Selon son ministre de tutelle, l’ENTV va en s’améliorant “depuis la dernière audition du président de la république consacrée au secteur de la communication”. Citant un JT à longueur “professionnellement inconcevable”, un pauvre programme du ramadhan dernier, le ministre admet indirectement la médiocrité des prestations de l’Unique. Ce qui n’était un secret pour personne.
Désormais, la télévision de l’après-audition se fera l’interprète des “grandes réalisations du pays” et “des aspirations de la population”. Mais de quoi s’occupait-elle alors jusqu’ici, si ce n’est de parler des “grandes réalisations” du pays et des “aspirations” du peuple ?
Même qu’elle a conçu, sous Habib Chawki, une grande soirée consacrée aux grandes réalisations du pays qui, bien sûr, se confondent avec les grandes réalisations de son président, sous le titre éloquent : “oua ma adraka ma El-Djazaïr !”
Non, l’ENTV a toujours porté les grandes réalisations du pays, malgré un métro d’Alger qui traîne en longueur et une réconciliation nationale où les victimes continuent à être plus nombreuses que les repentis. Cela fait trente ans qu’elle vante la réalisation imminente d’un métro et dix ans qu’elle salue une “paix” qui n’en finit pas de revenir. Il y a, dans ces deux exemples, la conception officielle de l’information sur les réalisations nationales : un discours sur une réalité virtuelle, un discours qui compte s’imposer par le simple fait qu’il a le monopole des canaux de communication.
Le même discours unique, qui raconte les réalisations, prétend exprimer les “aspirations” du peuple. Car, enfin, comment un peuple peut-il exprimer ses aspirations, dans leur nécessaire diversité et dans toute leur richesse, à travers l’institution sur laquelle le pouvoir exerce la surveillance la plus rigoureuse. Là aussi, l’ENTV n’a jamais fait que cela : énoncer les aspirations du peuple telles que formulées par ses dirigeants. Quand le peuple lui-même n’a pas le droit d’exposer ses aspirations ni à travers ses partis qu’on étouffe, ni à travers ses syndicats qu’on réprime, ni même à travers ses associations qu’on contrôle, quel message peut-il délivrer ? Et quel message l’ENTV peut-elle relayer ?
Par sa situation de monopole, la télévision d’État est condamnée à sa fonction de citadelle de la pensée unique agissant sur le mode schizophrénique qui ignore jusqu’à l’existence de son environnement réel.
Les aspirations d’un peuple sont, par nature, multiples et contradictoires. Elles ne peuvent être traduites que par un système de communication démocratique. Le choix du monopole audiovisuel est donc un choix contre la démocratie. On ne peut reprocher à l’instrument les effets du choix politique.
Quand on refuse la liberté d’expression à la société, on ne demande pas au monopole de produire les résultats de la pluralité. D’ailleurs, les Algériens préfèrent penser qu’ils n’ont pas de télévision et se débrouillent sans elle. Il suffit de compter les antennes concaves sur les toits et balcons des immeubles pour constater la manière parabolique dont le peuple s’informe et communique.
M. H.
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