La Maison-Blanche mène la «contre-offensive»
WikiLeaks ou le cauchemar de Washington
L’afflux des télégrammes confidentiels a dû donner à la secrétaire d’Etat américaine d’effroyables migraines. Washington aura beau se démener pour redorer son image, le mal est grand.
Les diplomates américains sont-ils encore dignes de confiance après la divulgation des documents par WikiLeaks ? Les missives des diplomates et les appréciations – peu flatteuses – formulées sur les chefs d’Etat donnent une piètre image de la politique étrangère américaine. Le département d’Etat américain a bien essayé de limiter les dégâts, mais a été vite dépassé par le cours des événements, au point où le président vénézuélien, Hugo Chavez, demande à Hillary Clinton de «démissionner».
L’afflux des télégrammes confidentiels (câbles en anglais) a dû donner à la secrétaire d’Etat américaine d’effroyables migraines. Washington tente désormais de mener une contre-offensive, en ordonnant un passage en revue des procédures de sécurité pour éviter de nouvelles révélations de documents sensibles.
«Tout échec à protéger les informations classées (...) est inacceptable et ne sera pas toléré», a affirmé le directeur du bureau du budget de la Maison-Blanche, Jacob Lew. Le ministre américain de la Justice, Eric Holder, a rappelé qu’une enquête pénale était «en cours» sur la publication par le site internet WikiLeaks de milliers de documents américains confidentiels. Il a précisé que si le droit américain n’avait pas forcément prévu ce type de poursuites, «nous ferons en sorte de combler ce manque».
Selon la presse américaine, l’enquête se concentre sur Bradley Manning, ancien analyste du renseignement militaire, actuellement en détention. Il est accusé d’avoir organisé la fuite de la vidéo d’une attaque menée en 2007 par un hélicoptère des forces américaines en Irak qui avait fait une dizaine de morts.
La Maison-Blanche a, par ailleurs, chargé les agences gouvernementales de renforcer leurs procédures pour sécuriser leurs documents secrets. Les nouvelles procédures visent notamment à faire en sorte que «les utilisateurs n’aient pas un accès plus large que nécessaire à leurs missions effectives» et restreignent le traitement des documents classés. L’homme par qui le scandale arrive, Julian Assange, le fondateur du site internet WikiLeaks, devient ainsi l’ennemi numéro un de la plus grande puissance mondiale.
Mais si les condamnations internationales, émanant aussi bien des amis que des détracteurs des Etats-Unis, ont été nombreuses, certains pays – comme l’Equateur – se disent prêts à accueillir Assange et à lui accorder un permis de résidence en Equateur, «sans aucun problème ni aucune condition».
«Cablegate»
La secrétaire d’Etat américaine, qui a atterri hier à Astana, au Kazakhstan, devra déployer tous ses talents de diplomate pour faire oublier le «cablegate». Les hasards du calendrier sont parfois cruels : elle se rendra ensuite à Bahrein pour un discours sur le rôle des Etats-Unis dans la région et les ambitions nucléaires de l’Iran, un sujet largement discuté dans les missives diplomatiques divulguées sur Internet par WikiLeaks. Dans ses interventions médiatiques, Hillary Clinton ne trouve pas de mots assez durs pour qualifier les fuites des câbles américains : ce sont, à ses yeux, des «crimes», visant «toute la communauté internationale» et qui «sabordent les relations pacifiques entre les nations». «La politique étrangère officielle américaine n’est pas telle que définie par ces messages», plaide-t-elle. Washington aura beau se démener pour redorer son image, le mal est grand. Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a indiqué qu’il allait aborder la question des notes diplomatiques américaines, révélées par le site internet WikiLeaks, qui le mettent en cause avec la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Les télégrammes diplomatiques obtenus par le site internet révèlent notamment que le ministre turc des Affaires étrangères est qualifié «d’exceptionnellement dangereux» par un informateur des diplomates américains en poste à Ankara qui les met en garde contre son influence islamiste sur le Premier ministre turc, Tayyip Erdogan.
C’est, surtout, l’image du président américain qui risque d’être sérieusement écornée. Le quotidien britannique The Telegraph se demande si la fuite des télégrammes ne va pas mettre à mal l’image de «Nice Guy» de Barack Obama. Lundi soir, le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, soulignait que «le président était pour le moins mécontent quand il a été informé la semaine dernière de la publication prochaine de
250 000 notes diplomatiques américaines».
Le cauchemar des dirigeants américains risque de se prolonger. Vu la masse de documents annoncés, à raison de 230 documents par jour, il faudrait 1092 jours, soit 3 ans pour publier l’ensemble des informations.