Après trois jours de grève, Azazga a marché. Le drame qui a notamment frappé la famille du jeune Dial ne pouvait que susciter la douleur et l’incompréhension qu’engendre toute bavure. S’il ne s’agissait que de l’effet tragique d’une méprise.
Car les évènements d’Azazga, tels que les témoignages en rapportent le déroulement, ne correspondent pas à ce risque de bavure intégré par toute institution disposant de la prérogative de la violence légitime de l’état. Ils imposent alors immédiatement quelques interrogations sur l’institution de lutte contre le terrorisme et, plus globalement, de défense nationale.
En premier lieu, on peut observer que les troupes évoluent à l’aveugle en toute méconnaissance sociopolitique du terrain : pas besoin de développer des prodiges de renseignements pour savoir que les habitants du secteur ne peuvent être suspectés de connivence avec un acte terroriste. Cela aurait évité à l’ANP d’attaquer à l’arme lourde les domiciles du fils et du beau-frère d’un ancien officier de l’ALN.
En second lieu, le déchaînement de violence qui a suivi l’attentat semble être devenu incontrôlable : selon les témoignages, passants, personnel de l’hôpital, riverains, chacun y a pris pour son grade. Même le militaire — indépendamment de la relation hiérarchique — qui voulait empêcher la faute de son collègue, en criant “ce n’est pas un terroriste”, n’a pas été entendu. On n’est plus dans l’acte militaire, mais dans le défoulement psychologique. D’autant plus que certains actes rapportés de pillage donnent des concernés l’image, inédite s’agissant de l’Armée algérienne, d’une unité de soudards.
En troisième lieu, la scène n’a rien à voir avec une réponse tactique à une attaque violente : les hommes s’en sont pris à tout ce qui, autour, pouvait subir leur instinct de vindicte, y compris les appareils électroménagers, et même un piano, dans une des deux villas ciblées.
Enfin, il semble que la chaîne de commandement n’était pas préparée à gérer la confusion qui suit une attaque surprise, sinon qu’elle est vite rompue quand il s’agit de riposter à une situation d’urgence tactique.
On espère infondés ces constats de profane. Mais l’interrogation s’impose quand on sait qu’un quinzaine d’amis déjeunaient, le jeudi précédent, dans la maison ciblée. Il est temps que le pouvoir se départisse du réflexe officiel qui est de toujours décharger l’auteur de la bavure aux dépens de sa victime, comme on l’a observé dans d’autres cas, et cesse d’entretenir la confusion entre la responsabilité personnelle et la responsabilité institutionnelle qui fonde tous les excès des fonctionnaires de toute échelle. L’ANP n’a pas vocation à brutaliser et d’attenter à l’intégrité et à la vie d’Algériens : les éléments qui, en son sein, se rendent coupables de crimes contre les citoyens doivent les assumer. La solidarité malsaine.
Le “qui-tue-qui”, qui a indirectement imposé l’issue équivoque de “la réconciliation nationale”, est le fruit de cette connivence malsaine entre l’individu et l’institution face à la société, perçue, elle, comme menace. Et c’est cette “réconciliation” contre-nature qui fait que le soldat et le policier ne discernent plus le terroriste du citoyen et confondent une habitation avec un refuge.
Les bavures aussi ont un fondement politique.
M. H.
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