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La chasse aux réveillonneurs n’aura pas lieu

Par : Mustapha Hammouche

Un confrère publiait hier une manchette faisant état d’une double instruction des ministères de l’Intérieur et du Commerce aux services de sécurité les instruisant d’obliger les commerces d’alcool à fermer avant 20 heures, le soir du réveillon. L’annonce a provoqué un formel démenti de la part du ministère de l’Intérieur qui juge l’information “erronée, grotesque et mensongère”, précisant que “les services de sécurité sont mobilisés en vue d’assurer la sécurité et la quiétude des citoyens au quotidien et à toute occasion”.
La nouvelle a dû réjouir beaucoup de faux dévots dont la piété consiste à traquer les actes libres de leurs concitoyens. Et la presse n’en manque pas, comme cette journaliste qui est allée débusquer des buveurs dans un oued du côté des Ouadhias avant d’aller les… dénoncer à la police locale. Heureusement pour les noceurs champêtres, et malheureusement pour la consœur délatrice, que les policiers avaient, ce jour-là, d’autres chats à fouetter.
Cet activisme militant, qui fait des débits de boisson une cible prioritaire de la rédemption, n’est pas l’apanage de journaux et de journalistes ; l’alcool est aussi l’objet du zèle de responsables dans l’État et l’administration, dont l’ardeur sonore reste illustrée par la fameuse déclaration de l’ex-wali de Boumerdès : “je ne raterai aucune occasion de fermer un débit de boissons.”
Que ce soit une aversion de conviction envers la “goutte” ou une marque d’obédience envers l’islamisme de concurrent, l’alcool, qui, c’est le cas de le dire, n’a pas bonne presse, constitue la cible facile à qui a besoin, ou intérêt, à donner des gages de piété. Dans l’approche islamiste locale, qui tient plus de la culture politique que de la convention sociale, l’alcool a été consacré ligne de partage entre le vice et la vertu.
La moralité étant ainsi restreinte à la consommation ou non des vins et spiritueux, les grands fléaux qui infectent les hommes et la société sont ainsi repoussés au statut de maux de second plan : la corruption, la rapine, le vol, la contrebande ne se portent pas sur soi comme l’odeur de la bière et n’ont pas besoin de boutiques ayant pignon sur rue pour être pratiqués.
Même la drogue, dont l’argent n’a bien sûr pas d’odeur, ne connaît pas la répulsion que subit l’évocation même de la boisson. Alors, au moment où le joint se fume dans les écoles primaires, on montre encore du doigt un commerce déjà, et heureusement, sévèrement réglementé et qui ne concerne que les adultes !
Cela a dû faire mal dans l’esprit de nos faux dévots d’apprendre que le vin nous fait rentrer plus de devises que n’importe quel autre produit hors hydrocarbures. Cependant, dans l’ambiance intégriste qui nous oppresse, on doit cacher qu’on travaille à l’ONCV. Pourtant, alors que le doute pèse lourdement sur la gestion de l’argent de la zakat, par exemple, cet office est, en outre, un des rares opérateurs manipulant la devise à n’avoir jamais posé un problème de malversations. Comme quoi ce n’est pas le zèle dévot des intervenants sociaux qui fait leur moralité.
Le procédé qui consistait à suggérer de sévir contre les fêtards du 31 décembre n’a, apparemment, pas fonctionné.
La chasse aux non-jeûneurs a bien eu lieu ; mais la chasse aux noceurs du réveillon n’aura donc pas lieu.
Bonne année 2011 !

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