Par : Mustapha Hammouche
Le directeur général des douanes vient de nous apprendre que 65% des marchandises importées sont des imitations !
Le problème n’est pas tant dans cette réalité des choses, tant nous savions déjà que le pays a été transformé, ces dix dernières années, en bazar pour économies de contrefaçon. Il est surtout dans le fait que le garde-frontière de l’économie nationale l’annonce, ainsi, sur le ton du simple constat, comme si la situation ne devait point prêter à conséquence. Comme s’il suffisait d’invoquer la culpabilité des “importateurs véreux” pour se… dédouaner de sa responsabilité institutionnelle.
Les douanes n’ont pas pour rôle de nous informer, d’informer le consommateur sur le niveau d’abus dont il est victime, mais de l’en prémunir. Bouderbala aurait donc dû nous faire part des mesures qu’il compte mettre en œuvre pour ce faire. À moins que, dans la réalité, son institution n’ait pas les prérogatives ou les moyens d’empêcher ce trafic. Plus grave que de raison, le directeur général des douanes nous avise que, non seulement, nous sommes trompés dans les articles de téléphonie, d’électroménager, mais aussi dans les médicaments et dans les cosmétiques qui sont aussi des produits de soin corporel. En d’autres termes, nos malades sont escroqués sous le regard d’un État impuissant à juguler l’arnaque, sinon passif.
Car, enfin, l’argument des “importateurs véreux” ne suffit pas à justifier cette “bazardisation” massive du marché de consommation, puisque l’opération d’importation constitue l’acte le plus rigoureusement réglementé de l’activité économique nationale. Ces “importateurs véreux” ne sont tout de même pas clandestins, particulièrement dans le médicament, quand on connaît les critères “politiques” qui autorisent l’accès à cette activité. Ce domaine du commerce international est informellement mais strictement réservé !
Il n’était donc pas étonnant alors que ce pouvoir des oligopoles sur la “libre importation” allait s’accompagner du pouvoir de neutraliser des fonctions de contrôle de qualité et de conformité. Inutile de nous montrer du doigt des “importateurs véreux” si, en même temps, ils restent hors de portée de la réglementation et ont ostensiblement pignon sur rue.
L’État a bien vu les sources d’approvisionnement se déplacer des États-Unis et de l’Europe vers la Chine, la Turquie, Dubaï, l’Inde ou la Jordanie. Même l’investissement public en matière d’équipements, y compris dans les télécommunications et la pétrochimie, est proposé à des opérateurs issus d’économies nouvelles venues à la technologie. Comme le montre la multiplication de scandales autour de contrats internationaux, les pratiques corruptives ne sont pas toujours étrangères à ce recours tendanciel aux technologies de deuxième main. Si, en plus, on peut satisfaire les besoins du consommateur local à moindre prix, on ne se fait pas trop regardant sur la qualité de ce qui lui parvient. La paix civile n’a pas de prix.
Finalement, la camelote qui tient lieu d’offre commerciale au consommateur ne relève pas de la seule force de quelques esprits véreux et malins, mais d’un modèle économique qui augmente le pouvoir des opérateurs politiquement agréés et affaiblit l’autorité de la fonction de contrôle. La consommation de contrefaçon est inhérente au système rentier
M. H.
musthammouche@yahoo.fr