Puisque des thèses “conspirationnistes” prennent prétexte de la communication erratique de la Maison-Blanche au sujet de la mort de Ben Laden, il y en a une qui mérite d’être exposée.
Obama ne l’a peut-être pas fait exprès, mais il a choisi le pire des moments pour ordonner l’attaque contre le repaire de l’initiateur historique du terrorisme islamiste : au moment où le parrain d’Al-Qaïda mourait de sa plus belle mort, anéanti par le jeune Bouzidi en Tunisie et progressivement achevé par la jeunesse égyptienne, yéménite, syrienne et qu’on attendait que d’autres peuples musulmans en finissent avec la voie de la haine et du meurtre pour prendre celle de la liberté.
Le président américain avait sûrement hâte de couvrir son incapacité à tenir la promesse de fermer Guantanamo, de rendre justice à ses concitoyens victimes de l’attentat du 11 Septembre et de relancer à la hausse sa cote de popularité à la veille d’une campagne électorale. Mais ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas tenu compte de l’impact de sa décision sur le mouvement révolutionnaire démocratique qui traverse le monde dit arabe.
Les tergiversations et les tâtonnements communicationnels montrent que l’impréparation n’a épargné que le seul message adressé aux Américains la nuit de la liquidation de Ben Laden.
Tout, par la suite, n’était qu’hésitation et improvisation.
D’abord, cette histoire d’immersion du cadavre. Des chapelles intégristes, en particulier El-Azhar, matrice connue de la théorie de l’intolérance islamiste et… la Mosquée de Paris, girouette doctrinale imprévisible, en ont profité pour crier au sacrilège et rappeler qu’un musulman doit être enterré. Puisqu’on peut être musulman et revendiquer le statut de musulman pour le sponsor et inspirateur du terrorisme international, voici l’accroche toute trouvée par les intégristes pour se recompter face à la profanation américaine ! Et à Obama de jurer avoir respecté le rite musulman avant de larguer le cadavre de Ben Laden dans l’océan. Comble d’ironie, c’est à l’aune du traitement de la dépouille du chef terroriste – encore qu’on ne puisse pas lui contester le droit de le pourchasser – qu’est évalué le rapport des États-Unis aux musulmans !
De même qu’au temps de Bush, l’exécution de Saddam un jour de l’Aïd a longtemps fait oublier le funeste bilan du dictateur.
Et si l’outrage de l’immersion ne suffisait pas à détourner l’opinion musulmane de la problématique de l’heure – la promotion démocratique de leur pays devenue enfin possible –, il y a cette photo que la Maison-Blanche a trouvé impubliable parce qu’elle-même la juge “horrible” à voir. Rien qu’en Algérie, nous avons des dizaines de milliers de photos “horribles” des victimes des exécutants de Ben Laden. Leurs sites n’ont pas hésité à les exposer au regard universel. Al-Qaïda, ses tueurs et ses sympathisants comptent sur l’horreur et sur la peur pour nous dresser à sa crainte et se moquent de nous savoir horrifiés par leurs crimes.
Tout se passe comme si l’Occident n’était fasciné que par la monstruosité intégriste survenue en nous. Alors, Monsieur Obama, vous qui avez quelques alliés arabes à défendre contre le désir de changement de leur peuple, dites-nous : voulez-vous qu’on continue à s’attarder sur le cas Ben Laden ou qu’on se concentre sur la revendication démocratique des peuples des pays musulmans ?
M. H.
musthammouche@yahoo.fr