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Revoilà la pénurie et le marché noir

  ShareRevoilà la pénurie et le marché noir

Par : Mustapha Hammouche
Liberté 11 novembre 2010

À force de revenir sur ses pas vers l’économie administrée, le pouvoir est en train de réinventer l’ambiance de triste mémoire du socialisme “spécifique”.
Ceux qui n’ont pas vécu l’épopée des “Galeries Algériennes” et des “Souks El-Fellah” peuvent se faire une idée du sport national  de l’époque en se mettant devant une  épicerie, à l’heure, connue de tous, de la livraison du lait en sachet. Sous l’enseigne, des rangées compactes et silencieuses de clients de tous âges attendent l’arrivée du précieux produit. Après le déchargement, la file d’attente se comprime sous la poussée des gens qui se pressent. Une fois servi, on éprouve plus de mal à quitter la boutique qu’on en a enduré pour y entrer. Mais on est libéré, ayant le plein de sachets. C’est significatif du sentiment de précarité intégré par les ménages : personne ne se contente d’un, deux ou trois litres.
Et on repassera demain.
Mais les nostalgiques ou les curieux de l’avant-PAP (Programme antipénurie qui, à la fin des années 1980, voulait desserrer l’étreinte des pénuries installées depuis le début des années 1970), peuvent même observer la naissance du marché noir des produits soutenus. Car il existe un marché parallèle du lait : de petits étals sont montés en des endroits discrets et proposent le lait dont le supplément de prix vous épargne l’épreuve de la file d’attente.
Comme au temps béni du socialisme spécifique, une partie de la marchandise est transposée en dehors des circuits formels et procure une prime que se partagent forcément le vendeur à la sauvette et le commerçant qui le livre. La différence, aujourd’hui, c’est que ce n’est plus le fonctionnaire du réseau commercial public ou ses proches qui en profitent, mais un détaillant privé et ses complices.
On peut noter la similitude du procédé avec celui qui organise le commerce du pain. Et pire, puisque, de fait, la profession boulangère a déjà imposé une augmentation du prix de la baguette de… 25%, passant de 7,50 (tarif administré) à 10 dinars (tarif effectif). Au demeurant, il n’est pas sérieux de fixer des prix avec des décimales dans un contexte où la pièce de cinquante centimes a disparu de la circulation, tandis que celle d’un dinar se fait de plus en plus rare.
Les jours fériés constituent une aubaine pour porter ce prix au plus haut. L’Aïd el-Fitr dernier fut l’occasion de tripler le prix déjà corrigé de la baguette. Et si cela ne suffit pas, il y a les pains améliorés… où l’on améliore la recette de la caisse plus que la recette de panification. C’est l’imminence de cette opération de spéculation annoncée qui a contraint les autorités à “sommer” les boulangers d’ouvrir, histoire de s’en laver les mains d’avance. Pas besoin d’études approfondies pour observer que la pénurie, et son corollaire, le marché noir, n’ont besoin que de deux conditions pour s’imposer : il suffit qu’il y ait subvention des prix et administration de l’offre.
Ce qui fut fait, un jour, parce que le pouvoir, dans son obstination à refuser la revalorisation des bas salaires, a préféré user du populisme en subventionnant les produits dits de première nécessité. Seulement, là comme dans le cas de l’épicerie qui organise la vente du produit de pénurie, il est plus facile d’y entrer que d’en sortir.

M. H

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