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Wikileaks déshabille la diplomatie US

 

 

En publiant à partir de ce dimanche les câbles diplomatiques, qui révèlent la realpolitik, Wikileaks inquiète les autorités américaines. Avec Slate et Owni, Le Soir se plonge dans les « Statelogs » dès dimanche.

Wikileaks déshabille la diplomatie US

OWNI

Ce n'est plus le Pentagone qui se trouve sur la sellette, mais le Département d'Etat américain. Si les dernières révélations de Wikileaks dévoilaient les horreurs des guerres en Afghanistan (juillet) et en Irak (octobre), la prochaine fuite de Wikileaks expose une « horreur » d'une tout autre ampleur : celle des coulisses de la diplomatie américaine, son dialogue singulier avec chacun de ses interlocuteurs mondiaux, ses tactiques, arrière-pensées et, éventuellement coups fourrés. Il s'agit cette fois d'une fuite de plusieurs millions de documents (« sept fois plus importante » que la fuite sur l'Irak, qui comptait déjà 400.000 documents), constituée pour l'essentiel des câbles diplomatiques émis par les ambassades américaines de par le monde. On y apprend par exemple, selon la presse turque, que les Etats-Unis auraient aidé les indépendantistes kurdes du PKK, cependant que la Turquie pourrait apparaître, dans ces mêmes documents, comme « ayant aidé Al-Qaïda » (ce qu'Ankara a déjà formellement démenti).

Inquiets à l'idée que leurs interlocuteurs – et parfois même leurs alliés les plus proches – puissent découvrir leurs analyses et stratégies, le Pentagone et le Département d'Etat se sont lancés cette semaine dans une vaste campagne de mise en garde et déminage auprès des pays qui pourraient être choqués par la teneur des nouvelles fuites : Turquie, Russie, Israël, Australie, Canada, Belgique, etc. Ce déminage a également concerné les deux assemblées du pays, Sénat et Congrès : via leurs « commissions de la Défense » (Armed service committees), le Pentagone a prévenu mercredi les assemblées que les prochaines fuites « pourraient avoir un impact défavorable sur les relations internationales des Etats-Unis » : « Les câbles du Département d'Etat, par leur nature, contiennent des analyses quotidiennes et des évaluations candides, comme en élabore chaque gouvernement qui entretient une diplomatie internationale concrète », explique la communication du Pentagone.

En quoi ces révélations peuvent-elles faire très mal ? La dissémination des câbles diplomatiques US aura pour effet de révéler aux opinions publiques la froide « realpolitik » des Etats-Unis, mais il y a davantage : d'abord, une série de commentaires désobligeants, voire même incriminants, se trouveraient dans ces câbles. Moscou sait déjà que les commentaires américains sur la politique du Kremlin vont être « désagréables », a révélé le journal russe Kommersant.

Ensuite, confirme une source en Australie, dont le gouvernement a déjà été briefé par les autorités américaines, la « corruption » et le « comportement embarrassant » de certains gouvernants vont être crûment exposés : par exemple, on imagine mal que l'ambassade des Etats-Unis à Kaboul n'ait rédigé aucun câble sur les réseaux de corruption et narcotrafics de la famille Karzaï.

Bref, le Département d'Etat s'attend au « pire scénario », a confié mercredi un de ses porte-parole. Mais au fait, comment savent-ils à quoi s'attendre ? Selon une brève information diffusée dans la nuit de jeudi à vendredi par Wikileaks, le New York Times, partenaire historique de Wikileaks, aurait briefé dès lundi dernier la Maison Blanche sur la nature des documents qui vont fuir.

Pourquoi le NYT a-t-il prévenu l'exécutif ? D'abord, parce que le NYT entend garder sa complète indépendance vis-à-vis de tous, même de Wikileaks. Le quotidien new-yorkais l'a rappelé fin octobre : « Wikileaks n'est pas l'Associated Press », tout doit être si possible recoupé. Ensuite, il existe un argument juridique qui remonte à la publication en 1971 des Pentagon Papers (les « papiers du Pentagone », 7.000 pages de documents secrets sur la guerre du Vietnam). Depuis ce dossier, un arrêt de la Cour suprême empêche toute censure, c'est-à-dire toute mesure préalable d'interdiction. Pas question, comme en Belgique, de requête unilatérale devant un tribunal. En d'autres termes, tant qu'il n'a pas publié son premier papier, le NYT (ou tout autre média) est protégé, peut solliciter des réactions, des avis, des recoupements, etc., sans que le journal puisse être muselé. C'est ensuite que le bras de fer commence…

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