Par : Mustapha Hammouche
Un Alger quadrillé, des hommes et des moyens de répression en surnombre pour empêcher la marche à laquelle le RCD a appelé. En faisant des blessés dans une action qu’il a empêchée et en déroulant une telle armada, le pouvoir donnait l’impression, hier, de faire dans la démonstration de force plus que dans l’obstruction d’une manifestation.
L’option de la “défense avancée”, jadis appliquée en handball, vise aussi à décourager les éventuelles intentions d’initiatives ultérieures. La double stratégie de “l’étouffement” des manifestants potentiels et de l’exhibitionnisme policier a révélé la vraie posture d’un pouvoir face au “risque tunisien” qui hante l’ensemble des régimes du Maghreb et du Moyen-Orient.
Première lecture de cette parade sécuritaire : le pouvoir semble convaincu, comme Alliot-Marie, que le régime tunisien s’est effondré parce que sa police n’a pas pu contenir la vague de soulèvement qui l’a emporté et parce que l’armée a refusé de pallier l’insuffisance répressive. Seconde lecture : le pouvoir semble convaincu que le peuple raisonne en termes d’équilibre des forces physiques quand il est porté par une volonté de changement. Si c’était le cas, l’URSS et les “démocraties populaires” seraient encore là. Mais les dictatures du tiers-monde sont comme le colonialisme qui, en matière de maintien de l’ordre, les inspire souvent : ce sont de mauvais élèves.
Troisième lecture : le pouvoir panique, tout simplement. En étalant ses forces plus que de besoin, il délivrait un message aux futures manifestations qu’il appréhende, à tort ou à raison.
Pour qu’il développât l’appréhension qu’exprime cette espèce de répression dissuasive, il fallait pourtant que le pouvoir comprenne que le mécontentement national est élevé et qu’il coïncide avec un vent d’appel au changement qui souffle sur toute une sphère géopolitique dans laquelle nous sommes inclus. Au lieu d’en tirer les leçons politiques, il préfère montrer qu’il a pris les dispositions sécuritaires par lesquelles il compte refouler toute velléité d’expression de cette nécessité de changement.
Au début du mois, le Premier ministre évoquait, devant le Sénat, une “bataille d’arrière-garde” à propos “des procédures visant la protection de l’économie”. Il semble que l’attitude défensive se soit généralisée à tous les domaines, et en particulier celui concernant la sauvegarde du régime. Au lieu d’enregistrer les messages politiques des évènements, il fait feu de tout bois pour étouffer tout signe de revendication populaire : après avoir criminalisé la harga, il fait dire à des imams, convertis en commissaires politiques, que le feu de l’au-delà attend les malheureux immolés. On ne se souvient pas avoir entendu souvent nos imams vouer les kamikazes aux mêmes enfers. Mais c’était le temps où la terreur montrait le sens du prêche. Jusqu’au ministre de l’Intérieur qui accable ces damnés de notre terre d’“exhibitionnisme” !
Si des institutions usent de tels raccourcis, on peut se demander si l’écart entre le temps qu’il a fait hier à Alger et le BMS consacré à la même journée relevait d’une simple erreur de prévision.
Hier, c’était la parade de l’état policier. Mais n’est-ce pas dans la nature historique de notre système d’opposer ainsi la logique de la force physique à la logique de l’évolution politique ?