De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed
Un troisième rassemblement a eu lieu hier à Paris. Les Algériens qui ont répondu à l’appel de la CNCD – Coordination France — se sont donné rendez-vous face à l’ambassade d’Algérie en France, dans le 8e arrondissement parisien. Si leur nombre était loin d’égaler les rassemblements précédents, celui des CRS déployés très tôt tout autour de l’ambassade était colossal et les moyens que les forces de police ont déployés étaient proprement scandaleux.
Tout autour de l’ambassade, on aurait cru à un quartier assiégé. Un nombre incalculable de camions, en uniforme et certains en civil, ils ont cerné, non seulement le quartier de l’ambassade, mais toutes les rues adjacentes et carrément fermé l’accès par le parc Monceau, obligeant ceux qui voulaient rejoindre le rassemblement à faire des kilomètres pour y parvenir. L’agressivité avec laquelle ils ont bousculé les présents sur les lieux ne s’expliquait pas. Mieux encore, alors que les organisateurs avaient en leur possession – et l’ont exhibée — une autorisation préfectorale pour un rassemblement «place de Rio de Janeiro» — face à l’ambassade —, les zélés du ministère de l’Intérieur ont décidé que le rassemblement devait se dérouler beaucoup plus loin, de telle sorte à ne pas déranger la quiétude des autorités diplomatiques algériennes et de telle sorte aussi qu’elles ne puissent pas avoir à portée de vue le rassemblement. C’est ainsi que malgré l’insistance des organisateurs qui ont mis sous les yeux des officiers les papiers en règle pour ce rassemblement, sans ménagement aucun, pour ne pas dire avec une brutalité inouïe, ils sommèrent les présents à aller derrière les «barricades» — terminologie que l’on croyait révolue — et terme qu’ils ont utilisé eux-mêmes pour des séries de barrières qu’ils ont installées là, empêchant toute personne de sortir du carré qu’ils ont tracé. C’est à croire que des ordres ont été donnés et si tel était le cas, par qui et pour quelle fin ? Et pourtant, l’on ne pouvait pas dire que ces CRS étaient débordés ni par le nombre ni par l’agressivité des manifestants. N’était la maîtrise des organisateurs qui ont refusé de répondre aux provocations, l’on aurait pu assister à des problèmes sérieux. Les routes bouclées avec leurs «barricades» ont naturellement bloqué beaucoup de personnes qui ont dû abandonner ne sachant quel chemin prendre. Ceci dit, l’on ne peut toutefois occulter le fait que cet appel a eu peu d’échos et la mobilisation était loin d’atteindre ses objectifs. Très peu de monde donc et il était inutile à la police française de rameuter autant de détachements. Quant à savoir pourquoi si peu de personnes ont répondu à l’appel de la Coordination France de la CNCD, l’on pourrait se contenter de cette réponse d’un de ses animateurs, Faouzi Benhabib qui, dans un texte où il s’interroge sur le décalage de la CNDC Algérie par rapport à la rue puisque apparemment celle-ci ne bouge pas, a donné cette explication : «Cette coordination a peu de moyens parce que les partis démocratiques sont encore faibles. Le multipartisme n’est que de façade et l’opposition est cooptée. Cette pseudo opposition n’est là que pour conforter la vitrine démocratique dont a besoin le système. Celui-ci a barré la route à toute émergence démocratique en interdisant toute vie démocratique réelle.» Mais comme chez tout militant irréductible, la désespérance n’est pas de mise, puisqu’il a ajouté : «Rien ne dit qu’un jour la digue ne cédera pas».
K. B.-A.