Un groupe d’une dizaine de jeunes discute au bas d’un immeuble de la cité des 1 600 Logements, à Birtouta. Venus de différents quartiers de la capitale suite aux dernières opérations de relogement, ils commentent l’événement dramatique survenu avant-hier. Un jeune homme a, selon des témoins, poignardé un nouveau locataire venu de Dergana parce qu’il avait refusé de payer pour la surveillance du parking. Les habitants de la nouvelle cité appréhendent la cohabitation entre les bandes de jeunes, et disent redouter le problème de l’insécurité du fait, notamment, du nombre important de familles venues souvent des «quartiers difficiles» de la capitale.
F.-Zohra B - Alger (Le Soir) - Plongés dans leur partie de dominos, les jeunes de la cité des 1 600 Logements consentent, mais comme à contre-cœur, à confier qu’ils viennent de Reghaïa, à l’est de la capitale. La plupart d’entre eux ne dépassent pas les 16 ans et ne sont pas scolarisés. Installés au bas des immeubles, ils ont à l’œil toutes les allées et venues et s’acclimatent à leur nouveau quartier. Evoquant les jeunes venus, eux, d’autres quartiers de la capitale, les relogés de Reghaïa disent qu’ils n’ont pas eu de contacts avec eux. En phase d’adaptation, ils en sont encore à prendre des repères et à se familiariser avec le nouveau site. Mais les habitants commencent déjà à redouter le pire, surtout que des heurts ont déjà eu lieu entre les bandes de jeunes, concernant notamment la gestion des parkings. Et à la question posée à certains d’entre eux, ceux-ci ont répondu, en échangeant des regards éloquents, que ceux qui ont «gagné» le gardiennage du parking du groupe d’immeubles dorment encore puisqu’ils ont passé la nuit à surveiller les véhicules. Un habitant du pâté nous a confié pour sa part que ce n’est qu’après d’âpres négociations et à coups de menaces que les «heureux » gardiens de parking ont été désignés. Un peu plus bas dans la cité, un homme est occupé à réparer son véhicule. Lui habitait La Casbah, à Alger. A l’instar des autres locataires, il a évoqué les conséquences inévitables d’un relogement massif de centaines de familles. «Nous sommes contents d’occuper nos nouveaux logements mais nous vivons au quotidien le problème de transport qui nous pénalise. Nos enfants, qui doivent être scolarisés dans le moyen, n’ont pas encore fait leur rentrée du fait qu’il n’y a pas de places dans l’établissement du quartier », nous a confié notre interlocuteur. Des voisins de passage disent pour leur part souhaiter la livraison rapide d’un établissement scolaire en construction à proximité de la cité. A l’entrée de la cité, située à proximité de la ville de Birtouta, le bureau des recours et celui de l’administration ne désemplissent pas. Des habitants de la cité et des agents de sécurité discutent des événements dramatiques qui ont eu lieu la veille. «Alors qu’au mois de Ramadan déjà, un jeune homme a été assassiné par arme blanche, hier, les familles, tout juste arrivées de Dergana, ont assisté impuissantes à une discussion qui a mal tourné entre un jeune homme et un autre habitant du quartier. «Le jeune voulait déjà “réserver” la surveillance du parking et a fait la tournée des voisins pour leur faire signer une pétition le désignant, comme gardien. L’un d’eux a refusé et, vers minuit, il a été poignardé par son jeune voisin. Ce dernier a été arrêté par la police, qui fait d’ailleurs des rondes tous les soirs. Même les éléments de la gendarmerie font des tournées pour avoir à l’œil les allées et venues», témoigne un agent de sécurité de la cité. Ce dernier et son collègue expliquent que, depuis l’intensification des opérations de relogement, il est difficile même de faire des rondes au sein de la cité. «Les jeunes, à proximité de certains immeubles, nous interdisent le passage et nous chassent manu militari, histoire d’occuper eux-mêmes les lieux. Quand nous nous plaignons auprès des parents et d’autres adultes, ces derniers nous signifient que nous ne devons pas ennuyer leurs enfants. Comment voulez-vous que nous surveillions les lieux dans ces conditions ?» s’indigne l’agent de sécurité. Ils sont en fait 13 agents à prendre en charge la surveillance de la cité. Les familles relogées viennent, elles, de quartiers de la capitale et sa périphérie comme El- Harrach, Bab-El-Oued, Dergana, Reghaïa, Bordj-El-Kiffan, La Casbah et Belcourt. Un brassage de familles issues de quartiers populaires et de bidonvilles où souvent se sont formées des bandes de jeunes qui imposent leur loi, notamment pour ce qui est de la gestion des parkings sauvages.
F.-Z. B.