ABDERRAZAK MOKRI ANALYSE LA SITUATION
«Les Frères musulmans n’ont rien à voir»
30 Janvier 2011 -
Quel est le rôle des Frères musulmans dans le soulèvement en Egypte? En réponse à cette question, le vice-président du MSP, Abderrazak Mokri, a clairement indiqué: «Non ce n’est pas vrai, ce ne sont pas les Frères musulmans qui dirigent les émeutes, ce sont les jeunes.»
Il existe trois équations qui font la politique des gouvernements arabes: les gouvernants arabes, les Occidentaux et les islamistes. «Les gouvernants arabes sont arrivés à un degré avancé de corruption, qui choque les Occidentaux», a expliqué M.Mokri. Les Occidentaux réclament des explications à leurs «protégés» -arabes- en déplorant leurs pratiques. Afin de détourner l’attention des Occidentaux, «les gouvernants arabes utilisent les islamistes comme épouvantail», a expliqué M.Mokri, mais sur ce coup, «les manifestations des jeunes ont mis hors jeu la carte de l’épouvantail islamiste». Dans un communiqué, au cinquième jour des manifestations contre le régime du président Hosni Moubarak, les Frères musulmans, principale force d’opposition en Egypte, ont appelé hier à une passation pacifique du pouvoir. Par cette déclaration, les Frères musulmans appuient les propos du vice-président du MSP.
«Ce sont les jeunes qui se sont révoltés, à leur propre initiative», a constaté M.Mokri, «nous vivons un moment historique, un réveil du Monde arabe, à sa tête la Tunisie suivie par l’Egypte, mené par des jeunes», a-t-il poursuivi. Selon le numéro deux du MSP, les pressions continues sur les jeunes, ont rendu inévitable l’explosion dont nous sommes témoins. «Ni les Frères musulmans, ni les partis politiques et encore moins les Occidentaux ne sont derrière la révolte en Egypte», a affirmé M.Mokri, «ce sont les régimes arabes qui sont soutenus par les Occidentaux, qui disent que les jeunes sont manipulés», a-t-il poursuivi. Selon l’invité de la Chaîne III de la Radio nationale, Obama a décidé de ne plus soutenir ni subventionner la démocratie en Egypte, car cela risquerait d’amener les islamistes au pouvoir, avec l’impact que cela pourrait avoir, selon lui, sur l’avenir d’Israël et des accords de paix signés entre l’Egypte et l’Etat hébreu en 1979. «Les enveloppes allouées à la démocratie sont à la baisse, ce qui confirme un recul de la part des Occidentaux d’instaurer la démocratie dans le Monde arabe» a indiqué M.Mokri. Concernant le volet national, M.Mokri s’est prononcé «à titre personnel» pour des élections législatives anticipées, sujet, a-t-il tenu à préciser, qui n’a pas été à l’ordre du jour de son parti, membre de l’Alliance présidentielle. «Je suis d’accord pour la dissolution du Parlement, de discuter et de débattre cette question, car le Parlement est absent», a-t-il expliqué avant de poursuivre: «Le Parlement ne joue aucun rôle sur la scène politique, il est en marge de la société, il serait donc logique de le dissoudre.» La position ainsi défendue par M.Mokri est proche de celle que préconise le camp du Parti des travailleurs (PT) et celui du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Cette suggestion est intervenue dans le cadre des solutions présentées comme indispensables à l’apaisement de la crise politique que traverse le pays. «Les ingrédients d’autres manifestations, d’autres protestations et de crise existent encore», a-t-il signalé. La révolte de la Tunisie aura des effets de contagion sur tout le Monde arabe, et ça a commencé en Algérie, selon lui. «Un ras-le-bol des jeunes, le chômage, la frustration par rapport à la démocratie, absence de société civile», c’est ce cocktail qui a mené aux émeutes qu’a connues l’Algérie entre le 4 et le 8 janvier 2011, a soutenu Abderrazak Mokri. A ces revendications politiques et économiques, une brève analyse a été présentée par l’invité de l’émission de la radio Chaîne III, ainsi que les solutions, selon lui, à adopter. Dans ce sens, il a insisté sur la nécessité d’un développement économique qui repose sur les entreprises, au lieu de compter aveuglément sur les réserves d’hydrocarbures du pays, ainsi que la distribution égale des richesses, comme de lutter contre la corruption qui induit un sentiment d’injustice et de colère qui mènent à la révolte. Sur le plan politique, il a demandé la levée de l’état d’urgence, l’autorisation de créer des associations, la révision de la loi électorale et la dissolution du Parlement. «Il faut des élections libres, équitables et transparentes», a-t-il précisé. Interrogé sur l’état de santé de l’Alliance présidentielle, l’invité de l’émission a répondu que la coalition ne jouait pas son rôle en ce moment: «L’Alliance est en panne», a-t-il conclu.
Nardjes FLICI