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La partie visible de l’iceberg

La commission Bensalah sur les réformes politiques

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Le véritable débat sur la nature et la portée des réformes politiques à engager dans le pays se déroule-t-il ailleurs qu’au sein de la commission officielle présidée par le président du Sénat, Abdelkader Bensalah ?

Quand on lit les déclarations peu élogieuses de l’ancien président du Haut-Comité d’Etat (HCE), Ali Kafi, sur le dialogue tel qu’il est organisé et sur le bilan de la gestion Bouteflika, tout incline à penser que le chapiteau qui doit abriter et arbitrer les consultations sur les réformes n’est pas encore dressé. Le dialogue en cours en cacherait-il un autre – décisif celui-là – qui se déroulerait dans l’ombre ? Il y a, en effet, d’un côté les consultations officielles menées au pas de charge par Bensalah et ses deux collaborateurs,  tous désignés par le président Bouteflika, qui reçoivent sans discontinuer, pêle-mêle : représentants de partis politiques, personnalités nationales ou présentées comme telles, responsables du mouvement associatif actifs sur la scène nationale ou éternels opportunistes n’apparaissant que dans des conjonctures propices à la distribution de prébendes.

Il y a, de l’autre côté, les voix dissonantes qui ont décliné l’invitation de la commission Bensalah et qui se sont vues, de facto, ignorées par la télévision et les médias publics ne trouvant que certains titres de la presse privée pour répercuter leurs messages. Entre ces deux courants, une troisième voie s’est affirmée dans ce débat qui part décidément dans tous les sens. Elle est incarnée par des personnalités censées être en rupture de ban avec le pouvoir pour certains ou, pour d’autres, évoluant à la lisière de ce pouvoir avec lequel elles n’ont, en vérité, jamais rompu les amarres. C’est le cas de l’ancien Premier ministre Sid Ahmed Ghozali, de l’ancien ministre de la Défense nationale Khaled Nezzar, ainsi que de l’ancien secrétaire général du FLN Abdelhamid Mehri qui ont préféré, chacun avec ses arguments et son «plan de bataille», faire le déplacement à la présidence de la République pour y exposer, de vive voix, leurs visions respectives des réformes devant la commission Bensalah. Indépendamment du contenu des propositions faites par ces personnalités, il est un fait que leur émargement au bas de la liste des invités de la commission Bensalah est perçu par cette structure comme une aubaine, un appel d’air frais pour donner au travail de la commission un zeste de crédibilité.


Et si la commission Bensalah n’était que la partie visible de l’iceberg du débat sur les réformes, dont les contours apparaissent, en l’état actuel des choses, flous et insaisissables ? On crée un simulacre de dialogue avec des acteurs de divers horizons pour sacrifier aux convenances démocratiques imposées par l’actualité politique régionale tout en reconnaissant les limites des prérogatives de cette commission puisque dès le départ, on n’a pas écarté l’idée de voir ce dialogue prendre une autre forme lorsque la commission Bensalah aura achevé sa mission. Tout laisse croire que cette seconde phase du dialogue est déjà en train de s’ébaucher par petites touches, confirmant ainsi que la commission Bensalah n’est rien d’autre qu’un théâtre d’ombres chinoises où l’on voit des acteurs s’agiter et amuser la galerie pendant que les véritables concepteurs du spectacle et les acteurs de premier plan s’attellent, derrière le rideau, à mettre au point la représentation finale.


Certains de ces acteurs ont choisi de descendre dans l’arène et d’agir à visage découvert, tout en prenant soin d’enrober leurs propositions dans un emballage avenant pour ne pas être suspectés de caresser des desseins politiques malveillants.
C’est le sens que les observateurs ont donné à l’incursion de Mehri dans le débat.
Un pied dans le système, un autre dans l’opposition-maison. En acceptant de prendre part au dialogue, Mehri se démarque des parties qui ont boycotté la commission Bensalah, y compris des sensibilités politiques dont il se dit proche comme le FFS de Aït Ahmed, mais tout en saisissant cette tribune politique pour tenter de recadrer le débat tant du point de vue de la démarche qui doit sous-tendre le dialogue sur les réformes que des objectifs politiques qu’il assigne à ces réformes. L’idée de la conférence nationale sans exclusive – allusion aux islamistes – dont il s’est fait l’avocat lors de sa rencontre avec les membres de la commission Bensalah trouvera-t-elle un écho favorable auprès de Bouteflika et des décideurs ?

Faire une telle proposition, c’est déjà reconnaître que la commission Bensalah est inopérante. Il reste que pour qui connaît l’habileté politique de Abdelhamid Mehri qui ne s’aventure jamais en terrain hostile et miné, lui qui n’entreprend rien s’il n’a pas de visibilité maximum, il est à se demander s’il ne vole pas au secours du pouvoir pour animer ou réanimer le projet de réformes qui bat de l’aile. Cela, de manière consentante ou par défaut. Parce qu’il trouve, lui aussi, quelque part son compte dans ce scénario politique qui se décline comme le dernier acte dans la voie de la politique de réconciliation nationale qui demeure à ses yeux inachevée avec les différentes lois y afférentes promulguées en la matière. Et on peut pousser le bouchon plus loin encore sans verser dans la paranoïa politique en se demandant si Mehri n’a pas été investi d’une mission para-officielle de sauver le dialogue en cours en plaçant le dossier de la réconciliation nationale chère à Bouteflika au cœur du débat sur les réformes politiques.

Le moins que l’on puisse dire est que le pouvoir devra arbitrer entre des positions qui sont loin d’être solubles les unes dans les autres. En politique – et c’est d’autant plus vrai dans les pays non démocratiques – les arbitrages politiques ne sont pas le fruit d’une saine compétition dans un jeu politique et institutionnel démocratique classique, mais le résultat d’un jeu d’influence, d’un rapport de forces entre clans du pouvoir.
Pour le moment, la partie se joue à huis clos, sans arbitre et sans galerie ; l’opinion publique étant maintenue en dehors du débat. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les Algériens ne veulent pas de changement ou de réformes. On a vu, à travers les expériences des révolutions arabes, de quoi sont capables les peuples quand la coupe est pleine.

Omar Berbiche

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