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L’“isolement” des victimes des actes d’enlèvement “isolés”

 

Par : Mustapha Hammouche

Le ministre de l’Intérieur a largement dépassé son prédécesseur dans l’art de la déclaration à l’emporte-pièce. “Ce sont des cas isolés”, a-t-il dit, par exemple au sujet des enlèvements avec rançon dont se plaignent des citoyens de Kabylie, ajoutant que ce n’est pas la seule région touchée par le phénomène.
Heureusement que les cas de rapts sont “isolés”, éparpillés dans le temps et dans l’espace et qu’on ne nous kidnappe pas encore tous les jours ou par villages entiers ! C’est moins grave que les massacres collectifs et les enlèvements de femmes, dirait-on. D’ailleurs, cela n’a pas existé, puisque personne n’a payé pour ces crimes. Il n’y a plus que quelques ennemis de “la paix” et de la “réconciliation” pour s’en rappeler.
Alors s’attarder sur des cas d’enlèvement isolés, comme le fait remarquer le ministre, se voulant rassurant. Mais tous les crimes sont des cas isolés ! Alors, pourquoi s’effaroucher des universitaires qu’on assassine çà et là, des viols occasionnels, de la drogue qui se faufile jusque dans les cours d’école, des détournements sporadiques… ?
En même temps, Daho Ould Kablia semble agacé de voir la Kabylie s’agiter contre le fléau : tout en minimisant la gravité de cette pratique de kidnapping qu’il dit rare, il nous apprend que cela se passe ailleurs et que donc ce n’est pas si isolé que ça. Bref, ce n’est pas courant mais c’est répandu.
Mais Daho Ould Kablia avait-il quelque chose d’autre à répondre qui puisse rassurer des populations désarmées. Le jour où le pouvoir a fait le choix de proclamer arbitrairement “la paix revenue” et décrété la “réconciliation” effective, il avait cessé d’évaluer le risque sécuritaire. Il avait troqué la vision réaliste contre le discours magique. On ne peut pas demander à un pouvoir de protéger “les cas isolés” alors qu’il n’arrive pas à assurer la sécurité totale de ses cantonnements de troupes. Daho Ould Kablia expliquait lui-même que le bilan sanglant de l’attaque du camp d’Azazga était rendu possible à cause d’une baisse de vigilance des hommes. Mais d’où vient la baisse de vigilance ? Du discours sur “la paix revenue” : on ne peut pas demander aux mêmes protagonistes de fraterniser et de se faire la guerre ! Le personnel politique peut assumer le mode de vie schizophrène, mais pas le simple citoyen.
Les effets de l’impuissance à faire la paix avec les terroristes sont aggravés par l’impuissance à mobiliser les moyens de défense contre le terrorisme. Il ne reste plus que la fuite en avant, dans une guerre sourde inavouée, doublée d’une cascade de largesses idéologiques gratuites à l’islamisme : la télévision et l’école diffusent l’idéologie de l’exclusion et de la violence, les walis rivalisent d’initiatives ; un jour celui de Béjaïa qui s’en prend aux chrétiens ; le lendemain, celui de Bordj Bou-Arréridj prohibe l’alcool sur “son” territoire…
À ceux qui redoutent l’attentat ou l’enlèvement, il ne leur reste qu’à se mettre à l’abri dans la capitale, puisqu’il n’est pas question, pour le pouvoir de tolérer le risque sécuritaire à Alger. Plus que l’acte terroriste, l’“isolé”, c’est la victime qui ne doit pas se défendre parce que “la réconciliation” est en marche ; l’“isolé” c’est celui qui évolue en dehors des espaces sécurisés.

M. H.
musthammouche@yahoo.fr 

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