Hamid Ferhi et ses deux fils couchent en prison ! C’est l’un des paradoxes de cette époque sans panache que de voir ce militant démocrate, qui a affronté les islamistes à mains nues, qui n'a jamais songé à tirer gloire ni bénéfice de ses actes, ce qui pour une certaine classe d'hommes et de femmes, va de soi, c’est l’un des paradoxes de cette époque sans panache que de voir Hamid devenir ennemi à abattre d'un régime qui se renie et qui se croit fondé à humilier les dignes fils de l’Algérie.
J’ai connu Hamid Ferhi dans les instants pénibles. Il fut l’un des principaux animateurs du Comité Benchicou pour les libertés, cette organisation frêle et têtue qui m’avait prodigué un salutaire soutien, contre le cours du vent, entre 2004 et 2006, pendant mon incarcération à El-Harrach, quand bien de mes confrères et bien des personnalités supposées du camp démocrate, qu’on entend aujourd’hui se donner à bon compte les airs de l’esprit libre, ergotaient avec mes geôliers. Je crois pouvoir dire, depuis, que Hamid est de ces êtres d’amour que cette terre a la chance de posséder. L’amour de la terre, de la vie, de la liberté, des hommes, l’amour décisif qui conduit à vouloir refuser, pour soi et pour les autres, la dégradation définitive qui se trouve dans la servitude. Je m’autorise à penser que c’est pour cette raison qu’il a été arrêté. Le régime hait ces hommes têtus qui s’obstinent à racheter, jour après jour, le déshonneur où nous nous survivons. Il n’aime pas ceux qui, comme Hamid, entretiennent jusqu'au bout, la conscience lacérée du bonheur auquel ont droit les Algériens. Les hommes comme Hamid ou Gherbi rappellent aux architectes de la résignation qui nous gouvernent, que la différence demeure encore trop grande, dans cette terre torturée, entre ceux qui choisissent de risquer et ceux qui choisissent de se taire. La simple vue de ces hommes insupporte le régime d’Alger. Ils lui rappellent que, dans bien des occasions, le courage et la justice n'ont pas été de son côté. Il leur préfère ceux qui, au cri de la victime, se bouchent les oreilles et, devant l’injustice, consentent à baisser le front. Peine inutile : entre des hommes qui chantent la capitulation et ceux qui, comme Hamid, n'ont même pas pu supporter l’outrage infligé à une dignité algérienne, payée par des sacrifices interminables, il n'est plus besoin de dire qui relève de la fidélité, qui du mépris.
Oui, je crois bien que Hamid a été arrêté pour « délit de mauvaise conscience ». Lui et ses deux enfants ont été appréhendés dans un café à Staouéli (ouest d’Alger), sur simple soupçon de vouloir susciter des émeutes ! Son avocat, Me Hanoune est catégorique : «Il s’agit bel et bien d’une arrestation politique. Il n’a pas été interpellé dans un rassemblement ou lors d’une émeute, mais dans un café. Il est clair que l’arrestation de Hamid Ferhi a été ciblée. Ses deux fils – l’un d’eux est un mineur – ont été aussi arrêtés lorsque la police a découvert qu’ils portent le même nom que leur père. »
Incarcérer les résistants et seulement parce qu'ils le sont, c'est décréter que seuls ont la parole en Algérie les opportunistes et aux capitulards.
Aux hommes responsables et que tourmente toujours l’idée de dignité, à ces hommes, s’il en existe, d’exiger la libération de Hamid Ferhi et de tous les manifestants, ceux-là qui nous ont rendu un peu de la considération oubliée. A eux de faire rappeler qu’un Etat qui cesse d’être l'arbitre qui garantit la justice et ajuste l'intérêt général aux libertés particulières, perd du même coup le peu de légitimité qu’il arborait pour n’être plus, aux yeux du monde, comme dit Camus, qu'une anarchie bureaucratisée. Un ver qui se tortille à la recherche de sa tête.
Quant à Hamid, dont je sais qu’il porte la noblesse du sacrifice accepté dans la lucidité, je ne doute pas qu’il sortira intact de cette épreuve qui lui est imposée.
Mohamed Benchicou