Pour Me Aït Larbi Mokrane, le fond juridique et ses mécanismes sont entièrement à revoir. Quant à la forme ! Selon lui, les textes juridiques sont bons et offrent une palette de recours sur lesquels peuvent s’appuyer les victimes.
D’ailleurs, le crime de torture a été introduit depuis 2006 dans le code pénal algérien et offre l’occasion au gardé à vue, qui aurait subi des traitements affligeants, de porter un recours auprès du tribunal compétent. Mais dans les faits, qui peut le faire ? Qui l’a déjà fait ? Quel procureur aurait l’audace d’auditionner des officiers de police judiciaire pour torture sur un prévenu ? Les hiérarchies sont inversées et l’ordre bouleversé. «Quand on sait qu’un magistrat, lorsqu’il est nommé à son poste, est convoqué par la police pour permettre aux officiers d’établir une fiche de renseignements, on se demande qui a le plus de pouvoir. Convoquer un magistrat à un commissariat ! Un magistrat qui, demain, donnera des ordres à ces mêmes officiers !».
L’avocat ne veut pas parler des incohérences du code quand le minima juridique n’est pas garanti : «On entend le DGSN se prononcer sur l’obligation d’accorder à un prévenu une douche au moins tous les deux jours ! Alors que très souvent, ces prévenus sont torturés, les droits de la défense pas respectés ! On se moque de qui ?». Les procureurs tout comme les officiers de police judiciaires sont dans une logique de carrière et sont prêts à se plier aux instructions données par la chancellerie ou le garde des Sceaux. Les magistrats du siège n’ont pas l’audace nécessaire pour faire appliquer en droit certaines décisions dont l’impact médiatique est fort. «Les magistrats de la Cour suprême devraient être nommés suite à un parcours élogieux et riche d’expériences, mais très souvent, c’est une voie de garage. Il suffit qu’on veuille se débarrasser de quelqu’un pour le plaquer à la Cour suprême. Et ceux qui ont envie d’être tranquilles agissent sur certaines de leurs relations pour accéder à la Cour suprême pour passer des jours tranquilles», explique en substance Me Aït Larbi.
La Cour suprême, haute cour devant juger en droit et non dans les faits, se retrouve avec quelques dizaines de milliers d’affaires à juger. «Cela fait deux ans que nous avons fait un recours sur l’affaire Khalifa devant la Cour suprême et il n’y a toujours aucun attendu», poursuit l’avocat. La jurisprudence est éteinte et les mécanismes de recours sont rouillés. La place du citoyen algérien ? Minime. «Il faut savoir que seuls les présidents des deux chambres (Parlement et Sénat) et le président de la République peuvent faire un recours devant le Conseil constitutionnel. En Allemagne, un simple citoyen comme vous et comme moi a la possibilité d’actionner un recours de constitutionnalité devant un tribunal parce qu’il estime qu’une règle qui vient d’être édictée et qui lui est applicable est anticonstitutionnelle !», stipule Me Mokrane Aït Larbi