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Algérie : les raisons d’un soulèvement

 

  Le Monde Diplomatique

jeudi 13 janvier 2011

En 2010, l’Algérie a connu entre 9 000 à 10 000 émeutes. Et l’année 2011 a commencé par une semaine de violentes manifestations d’ampleur nationale : des jeunes en colère ont pris pour cibles les édifices publics et les commerces privés des « protégés de l’Etat », comme les présente Kamel (1), un jeune de Bab el-Oued. Le 5 janvier, c’est justement de ce quartier de la banlieue d’Alger qu’est partie la révolte, à la suite, toujours d’après notre interlocuteur, de l’agression d’un marchand ambulant dont l’étalage a été renversé par des policiers en civil. Les jeunes de Bab el-Oued ont refusé cette énième provocation, eux qui ont cru vainement que leur sort allait s’améliorer quand les autorités locales leur avaient promis l’octroi d’emplacements légaux sur le marché de la ville. La répression a fait quatre morts et des centaines de blessés.

Loi financière catastrophique

La rapide propagation de ces manifestations à tout le pays a été interprétée comme la conséquence de la flambée des prix de l’huile et du sucre (2). En réalité, le coût de ces deux produits de première nécessité n’est pas le seul à avoir connu une hausse vertigineuse (plus de 20 % entre le 31 décembre 2010 et le 1er janvier 2011). Depuis le vote parlementaire de la Loi de finance complémentaire (LFC), le 21 juillet 2009, le portefeuille du citoyen algérien est soumis à un régime drastique (3). A cela s’ajoutent les multiples pénuries comme, ce dernier mois, celles du lait et de la farine.

La LFC 2009 prône le « patriotisme économique » et compte donner la chasse aux « fraudeurs ». L’Etat algérien entend ainsi occuper le terrain qu’il a abandonné depuis plus de vingt ans, ce qui a permis l’explosion du marché informel – qui représente, selon El Watan, 40 % de l’économie du pays. Mais il est passé en force, sans consulter aucun des acteurs économiques et sociaux, et n’a proposé aucune amélioration structurelle pour faciliter la réalisation de son projet. Rappelant qu’en Algérie « le monde du travail n’accapare pas plus de 20 % du PIB [alors que] le pouvoir et ses clientèles s’en attribuent 80 % sans créer de richesses », M. Athmane Mazouz, chef du groupe parlementaire du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), a voté contre cette loi, car, selon lui, elle ne repose « sur aucune vision à même d’offrir une perspective de développement national ».

Les dirigeants algériens ont oublié que l’Etat avait encouragé le marché informel dans les années 1990 pour résister aux pressions du Fond monétaire international (FMI), ou, dans le cas du marché de l’alcool, pour résister aux islamistes. Le président Abdelaziz Bouteflika et son premier ministre Ahmed Ouyahia ont donc mis en place une batterie de lois pour assurer la traçabilité des transactions financières des importateurs et des commerçants algériens, afin de les imposer. Interrogé sur les effets de cette loi, un « négociant de café vert travaillant avec l’Algérie depuis 1996 » dénonce une « gestion des importations archaïque » assortie d’une « manne pour les banques » ; pour lui, trop de documents et de garanties sont exigés, avec un coût supplémentaire allant de 500 à 1 000 dollars par dossier… A ses yeux, l’augmentation des prix que connaît actuellement l’Algérie n’est qu’un début, car de moins en moins d’exportateurs veulent travailler avec le pays, ce qui va provoquer une raréfaction des produits. « Il y a trop de risques financiers, le CREDOC (4) n’est plus utilisé nulle part ailleurs dans le monde, et la marchandise peut vous être renvoyée pour un simple problème d’étiquetage en arabe. »

Un petit pansement et on recommence

Face à la colère des Algériens, MM. Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Ouyahia ne se sont pas encore exprimés publiquement. Cependant, une réunion interministérielle s’est tenue trois jours après le début des manifestations pour décider de l’annulation des taxes et des droits de douane sur les huiles et le sucre roux jusqu’au 31 août prochain (5). L’exécutif pose donc un pansement sur le front d’un corps social enfiévré… « On avait espéré que la rue soit écoutée, au lieu de cela 1200 jeunes ont déjà été arrêtés, déplore Mustapha Bouchachi. Beaucoup d’entre eux ont subi des violences policières et sont incarcérés. » Le président de la Ligue algérienne des droits humains (LADDH) craint que les manifestations de ce début d’année ne se reproduisent ; selon lui, le pouvoir doit lever l’état d’urgence instauré en 1992, dont le maintien « ne vise plus les intégristes mais la société civile ».

Au moment où les étudiants, les syndicats et les partis d’opposition s’organisent pour poursuivre le mouvement de manière pacifique, les autorités publiques sont accusées d’empêcher l’accès au réseau social Facebook. A une société assoiffée de liberté, l’Etat n’a que des verrous à offrir…

Ali Chibani

(1) Le prénom a été changé.

(2) Certains politiques, le ministre de l’intérieur Daho Ould Kablia en tête, ont accusé les « lobbies » industriels mécontentés par la Loi de finance complémentaire de 2009. D’autres sources politiques et syndicales nous ont aussi parlé de probables règlements de comptes entre les clans militaires composés de pro et d’anti-Bouteflika.

(3) Ainsi, la hausse des prix à la consommation entre octobre et novembre 2010 a atteint 0,8 % à Alger.

(4) Le Crédit documentaire est l’une des contraintes mises en place par la LFC 2009.

(5) Avec une réserve de change estimée à 155 milliards de dollars, l’Etat algérien estime pouvoir résoudre tous les conflits sociaux par de petites augmentations de salaire sectorielles ou par des décisions « exceptionnelles et limitées » comme les détaxations.



Commentaires

  • اعلان هام :
    طالع بيان المجلس الوطني للنقابة الجزائرية للشبه الطبي
    اضراب يومين في الأسبوع بداية من 01فيفري 2011 فكونوا في الموعد

    النقابة الجزائرية للشبه الطبي
    Alger le 13/01/2011
    Communiqué
    Le Statut de la corporation paramédicale devient l’enjeu d’un lobby qui ne ménage aucun effort pour que la corporation sombre à jamais dans un système de formation archaïque et précaire.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) à la vision diamétralement opposé ayant fondé sa revendication élémentaire sur un statut digne à même de redorer le blason à cette corporation marginalisé depuis toujours.

    En effet, un pseudo syndicat indigne n’a pas hésité toute honte bues à brader l’avenir de la corporation paramédicale allant jusqu’à revendiquer l’abrogation et la promulgation du statut au groupe B, catégorie 10, inhibant ainsi toutes progression professionnelles et sociales condamnant le paramédicale dans une misère socioprofessionnelle.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) qui à placé une confiance totale en la personne de Monsieur le Ministre de la Santé après ces déclarations publique rassurante, notamment celle tenue devant les membres du conseil national du 28 octobre 2010 affirmant l’accord de son département à collaborer étroitement avec le M.E.S.R.S pour la finalisation du dispositif juridique.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) à su se montrer patient devant les assurances de Monsieur le Ministre quant à la promulgation du statut L.M.D de la corporation paramédicale dans un délai qui ne saura dépasser la fin de l’année 2010.
    Force et de constater une fois de plus la lenteur, voir le blocage délibéré de notre statut par certain cercle hostile à une formation de qualité, qui entoure sa finalisation et qui demeure encore à l’état embryonnaire auprès du Ministère de la santé.
    Devant cette situation imposée, le conseil national réuni ce jour le jeudi 13 janvier 2011, après avoir passé en revue et en débat ces données et compte tenue de la gravité de la situation il à été décidé :

    Une Grève Nationale de 02 (DEUX) JOURS par semaine correspondant à chaque mardi et mercredi de la semaine
    à compter du Mardi 01 Février 2011.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) appel la corporation paramédicale à la vigilance face à la manipulation et manœuvres occultes que tentent désespérément un groupuscule d’opportuniste à faire du statut de la corporation un fond de commerce.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) dénie et rejette toutes représentativités et démarches qui engagent l’avenir de la corporation en dehors de son représentant légitime qu’est le S.A.P.

    Le Syndicat Algérien des Paramédicaux (S.A.P) ne lésinera sur aucun moyen pour durcir son mouvement si aucune solution concrète ne vient répondre à cette préoccupation majeure ; adoption du statut particulier de la corporation paramédicale dans un délai raisonnable tel que conclu par la commission mixte MSPRH/SAP « Système L.M.D groupe A Catégorie 11 ».
    Un Statut, Une Dignité
    Le Conseil Nationa

  • Les éditions Apopsix viennent de publier un ouvrage intitulé "La presse française et l'Algérie - au travers de la perception du phénomène islamiste" de Hacène Haifi, sur l'influence de la presse française sur les relations franco-algériennes.

    La presse française, considérée comme le médiateur des liens franco-algériens, est passée au crible de l’analyse à travers le prisme du phénomène islamiste qui suscite, des deux côtés de la rive méditerranéenne, de fortes réactions passionnelles. Évoquer l’Algérie déclenche aujourd’hui des sentiments très vifs, notamment si la question de l'islamisme est abordée. Ce travail se situe à l’intersection de ces deux premiers thèmes, Algérie et Islamisme, associés à un troisième thème, celui de la Presse et plus précisément la Presse française traditionnellement relais d’opinion. Ces trois éléments (Algérie, Islamisme et Presse française) sont au cœur de cette analyse.

    Entre le quasi-silence médiatique (des années soixante-dix) et la sur-médiatisation de l’actualité islamiste (des années quatre- vingt dix) , une tendance domine : ce mouvement politico-religieux est vu sous l’œil de la passion, de la peur de la foule fanatisée.

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    www.apopsix.fr

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