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DES MILLIERS DE MANIFESTANTS, MALGRÉ UN DISPOSITIF POLICIER SANS PRÉCÉDENT Un tabou est tombé



Il est des moments et des situations qui valent mieux que les déferlements les plus grandioses. Alger, samedi, a connu pareil moment, une telle situation.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - Face à des escadrons de police suréquipés, prêts à dégainer matraques et boucliers, des Algériens, armés de leurs seules convictions et détermination, ont répondu par milliers présents à l’appel de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) pour une marche nationale et pacifique. Ils ne pouvaient évidemment pas marcher dans une ville où une forte armada de forces antiémeutes était mobilisée pour leur faire obstruction. Mais, ces Algériens sont parvenus à réaliser l’essentiel : faire tomber un tabou, et de la plus belle manière. Pacifiques jusqu’à la moelle, ils ont pu non seulement faire preuve d’ingéniosité pour parvenir à la place du 1er-Mai mais aussi à tenir rassemblement une journée durant. Vingt ans que cela n’était pas arrivé dans Alger. Ni les charges policières particulièrement brutales, ni les provocations incessantes de jeunes désœuvrés recrutés pour casser du marcheur n’ont réussi à provoquer les incidents qui auraient servi, a posteriori, à justifier la décision d’interdire la manifestation. Ces Algériens rassemblés à la place du 1er-Mai ont admirablement administré la preuve de ce que marcher n’est pas synonyme de casse et de désordre. Le pouvoir, qui a exhibé le risque sécuritaire pour justifier l’interdiction de manifester à Alger ainsi que l’usage abusif, si tant est qu’il puisse exister un usage modéré, de la répression, est dans sa nudité honteuse. L’argumentaire dont il s’est armé pour empêcher les Algériens de marcher pacifiquement n’a pas résisté à l’épreuve de la réalité. Ceux qui ont inondé les rues et venelles de la capitale de forces anti-émeutes dès la veille au soir ne doivent pas dormir rasséréné : Alger n’a pas brûlé, ce qui les empêche, une fois de plus, d’avoir raison d’avoir assiégé la capitale. Un tabou est tombé : l’Algérie sait être plurielle et unie dans l’épreuve démocratique. Même les «baltadjas» bien de chez nous, rameutés pourtant pour chahuter l’aspiration démocratique du peuple, ont fini par être du bon côté de la barricade. Jeunes chômeurs pour la plupart, ils se sont vite sentis mieux parmi le peuple qui revendique. Aussi ont-ils mêlé leurs voix aux milliers de gosiers qui réclamaient un changement de système. Naturellement, car se peut-il que ces mômes renvoyés de l’école, exclus de la vie active et livrés à la rue s’offrent en protecteurs d’un système qui fait d’eux des laisser-pour-comptes ? Un tabou est tombé. Samedi a été aussi jour de solidarité active, de cette solidarité qui a posé les jalons de la revendication démocratique en Algérie. Une nouvelle ère s’ouvre, débarrassée des querelles qui ont tant ralenti l’émancipation démocratique. Qui aurait imaginé un Djamel Zenati repartager, plus de 20 ans plus tard, l’épreuve de l’engagement avec un Saïd Sadi ? N’est-elle pas belle cette communion entre Saïd Sadi, Arezki Aït Larbi et Me Ali Yahia Abdenour ? Samedi a été jour de retrouvailles de la famille qui avance, malgré la répression. Une famille qui avance, franche et convaincue, dans une synchronie porteuse d’espoirs. Une famille qui avance au rythme de son temps, avec cette génération Facebook qui ne s’enflamme pas à la vue de Ali Benhadj qu’elle ne reconnaît d’ailleurs pas.
S. A.-I.

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