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Les journalistes, cibles de la répression en période de réveil démocratique

Reporters sans frontières remarque avec inquiétude que de nombreux journalistes sont visés en priorité par les forces de sécurité ou empêchés de faire leur travail en marge de manifestations pour demander plus de liberté en Irak, en Algérie, au Yémen, au Bahrein et en Libye.

« Les gouvernements malmenés au Maghreb et au Moyen-Orient ont recours à l’intimidation et à la violence contre les journalistes pour empêcher la couverture médiatique des manifestations inspirées par les événements récents en Égypte et en Tunisie. Nous appelons les autorités concernées à respecter le travail de la presse. Les populations de ces différents pays sont en droit de recevoir une information impartiale et indépendante », a déclaré Reporters sans frontières.

IRAK

Une série de manifestations a été organisée le 10 février 2011, pour exiger de meilleurs services sociaux, des prix alimentaires stables et des enquêtes sur les affaires de corruption. En marge du rassemblement organisé à Samawah, dans le gouvernorat d’Al-Muthanna, le correspondant de la chaîne Al-Sharqia, Hassan Khazali, a été traîné de force dans un immeuble par des inconnus. Une partie de son équipement a été confisquée et les images effacées de sa caméra. Une équipe de la chaîne satellite Al-Hurra a, quant à elle, été interdite d’accéder au lieu de la manifestation. Les agents de sécurité stationnés aux postes de contrôle, à l’entrée de la ville, avaient reçu l’ordre de filtrer les journalistes.

Le Kurdistan irakien est également touché par des affrontements entre opposants et partisans du Parti démocratique du Kurdistan (KDP), parti au pouvoir dans la province. De manière générale, le gouvernement refuse aux journalistes l’entrée aux hôpitaux et la prise de photos pour mener leurs reportages sur les manifestations à Souleimaniye. Le 17 février, Hemin Latif, journaliste du hebdomadaire de l’Union patriotique du Kurdistan (PUK), Chawder, a été gravement blessé alors qu’il prenait des photos d’une attaque de manifestants contre le siège local du KDP. Alan Muhamad, photographe de l’agence irakienne Metrography a également été blessé. Les affrontements dans la ville ont fait cinq morts et environ quarante blessés. Les forces de sécurité ont frappé un journaliste de la chaîne satellitaire irakienne Alsumaria. Les journalistes du bi-hebdomadaire Hawllati ont dû quitter leur bureau pour des raison de sécurité. Situé près du bâtiment du KDP, les journalistes rapportent que des Peshmergas, guerriers kurdes, ont tiré au hasard sur leur bureau.

ALGERIE

En Algérie, plusieurs journalistes couvrant les manifestations du 12 février à Alger et dans d’autres villes du pays ont été fouillés et interpellés par la police anti-émeute. La résistance à ces interpellations leur a valu d’être passés à tabac. Selon le syndicat national des journalistes algériens, des journalistes ont été "violemment pris à partie par des policiers particulièrement prompts à user de la matraque". Certains d’entre eux ont été détenus pendant plusieurs heures.

YEMEN

Au Yémen, plusieurs journalistes ont été attaqués en marge des cortèges qui se sont tenus le 11 et le 14 février à Sanaa pour célébrer la chute du président égyptien Hosni Moubarak et réclamer la démission du gouvernement du président Ali Abdullah Saleh . Des caméras ont été confisquées et détruites, des cartes mémoires vidées. Certains journalistes ont subi des violentes agressions. (lire : http://fr.rsf.org/attaques-contre-des-journalistes-14-02-2011,39551.html)

Les manifestations se sont poursuivies le 16 février. Hassan Wataf, un photographe d’Associated Press, a été agressé avec un Jambiya, un sabre yéménite traditionnel, alors qu’il couvrait les protestations étudiantes dans la capitale. Sa caméra a été confisquée. Un cameraman d’Al-Arabiya, Abdullah Abdul Al-Qoua Al-Soufi, a été frappé par des partisans du régime dans une rue déserte. Sa caméra a été brisé. Un soldat lui a porté assistance. Le 17 février, un photographe de l’European Pressphoto Agency (EPA), Yahya Arhab, a été attaqué par une douzaine de casseurs en marge d’une manifestation à Sanaa. Son appareil photo a été confisqué. Adel Abdel Mughni, reporter pour le journal local d’opposition Al-Wahdawi, a été frappé et sa caméra lui a été volé. Un cameraman d’Al-Jazeera, Samir Nimri, ainsi que le photographe Ahmad Ghrasi de l’AFP ont été agressés et leurs caméras cassées. Un correspondant de Reuters, Ammar Awad, a été battu dans les rues de Sanaa.

BAHREIN

La vitesse d’Internet a été ralentie en vue d’entraver le téléchargement de vidéos et la diffusion en direct de la manifestation, et de rendre la navigation web plus difficile. Le gouvernement a également eu recours au blocage de comptes de Bambuser, une plateforme internet de streaming qui permet aux utilisateurs de partager en direct des vidéos prises avec leurs téléphones portables. Des pages Youtube contenant des vidéos sur les récentes manifestations ont été bloquées (ex. de vidéos bloquées : http://www.youtube.com/watch?v=aJWmc0Y4mZ0&feature=youtu.be )

Le compte Twitter @Nabeelrajab, appartenant au vice-président du Centre du Bahreïn pour les droits de l’homme, a été censuré. Le 17 février, Miguel Marquez, journaliste américain de la chaîne ABC, a été passé à tabac sur la place de la Perle dans la capitale, alors qu’il était au téléphone avec sa rédaction. Sa caméra a été confisquée. Le 18 février, plusieurs journalistes étrangers se sont vu refuser l’entrée au pays à l’aéroport de Manama.

LIBYE

En Libye, des affrontements ont eu lieu à Benghazi (la deuxième ville du pays, 1.000 km à l’est de Tripoli) entre des manifestants de l’opposition et des partisans du dirigeant libyen Mouamar Khadafi le 16 février. Trente-huit personnes ont été blessées lors de la dispersion de la foule. L’organisation libyenne Human Rights Solidarity, basée à Genève, déplore l’absence complète de médias libres et indépendants dans le pays et plusieurs attaques contre des sites Internet libyens hébergés à l’étranger, qu’elle soupçonne commanditées par le régime libyen.

Le 16 février, les forces de sécurité intérieure ont interpellé le directeur du site d’information local Irasa, Taqi al-Din al-Chalawi, et le rédacteur en chef du site, Abdel Fattah Bourwaq, selon le quotidien Libya Al-Youm. Le même jour, le bloggeur Mohammed al-Ashim Masmari a été arrêté et son ordinateur confisqué après avoir témoigné sur les manifestations sur plusieurs chaînes satellitaires arabes tels que la BBC en arabe et Al-Jazeera. La chaîne qatarie est officiellement exclue du réseau câblé de télévision, mais serait toujours disponible par satellite. Pour contrer les mobilisations sociales, "les médias officiels ont orchestré une campagne contre ceux qui font du commerce avec le sang des martyrs’", selon le site d’information arabe Shaffaf. Les autorités empêchent les journalistes de circuler librement dans le pays.

Selon Arbor Networks, société spécialisée dans la surveillance du trafic internet, basée aux Etats-Unis, l’accès à l’internet a été coupé dans la nuit du 19 février. Le pouvoir chercherait ainsi à empêcher les manifestants anti-gouvernementaux de s’organiser et de communiquer entre eux, notamment via les réseaux sociaux.

En Iran aussi, les manifestations hostiles au régime se soldent par une forte répression contre les journalistes et les blogueurs. (http://fr.rsf.org/iran-recrudescence-de-la-repression-17-02-2011,39571.html)

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