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L’oeil du maître



«La pire des démocraties est de loin préférable à la meilleure des démocraties.»
Ruy Barbosa

Au moment où c’est l’Occident qui décide du temps qu’il va faire sous les cieux du Sud, un internaute perspicace a cru bon de nous rappeler que jamais les nations capitalistes n’ont éprouvé la moindre solidarité envers les pays du tiers-monde et que seuls leurs intérêts matériels entrent en ligne de compte: ils n’ont qu’un seul but, c’est de pomper les matières premières et énergétiques au prix qu’ils ont décidé eux. Pour cela, ils distribuent les qualificatifs qui leur plaisent et classent les régimes selon leurs amitiés profondes. Car, quelle différence y aurait-il entre une monarchie du Golfe qui contrôle des puits de pétrole pour le plus grand bien d’une famille royale et un tyran libyen? C’est que la première a été placée par la nation la plus impérialiste du monde: le Royaume-Uni, et le second s’est placé lui-même. Qui a tué le plus de civils innocents: Sharon ou George Bush?
Il ne faut surtout pas croire que les peuples ont un goût pour les dictatures et dire par facilité que chaque peuple mérite le régime qui le gouverne. Non! Je pense qu’il y a dictateur et dictateur. Il y a des dictateurs qui sont imposés par une mouvance interne et qui oeuvrent à la promotion et au développement de leur pays. Ils se situent en général au-dessus des partis ou créent le leur pour avoir un organe, un outil de communication efficace. Ils sont généralement modestes, ont mené une carrière de militants honnêtes et sincères. Ils sont ascètes et ne possèdent pas de fortune personnelle qui les exposerait à l’envie, aux critiques ou aux accusations d’une opposition qui manque d’arguments. La deuxième catégorie, la plus haïssable, est celle des potentats parachutés par des forces extérieures, par des lobbies financiers étrangers ou, dans le pire des cas, assis par une force armée étrangère. Ceux-là n’ont aucun alibi pour se faire valoir auprès des peuples qu’ils exploitent au bénéfice des intérêts extérieurs. Ils finissent tous, déconsidérés, assassinés ou décèdent dans le mépris total des masses populaires. Les exemples sont nombreux au XXe siècle et il serait vain de les énumérer tous tant ils ont été nombreux. Mais la propagande occidentale qui sait, fort à propos, fustiger les dictateurs qui ont dérangé les intérêts économiques des pays de l’Otan, sait fermer l’oeil (et le bon) quand il s’agit de dictateurs qui sont à la solde des multinationales. Tout le monde connaît la fameuse anecdote du président intérimaire des USA, Gérald Ford, présentant à son successeur, Jimmy Carter, le dictateur de sinistre renommée, Somoza. Interloqué, Jimmy Carter a fait remarquer: «Mais, c’est un fils de p...!» «Oui, mais, c’est un fils de p...à nous!» lui répondit G. Ford. Cette réplique est suffisamment éloquente pour qualifier les rapports entre pays impérialistes et des régimes dirigés par des hommes de main. Toi qui es cinéphile, je ne sais pas si tu as la chance d’avoir vu, comme moi, un film diffusé par Canal+ (c’était à l’époque glorieuse des cartes pirates à bon marché!): un comédien de deuxième catégorie d’une minable troupe théâtrale américaine qui fait une tournée dans un pays latino-américain, ressemble étrangement au dictateur fantasque qui gouverne ce pays avec une armée d’opérette qui sert tout juste à opprimer le peuple. Le dictateur décède et les décideurs du lieu enjoignent au comédien de le remplacer pour quelques jours. Le saltimbanque découvre alors que le pays est, de fait, dirigé par une équipe d’anciens nazis fortunés, réfugiés dans ce pays qu’ils ont mis sous coupe réglée. Tu remplaces les nazis (car il est toujours de bon ton de frapper sur les nazis, c’est comme fusiller un pendu), par les financiers, les représentants des multinationales, et tu as la physionomie de beaucoup de gouvernements du tiers-monde. Je suis sûr qu’il y a du vrai dans cela, et qu’un homme seul, ne peut exercer longtemps une dictature. La pire des dictatures est bien celle de l’argent: c’est elle qui gouverne le monde et motive les hommes politiques.

Selim M’SILI

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