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Le point de non retour!

Tout «rentre dans l’ordre» et l’on retrouve nos dirigeants arabes dans la sanglante magnanimité à «traiter» leurs peuples. De la répression revancharde d’El Gueddafi contre son peuple, à l’assaut tout aussi meurtrier de la police bahreïnie contre les manifestants, tout cela sonne comme la fin de la récréation pour les autres «révolutions» arabes en cours. Le flottement de la «communauté internationale» à prendre une décision dans un sens ou dans l’autre, semble avoir remis sur rail El Gueddafi et ses pairs. Faut-il dès lors mettre le succès des révoltes tunisienne et égyptienne dans l’ordre de l’exception à la règle? Sans doute pas, d’autant plus que désormais il y aura l’avant et l’après- «Révolution des Jasmins» qu’aucun pouvoir, aussi autoritaire fût-il, ne peut gommer. En fait, les dirigeants arabes sont appelés à jeter du lest et, d’une manière ou d’une autre, ouvrir le partage du pouvoir aux catégories sociales. Les convulsions du Monde arabe ont, à tout le moins, marqué le trépas de la présidence à vie, probablement aussi celui de la monarchie absolue. Le changement sera vraisemblablement plus lent (ou plus long) qu’il ne l’a été en Tunisie et en Egypte, mais il aura lieu (avec? ou) contre les actuels tenants du pouvoir. Une question de temps. De fait, même dans l’hypothèse où El Gueddafi parvenait à rétablir son pouvoir sur la Libye, cela ne sera pour lui (et son clan) qu’un sursis, car ses jours à la tête de ce pays sont comptés. Politiquement, El Gueddafi est mort et sa «légitimité» - si légitimité il y a - il ne la tient que du fait de sa puissance de feu qui a écrasé un peuple désarmé. Il y a désormais un fleuve de sang - infranchissable - entre lui et les peuples de Benghazi, d’Ajdabiya, de Ras Lanouf, de Misrata, de Brega, de Zawiya, de Zouara et de toutes les villes et villages martyrs de Libye que le «fou» de Tripoli n’hésita pas à écraser de ses bombes pour maintenir sur «son» peuple un pouvoir qu’il disait «moral». D’ailleurs, dans un discours, mardi soir, il jura «d’écraser l’ennemi». Quand un dirigeant traite «son» peuple d’ennemi, que lui reste-t-il encore à diriger? C’est le même cas de figure au Bahreïn où la dynastie régnante des Al-Khalifa (elle dirige ce petit pays depuis 250 ans) a donné hier l’assaut contre les manifestants qui occupent la place de La Perle, depuis un mois. Là encore, le pouvoir monarchique absolu a choisi comme solution la force quand il lui était encore possible de dialoguer avec l’opposition. Si les dictateurs de Tunis et du Caire sont tombés, d’autres sont encore en place dans le Monde arabe alors que la rue gronde à Sanaa, à Alger, à Rabat, à Amman mettant de fait en sursis des pouvoirs qui n’ont plus de choix que celui de se réformer ou de laisser la place. Il ne faut pas s’y tromper, un retour en arrière est dorénavant devenu une utopie pour des pays arabes qui n’ont pas su saisir leur chance quand il était encore possible de transiger, de trouver des voies médianes pour donner à la société civile, aux représentants «authentiques» du peuple (cela mérite d’être souligné) de participer à la mise en place d’une nouvelle gouvernance réhabilitant les libertés collectives et individuelles, protégeant les droits de l’homme, comme de libérer l’expression. Cela n’a pas été le cas.
Bien au contraire, ici et là, nous avons assisté à la naissance de dynasties familiales où la république était offerte en héritage aux rejetons des despotes en place. Alors que partout ailleurs, le monde bougeait, que la démocratie gagnait du terrain, les dirigeants arabes demeuraient sourds à ces bouleversements géostratégiques, qui leur passaient au-dessus de la tête, s’estimant non concernés.
Engoncés dans leur archaïsme, les potentats arabes (dictateurs et monarques) n’ont pas vu venir la bourrasque qui emporta Ben Ali et Moubarak. Il est maintenant trop tard, l’ordre ancien s’est écroulé à Tunis et au Caire, les despotes arabes doivent s’en convaincre. Le point de non-retour est désormais bien dépassé.

N.KRIM

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