Hier, les victimes du terrorisme étaient bien plus nombreuses que les deux fois passées. Rassemblés par dizaines en face de l’hôtel Safir (ex-Aletti), mitoyen au siège de l’Assemblée populaire nationale (APN), les manifestants ont décrié, y compris les organisations qui les représentent, se disant déterminés à aller jusqu’au bout de leur revendication : avoir un «statut».
Lyas Hallas - Alger (Le Soir) - «Nous manifesterons, dimanche prochain, devant la présidence de la République, et si Bouteflika ne nous recevra pas, nous irons à l’ambassade des Etats-Unis demander justice à Obama», s’agite une dame, la quarantaine, ayant perdu son mari durant la folie meurtrière des années 1990. Or, c’était plutôt l’amertume qui les a poussées à investir la rue. Dommages collatéraux de la décennie noire, mères et veuves de militaires morts en service commandé, handicapés de l’armée ou autres patriotes, ils s’accordent sur un principe : «Nous voulons un statut qui nous réhabilite et nous garantisse nos droits légitimes.» Signe des temps, ces victimes du terrorisme ont manifesté deux dimanches de suite sans que personne n’en parle. «Nous n’étions pas assez nombreux et les journalistes nous avaient pris pour les familles des disparus. Ainsi, nos manifestations sont passées inaperçues», tente d’expliquer la veuve d’un confrère de l’Hebdo libéré, lâchement assassiné par les terroristes. Bref, les manifestants ont brandi des pancartes portant des slogans comme «Achevez le projet de la réconciliation nationale par une loi spécifique aux victimes civiles du terrorisme», ou encore, «Donnez-nous nos droits»… Mais surtout, ils se sont démarqués des organisations qui les représentent. «On en a marre de ces organisations, leurs dirigeants se sont enrichis sur notre dos et nous ont réduits à des mendiants réclamant du pain. A vrai dire, ils ont troqué la cause contre des bourses d’études à l’étranger pour leurs enfants. Cette fois-ci, nous ne laisseront personne récupérer notre mouvement», assène, dépressive, la mère de deux policiers, morts également en service commandé. D’anciens militaires, des invalides de l’armée et des patriotes, venus de partout, de Bouira, Relizane… ont pris part à ce rassemblement. Ces derniers n’arrivent pas à concevoir que des repentis continuent à les narguer. «Mon voisin, repenti de son état ayant bénéficié d’indemnités conséquentes, m’intimide justement avec ses «qu’est-ce que t’as gagné de tes années sous les drapeaux ?». «Y a-t-il plus frustrant que ça pour moi, qui ne dispose même pas d’une pension ?», s’interroge un ancien militaire. Les policiers mobilisés pour encadrer le rassemblement n’ont, en tout cas, pas trouvé de difficultés pour s’acquitter de leur tâche. Le rassemblement était pacifique et les manifestants n’ont pas fait de bruit.
L. H.