par Salem Ferdi
Désigné début septembre comme «M. Algérie» de l'Elysée par Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin entamera sa mission par une visite à Alger le 24 novembre prochain.
M. Raffarin a été officiellement chargé par le président français d'une «mission sur la coopération économique entre la France et l'Algérie et le développement des investissements dans les deux pays». Son but est «d'identifier et de lever les obstacles entre la France et l'Algérie pour leurs investissements économiques respectifs». Il a fallu néanmoins attendre pratiquement la fin octobre pour que l'on apprenne incidemment, à travers une dépêche d'agence, le nom de l'homologue algérien de M. Raffarin, en l'occurrence Mohamed Benmeradi, ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion des investissements. La désignation de ces deux «coordonateurs» a été voulue par les deux parties. La lettre de mission de Raffarin indique à cet effet qu'Ahmed Ouyahia et Claude Géant, Secrétaire général de l'Elysée se «sont accordés sur l'opportunité de confier de part et d'autre le suivi de ces relations à une personnalité de haut niveau, dont le rôle serait notamment de coordonner la coopération économique franco-algérienne ainsi que le développement des investissements français en Algérie et algériens en France». La désignation des deux «coordonateurs» pour les questions économiques est marquée par un relatif apaisement sur le «front politique» avec la fin judiciaire de l'affaire du diplomate Hasni, les autres divergences sur le Sahara Occidental ou sur le Sahel relevant d'une divergence durable avec laquelle les diplomaties de deux pays se sont accommodés. Il y a également l'inscription de l'Algérie parmi une liste de 14 pays à risques qui avait suscité le désappointement à Alger.
Kouchner dessaisi du dossier Algérie
Il faut noter que ce «dégel» relatif des relations sans politiques s'est fait pratiquement par une prise en charge totale par l'Elysée de la relation avec l'Algérie. Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, peu apprécié à Alger, aura aggravé les choses en étalant ses états d'âme par des déclarations où il affirmait que les relations entre l'Algérie et la France iraient mieux après le départ de la génération de l'indépendance. Kouchner, actuellement sur le départ, devenait un élément du problème, d'où sa totale mise à l'écart de la relation algéro-française. Globalement, le «dégel» ne signifie pas qu'on ait résolu les différends mais que l'on a choisi de ne pas trop insister dessus. Côté algérien et au grand embarras de la «famille révolutionnaire», le gouvernement a fait barrage au projet de loi criminalisant le colonialisme. A l'évidence, on a choisi de ne pas remuer le couteau dans la plaie des divergences. A la suite de la récente visite de la ministre française de la Justice, Michelle Alliot-Marie, le président Abdelaziz Bouteflika a indiqué que les relations algéro-françaises «se portent bien» et n'a pas écarté une visite en France en lançant un «Inchallah». Les questions économiques, objet de la mission Raffarin-Benmeradi, ne constituaient pas jusqu'à la LFC 2009 un sujet de différend entre les deux pays.
Le commerce va bien, l'investissement beaucoup moins
Les mesures prises par le gouvernement algérien avaient suscité des inquiétudes chez les entrepreneurs français, qui se sont avérées, au vu des chiffres des échanges commerciaux, fortement exagérées. Les exportations françaises, selon les dernières données des Douanes algériennes, ont été 4,7 milliards de dollars, en baisse de 3,8%. Les estimations françaises sont bien meilleures avec 5 milliards d'euros sur huit mois, soit un fléchissement léger de 1,2% par rapport à 2009. En contrepartie, les exportations algériennes à destination de la France ont baissé de 19,7%, indiquent les mêmes sources qui précisent qu'il s'agit à 95% d'hydrocarbures. L'Algérie est de ce fait l'un des rares pays hors-OCDE à enregistrer un déficit commercial négatif avec la France. On comprend que les entreprises françaises, dont le locataire de l'Elysée se veut le VIP, veuillent que leurs parts de marché soient préservées de la concurrence qui commence à s'installer, notamment de la part des Chinois et des Turcs. Il s'agit surtout de ne pas rater le plan quinquennal de 286 milliards de dollars. Côté algérien, c'est la question de la faiblesse des investissements français ce qui est contesté par Paris qui pose problème. Cette faiblesse était de mise avant les «lois patriotiques» qui, aux yeux d'Alger, ne peuvent servir de prétexte. L'une des missions de Jean-Pierre Raffarin est «d'identifier» les obstacles aux investissements entre la France et l'Algérie. Autant que c'est le sujet principal pour l'Algérie.