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Procès de l’affaire de l’Institut Pasteur d’Algérie La face cachée des lobbys du médicament

  La Tribune
30-09-2010

Par Faouzia Ababsa

Le procès lié au scandale des vaccins périmés de l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA) s’est finalement ouvert hier au tribunal Abane
Ramdane après 4 reports consécutifs. La décision du dernier renvoi a été prise à la demande des avocats qui exigeaient la présence d’un témoin important, en l’occurrence Mohamed Mansouri, directeur du laboratoire de contrôle des médicaments, qui n’a pas daigné répondre à la convocation de la justice hier encore.   Toutefois, les robes noires n’ont pas réitéré la demande d’ajournement du procès, ce d’autant que parmi les prévenus inculpés dans cette affaire figure un accusé en détention depuis neuf mois. M. Omani, c’est de lui qu’il s’agit, a été le premier à ouvrir le bal des auditions. La magistrate lui demandera de lui expliquer son rôle dans l’affaire liée, selon les termes de l’arrêt de renvoi, à la passation et à la complicité dans la passation de marchés publics de gré à gré contraires à la règlementation, à la dilapidation des deniers publics, à l’octroi d’avantages indus. M. Omani réfutera toutes les accusations portées contre lui en précisant qu’il n’a aucun pouvoir ou aucune procuration pour négocier ou contracter des marchés : «Je suis employé des laboratoires. Mon rôle se limite à remettre les soumissions, à suivre les marchandises et les paiements.» L’insistance de la présidente de l’audience ne le fera pas revenir sur ses déclarations, dès lors qu’il n’a absolument rien signé. A propos des 7 micro-ordinateurs (dont l’enquête n’a pas permis de trouver trace) et des téléphones portables, il dira que ce sont là des mesures d’accompagnement contenues dans l’avenant du contrat. «Ce ne sont pas les seules. L’institut Pasteur a bénéficié de 60 micros de bureau, d’un minibus, de 7 véhicules de marque Chevrolet.» Le prévenu clamera son innocence. Il faut rappeler que M. Omani n’est pas l’accusé principal. Son accusation porte sur la complicité et non sur la signature des contrats. Sa mise en détention provisoire a été motivée par le fait qu’il ait une double résidence, en France et en Algérie. Le magistrat a donc estimé qu’il ne présentait pas de garanties suffisantes pour être remis en liberté.Le procès a été riche en révélations et «découvertes». Ainsi, on apprendra que le conseiller de l’ex-directeur général, qui est en fuite, est le gestionnaire réel de l’IPA. Lors de son audition, il révèlera qu’il lui arrivait de signer des factures et de contresigner avec le financier des chèques bancaires. Abdelmadjid Boudia dira également au tribunal qui l’interrogeait sur le sujet que la commission des marchés n’examinait pas les contrats ni cherchait à connaître la nature des fournisseurs, mais entérinait des contrats déjà conclus. «Nous n’avions pas le choix, dira-t-il. Les laboratoires nous donnaient l’exclusivité.» Ce fut ensuite le tour de l’ex-directrice commerciale, par qui l’affaire a éclaté, de se présenter à la barre. Il faut dire qu’elle n’a pas tari de révélations. Elle racontera que Belkaïd (directeur général) a nommé un directeur général adjoint pour la seconder (ce qu’il reconnaîtra devant le tribunal) alors «qu’il n’a aucune qualification ou diplôme pour ce faire.» Et ce, au moment où elle réorganisait le service. Une réorganisation qui lui valut, selon elle, les foudres de sa hiérarchie. Elle se voit donc interdite d’accès à la chambre froide par sa subordonnée qui invoquait une instruction de la direction générale. Et c’est là qu’elle flaire le roussi dans la gestion. Survient alors, et comme par hasard, l’arrêt des chambres froides 48 heures durant. Les conséquences sur les vaccins ne sont pas fait attendre. Ce sont 2 000 000 de doses de DTcoq importées de Cuba dans le cadre d’un accord intergouvernemental pour l’acquisition par l’Algérie de vaccins contre du pétrole qui seront transférées de Kouba vers un dépôt à la place du 1er mai, alors que la chaîne du froid était rompue. Le DG est saisi. En vain. C’est autour de Amar Tou, alors en charge du département de la santé, d’être alerté par Mme Touabti. Il enverra immédiatement une inspection générale qui confirmera les assertions de la directrice commerciale. C’était en 2005. Ce n’est pas tout. Elle découvrira également que les vaccins H1N1 importés par l’Algérie au moment où cette grippe faisait des dégâts dans le monde étaient non conformes. Elle refuse de signer leur conformité malgré les pressions, selon elle, qu’elle a subies et ce, après le départ de Amar Tou. C’est donc le directeur général du laboratoire de contrôle des médicaments qui le fera à sa place. «Il n’a pas qualité pour le faire», nous dira Me Chorfi, son défenseur. Elle fut congédiée par son DG «sur instruction du secrétaire général du ministère de la Santé du temps de Saïd Barkat parce que j’ai refusé de signer». Mme Touabti ne tarira pas d’éloges à l’égard de M. Omani dont elle confirmera l’irresponsabilité dans cette affaire. Le procès, toujours en cours au moment où nous mettons sous presse, a eu le mérité de dépasser la simple affaire de conclusion de marchés contraires à la législation. Il révèle que les lobbys dans ce secteur sont prêts y compris à tuer des personnes pour s’en mettre plein les poches. Nous y reviendrons.

F. A

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