. Aujourd’hui, on se perd entre le wahabisme, le salafisme, les frères musulmans, le tabligh, etc… Voulant s’émanciper en Afrique du Nord après les indépendances, les mouvements islamistes violemment réprimés ont vite débordés sur l’Europe qui leur offrait l’asile politique.
Confrontés chez eux à des dictatures sanglantes qui ne leur laissait aucun espace de survie, des opposants islamistes se sont installés dans la durée en Occident où ils ont enfanté une génération hybride qu’on appelle « citoyens européens de confession musulmane ». Tariq Ramadan en est devenu le symbole, le porte-parole et le chef spirituel. Philosophe, beau garçon et beau parleur, crevant l’écran sur la scène médiatique, il a rapidement incarné le modèle et l’inspirateur des jeunes musulmans nés en Europe soucieux de se réapproprier une identité islamique occultée par l’enseignement laïc, et de se démarquer de leurs parents immigrés vivant leur foi dans la simplicité, la discrétion et la tranquillité.
Frère Tariq est sans conteste l’inspirateur attitré d’une mode conservatrice, rigoriste et puritaine de l’islam auprès des jeunes musulmans européens, qui se manifeste ostensiblement par l’adoption d’accoutrements pakistanais, saoudiens ou afghans, en particulier le voile intégral connu sous les noms de niqab ou burqua. Le Maghreb a connu quelques années avant l’Europe cette « mode importée » sous l’impulsion de prédicateurs exaltés et de voyageurs jihadistes revenus du Pakistan, d’Afghanistan, d’Egypte ou du Golfe Arabe.
Tariq Ramadan entretient constamment la confusion sur son identité personnelle. « Depuis longtemps, je répète aux musulmans et à mes concitoyens que je suis suisse de nationalité, égyptien de mémoire, musulman de religion, européen de culture, universaliste de principe, marocain et mauricien d’adoption. »
Il a reconnu être un salafiste : « Il y a la tendance réformiste rationaliste et la tendance salafiste au sens où le salafisme essaie de rester fidèle aux fondements. Je suis de cette tendance-là, c’est-à-dire qu’il y a un certain nombre de principes qui sont pour moi fondamentaux, que je ne veux pas trahir en tant que musulman. » (Interview sur la radio Beur FM en novembre 2003).
Pourtant, sa vie et son histoire sont intimement liées au mouvement des Frères Musulmans, fondé par son grand-père maternel Hassan El Banna, et à la Ligue Islamique Mondiale dont son père Saïd Ramadan fut un des membres fondateurs.
L’héritage spirituel de Tariq Ramadan
La nationalité suisse de Tariq Ramadan ne doit leurrer personne. Ce n’est qu’un camouflage cosmétique pratique pour mieux dissimuler son enracinement profondément égyptien et sa vocation de leadership panislamiste. Tariq est le double héritier spirituel de son grand-père Hassan El Banna et de son père Saïd Ramadan. Il a été élevé, avec ses quatre frères et sa sœur, dans une éducation islamique et un trilinguisme classique chez les aristocrates égyptiens (arabe, anglais, français). Hassan El-Banna, fondateur des Frères musulmans, pourchassé par le roi égyptien Farouk, est assassiné en 1949. Sa fille Wafa El-Banna, mère de Tariq, se réfugie en Suisse avec son mari Saïd Ramadan en 1958.
Accusé par Gamal Abdelnasser de fomenter un coup d’État, le nouveau leader des frères Musulmans, Sayyid Qutb, fut arrêté, jugé et pendu le 29 août 1966. Saïd Ramadan est au nombre des accusés. Condamné par contumace à trois peines de 25 ans, il perd sa nationalité égyptienne, mais ne prendra pas la nationalité suisse. Il était enregistré par les suisses comme pakistanais en vertu du passeport diplomatique de ce pays qui le considérait comme son « ambassadeur culturel par excellence ». Il fut l’ami du suisse François Genoud, converti à l’islam, connu pour son rôle de banquier du nazisme, de l’OLP palestinien et du FLN algérien. Il a aussi entretenu une correspondance avec Malcolm X.
Saïd Ramadan fonde en 1961 le Centre islamique de Genève (CIG), financé en partie par les Frères Musulmans et le prince saoudien Fayçal. Il en est resté le directeur jusqu’à sa mort en 1995. Son fils Hani Ramadan lui succéda et le conseil de direction conserve une composante familiale. Quelques mois avant la naissance de Tariq, en mai 1962, Said Ramadan joua un rôle-clé dans la fondation de la Ligue Islamique Mondiale (Rabita Al ’Alam Al Islami - World Muslim League - WML), à la Mecque. Le prince Fayçal d’Arabie Saoudite voulait promouvoir le panislamisme en opposition au panarabisme nassérien. Saïd Ramadan voulait aussi créer une chaîne de centres islamiques dans les principales capitales d’Europe (Münich, Londres…).
Saïd Ramadan était doué d’un grand savoir du Coran et des Hadiths, et d’une grande rigueur. Ses enfants témoignent de ses propos : “Si quelqu’un venait à moi et voulait discuter de la manière par laquelle on pourrait amener un changement dans le monde musulman, je lui demanderais d’abord s’il a prié le fajr”.
Le parcours et la pensée de Tariq Ramadan
Tariq Ramadan est né le 26 août 1962 à Genève où il fait ses études à l’Université. Après sa thèse de doctorat sur Nietzsche, il obtient une maîtrise ès lettres en philosophie et littérature française, puis un doctorat en Islamologie. Entre 1988 et 1992, il occupe le poste de doyen du Collège de Genève. Ramadan étudie ensuite les sciences islamiques à l’Université Islamique d’Al Azhar au Caire en 1992-1993 puis 1994-1995. Il est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, et professeur invité de philosophie à l’université de Casablanca.
Expert consultant dans diverses commissions des Parlements européens, il participe à des groupes de travail internationaux se rapportant à l’islam, la théologie, l’éthique, le dialogue interreligieux et interculturel, le développement et les questions sociales. Il a été plusieurs fois cité parmi les 100 intellectuels les plus influents du monde par des magazines anglo-saxons. Marié à une française convertie et père de quatre enfants, Tariq Ramadan se fait connaître du public français à partir de 1992, en donnant des conférences aux congrès annuels de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF).
Son discours s’articule sur une réflexion philosophique et politique dans le débat concernant la place de l’islam en Occident et dans le monde. Maniant le verbe avec dextérité, il excelle dans le paraître plutôt que dans l’être. Il peut hypnotiser un auditoire qui ressort de ses conférences pas plus instruit qu’en y rentrant, mais avec cette envie forte et diffuse de crier son islamité avec fierté. Sans être un savant, ni un théologien, il est dans la lignée des grands prédicateurs islamiques en vogue depuis les années 80, idolâtré par une jeunesse admirative sous le charme lyrique du verbe islamique. Tariq Ramadan est rapidement devenu un penseur musulman célèbre et populaire parmi les jeunes, qui s’échangent ses discours en cassettes audio et DVD.
Tariq Ramadan décrète que les musulmans vivant en Occident ne doivent plus se considérer comme des étrangers, des résidents temporaires, des minorités mais comme des citoyens à part entière en évitant toute aliénation culturelle. « Ils doivent s’inscrire pleinement dans la participation citoyenne sur un pied d’égalité avec la majorité de la population. Ils doivent établir clairement qu’ils sont chez eux en Occident, et qu’il s’agit de suivre les principes supérieurs de l’islam ici comme ailleurs… Ils doivent se prendre en charge et se libérer de la mentalité de victime ».
Ramadan s’adresse en priorité aux nouvelles générations de musulmans nés et élevés dans les pays occidentaux. Il affirme qu’ils ne sont pas en « terre d’exil », et n’ont pas à regretter que leurs ancêtres aient quitté leur terre d’origine. Ils doivent se sentir chez eux, bien dans leur peau, dans leur environnement, dans les pays où ils sont nés. Ils doivent participer pleinement à la vie commune, à la vie institutionnelle et politique comme tout citoyen. Dans son livre « Peut-on vivre avec l’islam », il écrit que le musulman ne se définit pas seulement par ses croyances mais par ses pratiques. Il prône la stricte observance du Coran et des Hadiths, tout en tentant de concilier l’appartenance musulmane avec la vie commune et les lois des sociétés européennes : « J’affirme que nous sommes passés à l’ère du discours de la post-intégration ».
D’après Ramadan, « la chari’a doit s’appliquer dans ma société même si celle-ci n’est pas majoritairement musulmane ou que ces lois n’ont pas été pensées et produites par des savants musulmans. Je suis dans la Voie puisque ces lois me permettent d’être fidèle à ses objectifs fondamentaux et donc d’être fidèle au message et aux principes de l’islam. » Tariq se place dans le rôle de médiateur entre les univers occidental et islamique, entre leurs cultures et leurs croyances religieuses respectives, et il veut définir les règles de leur cohabitation.
Un discours d’enracinement et de conquête
Pour étayer sa pensée, Ramadan a écrit plusieurs livres, qui ne sont en fait que des rééditions revues et améliorées, où il développe et affine sa vision du musulman dans la société occidentale présente et future.
Son œuvre démarre dans « Etre musulman européen » par un questionnement sur la place de l’Islam et des jeunes musulmans dans les sociétés modernes : « Qui sommes-nous donc ? Pour ceux qui ont été élevés en Europe, la question devient plus complexe encore… C’est le cas des jeunes de la deuxième, troisième et quatrième génération. Qui répondra ? Qui leur rendra les éléments constitutifs et le sens de leur identité ? Qui pourrait reconstruire cette identité ou, au moins, leur donner des repères qui leur permettraient de trouver leur voie, consciemment et librement ? » Il invite les jeunes à tourner la page de l’exercice « simpliste » de la foi par leurs parents : « les membres de la première génération, porteurs d’une connaissance islamique relativement modeste, s’efforcèrent tout d’abord d’éviter de perdre leurs traditions. »
Dans « Musulmans d’Occident », il définit ce que signifie être musulman en Occident : « Il s’agit pour les musulmans de rester tout à la fois fidèles à leurs valeurs et en phase avec leur environnement. Autrement dit : il n’est pas question d’être moins musulman pour être plus occidental ou européen. La thèse ici est qu’il est possible d’être des musulmans convaincus, sincères et pratiquants et d’authentiques citoyens européens. »
Il développe cet argument dans « Dar ash-shahâda » : « Les musulmans en Occident doivent-ils se considérer sur un sol étranger, gouvernés par la contrainte, avec le seul devoir de se protéger de l’environnement « agressif » ? Ou doivent-ils être et se sentir « chez eux » ? »
Dans « La foi, la Voie et la résistance », il exhorte les musulmans à devenir eux-mêmes agressifs : « L’éthique islamique qui devait orienter s’est mutilée en une éthique réduite aux disputes sur les limites du halal et du haram, conduisant les musulmans vers la “tentation minoritaire”, en Occident comme dans le monde. Or, il faut revenir à la source : penser sa présence dans et à partir des références musulmanes. La shahada, c’est porter la foi en Dieu et Son Messager. La shari’a, c’est suivre le chemin de la fidélité, la Voie. Accomplir son devoir de résistance, c’est reprendre possession de son coeur, construire son intelligence et s’engager à promouvoir des projets alternatifs. »
Dans « Islam, le face à face des civilisations. Quel projet pour quelle modernité ? », il s’attache à montrer, « en puisant aux sources de la pensée et de la civilisation islamique, que les musulmans ont les moyens de répondre aux défis contemporains sans trahir leur identité. Nourris par leurs références, ils peuvent penser l’époque moderne en proposant une gestion sociale, politique et économique spécifique, attachée à l’éthique, au sens des finalités et à la spiritualité. »
Dans le livre « Les musulmans d’Occident et l’avenir de l’islam », Tariq juge définitif l’enracinement des musulmans en Occident : « Les musulmans d’Occident, d’Europe comme des Etats-Unis, se sont aujourd’hui définitivement installés dans leurs pays respectifs. Après des années d’une présence pensée de façon temporaire, le moment est venu pour les jeunes générations d’élaborer une réflexion sur les fondements religieux et éthiques et leur enracinement dans les sociétés sécularisées… »
Tariq Ramadan confirme sa tendance panislamique : « une révolution silencieuse est en marche dans tous les pays occidentaux et elle aura, à terme, une influence considérable sur l’islam mondial. »
Tariq Ramadan semeur d’islamophobie
Ramandan s’offre la paternité de ce qu’il appelle la « nouvelle visibilité » des musulmans et reconnaît lui-même être à l’origine de la montée de l’islamophobie européenne et occidentale, dans son dernier ouvrage « Mon intime conviction » :
« Les controverses se suivent et se ressemblent. Durant les cinq dernières années, je me suis retrouvé au centre de polémiques qui, au-delà de ma personne, révèlent la nature des problèmes qui traversent les sociétés occidentales… En France comme aux États-Unis, en Belgique, en Suisse, en Angleterre, en Italie, en Espagne, et récemment aux Pays-Bas, j’ai fait face à des controverses nationales dont le point commun était, assez clairement, la nouvelle visibilité des citoyens occidentaux de confession musulmane…
Le point commun de tous ces débats tient à l’installation de générations successives de musulmanes et de musulmans, devenus citoyennes et citoyens de leur pays respectif. Installés, ils sortent de leur isolement géographique, de leurs ghettos sociaux, ou de leur marginalité sociopolitique. Ils sont désormais visibles,… il ne s’agit pas d’une nouvelle « communauté religieuse ou culturelle » qui s’installe, mais plutôt de l’émancipation d’une ancienne catégorie socioéconomique qui avait été doublement marginalisée, géographiquement et socialement. Au gré des controverses et des crises, des peurs s’alimentent et des perceptions se façonnent et s’entretiennent. La crainte, la méfiance et le soupçon s’installent et tous les débats sur la culture et la religion se transforment en polémiques nationales, polémiques qui se caractérisent par des crispations et des surdités inquiétantes. Les médias rapportent les faits, les réactions s’amplifient, les politiciens réagissent à (ou parfois instrumentalisent) la controverse, et nous voilà embarqués dans des dynamiques incontrôlables… Dans la proximité, la présence d’autrui perturbe et gêne. C’est la raison pour laquelle les crises se sont surtout multipliées autour de phénomènes visibles et spectaculaires : foulards islamiques, niqab (voile cachant le visage), burqa, minarets, auxquels il faut ajouter les expressions culturelles ou religieuses perçues comme « étrangères », c’est-à-dire différentes, inhabituelles ou trop « visibles » car pas encore « normalisées »… Tous ces phénomènes cumulés expliquent la situation présente, et la « nouvelle visibilité » des musulmans continue de provoquer son lot de crises cycliques… »
Il persiste dans sa démarche en lançant le défi de la confrontation : « Gardons en tête que cette « nouvelle visibilité » est par nature une situation historique transitoire puisque ce qui est nouveau sera un jour ancien. »
Le double discours de Tariq Ramadan
En multipliant les conférences et les fréquentations des studios télés, Tariq Ramadan a vite gravi les marches de la notoriété médiatico-politique. Tentant toujours de policer son discours médiatique et de « noyer le poisson », son double discours a rapidement été décelé et dénoncé.
En octobre 2003, il s’en est offusqué en rédigeant un pamphlet sur « les (nouveaux) intellectuels communautaires ». Il reprochait aux médias de toujours le présenter comme un « intellectuel musulman », alors que la génération des « nouveaux philosophes » n’était jamais affublée de la nomination « d’intellectuels juifs », ni accusée de prôner un double discours.
Il essuya un feu de critiques d’anti-sémitisme et tomba dans le piège qui lui fut tendu un mois plus tard le 20 novembre 2003 lors d’une émission sur France 2. Avec la suffisance qui le caractérise, il s’est présenté en dilettante face à l’agressivité calculée et préparée par des experts en communication, de Nicolas Sarkozy qui l’a acculé dans un « guet-apens » sur le foulard et la lapidation. (2)
Hésitant et maladroit, il confirma ce que les observateurs savaient déjà sur son double discours selon les conditions et le public auquel qu’il s’adresse. Comme on peut l’entendre sur cette conférence tenue à l’île de La réunion à propos des relations hors mariage, de l’éducation des adolescents, des piscines mixtes, etc… (3)
Un étudiant en philosophie résume l’anachronisme du double discours de Tariq Ramadan, « celui d’un positionnement net en faveur d’une autocritique de la pensée, et un autre discours prônant implicitement la suprématie des commandements de l’islam sur cette même activité ». (4)
Ramadan conseille aux musulmans de ne pas se plaindre d’être victimes de persécution, mais de « maintenir leurs convictions envers et contre tout ». Or, il est difficile de concilier l’examen critique de sa propre pensée, avec ce renfermement absolu et entêté de ses convictions religieuses. « Cet appel de M. Ramadan à proclamer ses convictions religieuses « envers et contre tout » illustre une bien pauvre compréhension du dialogue interculturel et de la mutabilité des identités. »
Le double discours de Tariq Ramadan apparaît encore plus clairement dans cette déclaration : « C’est là le chemin dans lequel nous devons nous engager si nous voulons nous sentir chez nous, appliquer de façon positive le principe islamique favorisant l’intégration de tout ce qui ne contredit pas les interdictions, et nous l’approprier ».
Ramadan, fidèle à une interprétation « radicale » de l’islam, soutient la préséance des interdictions religieuses sur l’exercice d’une activité rationnelle et autocritique de la part du citoyen musulman : « Ramadan réaffirme l’obligation qu’a le musulman de se soumettre à la loi de sa religion au détriment de ses propres facultés critiques ».
Les critiques du double discours sont encore plus féroces du côté des islamistes radicaux qui dénoncent le superflu des discours de Ramadan et sa soumission au lobby médiatique occidental, comme le fait Abou Hamaad Sulaiman Al-Hayiti dans sa « Réfutation des idées de Tariq Ramadan ». (5)
Qu’est-ce qui fait courir Tariq Ramadan ?
La question s’est posée de faire taire Tariq Ramadan, comme le relate un livre entretien.(6)
La censure et la disgrâce n’ont pas tardé effectivement à le bannir pendant un certain temps des médias européens. Des pays l’ont même interdit d’entrée, comme les Etats-Unis qui ont annulé le visa de travail qui lui avait pourtant été accordé en mai 2004.
Ramadan s’est alors acharné à attaquer en justice l’administration américaine jusqu’à ce que la Secrétaire d’Etat Hillary Rodham Clinton signe une décision de levée d’interdiction le 20 janvier 2010. Tariq a aussitôt annulé tous ses rendez-vous tout heureux de revenir aux Etats-Unis le 8 avril dernier. Toujours animé de l’idéal panislamiste de ses ascendants, il ambitionne de partir à la conquête de l’Amérique, où le mouvement des Frères Musulmans est déjà implanté de longue date.
Sa tendance mégalomaniaque, narcissique et ethnocentrique est nettement visible sur son blog (www.tariqramadan.com). Il court les plateaux télés comme un intermittent du spectacle court les cachets. Tariq est hyper sollicité et se fait rémunérer ses apparitions, même pour quelques minutes. Il répond “immédiatement et systématiquement” aux invitations des lobbies médiatiques français pour des interventions très superficielles tournant toujours autour d’épiphénomènes portant gravement atteinte à l’image de l’Islam, et où il doit toujours se défendre de son supposé antisémitisme. On l’entend faire de l’auto-flagellation dans certaines émissions où des animateurs se moquent de lui par des questions d’une banalité affligeante, et où on lui rappelle avec délectation son humiliation cathodique face à Sarkozy.
On en vient à se demander si la multiplicité frénétique des apparitions médiatiques de Tariq visent à “convertir” ses auditeurs, partir en croisade ou à dégrader davantage l’image négative que donnent les médias occidentaux de l’islam. Les lobbies médiatiques en lui redonnant une audience, ont en fait compris le rôle néfaste qu’il joue en défaveur de l’islam. Il apparaît comme le promoteur du niqab, des tenues moyenâgeuses et des pratiques rétrogrades antéislamiques. L’exhibitionnisme et l’accoutrement des ses adeptes donnent une image négative, arriérée et dégradante des musulmans et alimentent l’islamophobie.
Tariq Ramadan vit lui-même un problème d’identité, de légitimité, de représentativité, et d’universalité. Il ne représente en fin de compte que le profil type de l’intellectuel musulman complexé en quête perpétuelle de reconnaissance dans le monde judéo-chrétien à qui il offre son temps et sa vie, au lieu de l’offrir à ses semblables dans les pays musulmans. Il se situe dans une logique vaine de transcendance de l’identité occidentale par le panislamisme.
Laïcité ou pas, la religion reste une source de jurisprudence. Dans les cas de grave contradiction, comme c’est le cas du niqab et du voile, c’est la religion dominante qui fixe les règles juridiques à respecter. On ne peut en aucun cas reprocher à l’Occident judéo-chrétien de se protéger juridiquement du prosélytisme islamique, comme le font à juste titre les pays du Maghreb à l’égard du prosélytisme évangélique.
Comme tout intellectuel musulman, Tariq Ramadan doit faire son auto-critique profonde et se poser aujourd’hui la question existentielle de son (in) utilité en Occident et de son absence des débats sur les crises politico-identitaires et d’ijtihad au sein même des pays musulmans… cause de cet exode perpétuel de leurs élites et de « l’enracinement » de leurs enfants en Occident.
Saâd Lounès
(1) http://www.tariqramadan.com/spip.php?article11114
(2) http://www.youtube.com/watch?v=cQFa4NDTTTE&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=fjqs57uEsGs&feature=related
http://www.youtube.com/watch?gl=FR&hl=fr&v=KeamZ3EfxKQ
(3) http://www.dailymotion.com/video/x5uyjo_frere-tariq-et-la-fornication_news
(4) http://www.ledevoir.com/non-classe/94852/libre-opinion-le-double-discours-de-tariq-ramadan