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De l’État défaillant à l’État déliquescent

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Un État défaillant se manifeste par cinq facteurs. 1- L’absence de l’État de droit : la justice est au service du pouvoir, d’où l’expression de “hogra” et le phénomène des “harragas”. 2- L’absence de l’État régalien, à savoir l’incapacité de l’administration à exercer ses prérogatives de puissance publique. Il y a absence de l’État et le sentiment que le pays est à l’abandon. 3- L’économie défaillante : cycle de mauvaise croissance et de récession ; pays exportateur de richesses et importateur de pauvreté, économie de rente distributive au lieu d’économie productive. 4- L’absence de légitimité de l’État : les institutions officielles souffrent de manque de représentativité, à savoir faible taux de participation aux élections, fraude électorale, l’efficacité des acteurs de la société civile dépend de leur proximité des figures importantes du régime, vide institutionnel et dilution des responsabilités, une opposition émiettée. 5- La fragilisation de la société : la destruction des classes moyennes, la paupérisation des populations, la perte de la morale collective, la déprime est partout, la pauvreté et la malvie se côtoient. Un État déliquescent se caractérise par la généralisation de la corruption, l’institutionnalisation de l’ignorance et de l’inertie, le culte de la personnalité, la centralisation du pouvoir de décision entre un nombre réduit d’individus aux lieu et place des institutions habilitées, l’émiettement du pouvoir entre les différents clans à l’intérieur du système. Le pays persistera, alors, dans la situation de non-gouvernance avec la forte probabilité de vivre en même temps la violence sociale et la violence terroriste. C’est alors la trappe de misère permanente et la porte ouverte à la dislocation de l’unité nationale et le danger sur l’unité du territoire.

Cette dérive peut survenir par la violence, en conséquence de la corruption généralisée et/ou de la perte de morale collective. Mais elle interviendra inéluctablement avec la diminution sensible de la rente. Le programme de 286 milliards US $ de 2010-2014 peut servir d’illustration du sentier de cette dérive. Il faut noter que ce programme ne sera pas financé par les réserves de changes. Celles-ci servent à financer les importations. Il sera financé, dans le cas algérien, par une partie des recettes fiscales pétrolières. En clair et avec un prix de baril à 70 $ (cours actuel), ce programme sera financé par l’équivalent de 4,8 milliards de barils de pétrole exportés. Cela représente 40% des réserves prouvées de pétrole estimées à 12,2 milliards de barils à fin 2008 !
Il faut d’autant s’en inquiéter que nos réserves de pétrole, qui ont augmenté de 23% durant la décennie 1990-1999, n’ont augmenté que de 8% durant la décennie qui vient de s’écouler 1999-2008. Pour le gaz, c’est une augmentation de 28% en 1990-1999 et une baisse de -0,5% en 1999-2008. Il s’agit donc de l’équivalent de 4,8 milliards de barils ponctionnés sur les réserves non renouvelables qui sont un patrimoine des générations actuelles mais surtout des générations futures.

Lorsque nous parlons de 286 milliards $ d’investissements, nous ne parlons pas d’une épargne réalisée sur des revenus permanents renouvelables à partir de notre travail ou notre développement technologique, mais d’extraction en quelques années d’un patrimoine non renouvelable que la nature a mis des centaines de millions d’années pour constituer.

C’est aussi l’équivalent de 2,6 millions de barils à exporter chaque jour. À cela, il faut ajouter les barils à exporter pour couvrir le déficit du budget de fonctionnement et ceux qu’il faut extraire pour répondre à la demande intérieure. Dans quelle situation va se trouver le pays à l’achèvement de ce programme, fin 2014 ? Des réserves d’hydrocarbures sur la voie de l’épuisement. Des constructions sans développement qui vont exiger plus d’exportations de ressources naturelles pour financer leur maintenance et leurs frais d’exploitation. Un budget de fonctionnement appelant à plus d’exportation d’hydrocarbures pour combler un déficit très élevé.
Autrement dit, un fort besoin d’exportation des hydrocarbures face à des réserves de plus en plus rares. La crise est là, la dérive est inéluctable, que peuvent faire les élites pour participer à la solution ? Ce sera l’objet de notre dernière chronique sur ce sujet. En attendant échangez entre vous sur les meilleurs moyens de mobiliser les élites reconstituées pour participer à la solution de la crise. À jeudi prochain.

Dr Ahmed Benbitour
Source:Liberté

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