Une indescriptible pagaille dure depuis lundi dans les aéroports d’Algérie et de France. La grève du personnel navigant est directement à la base du calvaire de milliers de passagers. Mais pourquoi une telle épreuve ne peut s’imposer — sauf catastrophe naturelle tel le nuage volcanique — qu’aux voyageurs à destination de l’Algérie ?
Le personnel, dont la légitimité de la revendication n’est pas, ici, en cause, a choisi cette période sensible de l’année, celle où les Algériens installés à l’étranger se ruent vers le pays, pour augmenter l’efficacité de son action. Il y a comme une instrumentalisation de la contrainte en termes de possibilité de retour au pays des Algériens de l’émigration. Qu’ils l’aient fait exprès ou pas, les revendicateurs ont soigneusement attendu que la clientèle potentielle ait engagé ses frais de voyages, sans possibilité de recours à une autre option de voyage, avant d’initier, par surprise, sans communication sur le préavis — si préavis il y eut — leur arrêt de travail et sans communication. Ainsi le client est ligoté par son contrat, son planning de vacances, pendant qu’il couche à même le sol à Marignane ou à Orly, victime d’un véritable guet-apens et privé de toute information sur ce qui l’attend. Voulue ou pas, objectivement, il y a une connivence entre syndicat et direction : l’argent des voyageurs bloqués est dans les caisses ; la saison n’est pas perdue !
Ce qui permet aux responsables de promettre, sans rire, à leurs clients qu’ils seront ultérieurement transportés sans… “frais supplémentaires” !
Ce cas illustre le vrai rapport au voyageur algérien et à l’émigration en particulier : le quasi-monopole permet de le traiter en proie. Pris dans les cages d’Orly, de Roissy ou de Marignane, les clients peuvent attendre ; on la bouffera avant ou après la grève. C’est, en fait, toute la politique nationale de l’air qui est fondée sur cet état de “captivité” de la clientèle. Cette politique d’état permet à Air Algérie de vivre en entreprise rentière d’un ciel verrouillé. Air France et Aigle Azur, pour exploiter des lignes entre l’Algérie et la France, sont tenues de n’offrir que ce qu’Air Algérie peut offrir.
Ce regard mercantile est, le comble, soutenu par un discours politique lénifiant en direction de “la communauté nationale à l’étranger”, avec des mises en scène promotionnelles vantant le confort du voyage et la qualité de l’accueil. Depuis lundi, les ministres chargés de “la communauté nationale à l’étranger”, des Transports, du Tourisme, plus à l’aise dans les déclarations d’avant-saison, ont laissé la parole au collègue français des Transports. Et tout le gouvernement est comme ahuri devant l’effet de sa propre politique.
Il est temps de cesser de prendre l’usager algérien pour une ressource, en devise pour certains, et de libérer l’espace aérien à la concurrence. Avec le billet le plus cher du monde sur la même distance, la clientèle nationale est la moins bien traitée. Il est temps qu’elle recouvre son droit au bénéfice des avantages de la concurrence et du développement de l’aviation civile internationale. Dans un marché sain qui offre des options au client, le scandale n’aurait pas eu lieu. C’est donc à Air Algérie d’évoluer de l’économie de la rente vers une activité et non à ses clients d’être indéfiniment livrés au diktat du dernier sovkhoz aéronautique.
M. H.