«A ceux qui disent que l’Algérie est un pays idyllique, je réponds que l’Algérie est pays invivable» (Kateb Yacine, 1986.)
Dans les années 1980, l’historien Mohamed Harbi avait écrit : «En Algérie, les chefs répriment les cadres et les cadres répriment le peuple.» Ce qu’il n’a pas dit c’est que les pères, les mères, les grands frères et grandes sœurs répriment aussi : leurs enfants, leurs petits frères et petites sœurs, etc.
Le pouvoir algérien vient d’augmenter sensiblement, à hauteur de 70%, ses forces du désordre et ses harkis administratifs sans lesquels il ne tiendrait pas 24 heures en place. Pourquoi ce pouvoir illégitime n’a-t-il pas augmenté, d’au moins d’autant : les médecins internes, le personnel navigant et au sol d’Air Algérie exemple ?
Qui est Air Algérie ? En 1990, alors que plus de 90 pilotes de cette compagnie venaient de déguerpir d’Algérie pour aller offrir leurs précieux services à d’autres compagnies aériennes qui savaient mieux apprécier leurs compétences et les rémunérer à leurs juste valeurs, nous avons mené une enquête et publié son résultat sous forme de tract qui a été massivement distribué dans des marchés fréquentés par des clients potentiels de cette honteuses et mafieuse société.
Le billet Alger-Toulouse-Alger, soit pour un trajet de trois heures allé et retour, par exemple, valait 1200 francs. Et le billet Toulouse-Lisbonne-Toulouse et Toulouse-Bruxelles- Toulouse, pour une distance plus au moins égale à Toulouse-Alger, le billet valait 950 francs. Et Toulouse-New-York-Toulouse, soit pour une distance qui nécessitait quelques 13 heures de vol allé et retour, valait 1884 francs. Nous avons estimé que les billets d’Air Algérie étaient les plus chers au monde. Les avions de cette société étaient-ils plus performants que ceux des autres ? Son personnel était-il mieux traité que ceux des sociétés concurrentes ?
Bien que je n’aie plus sous les yeux le tract de 1990, je crois pouvoir rappeler de mémoire que le traitement d’un pilote à mi-carrière d’Air Algérie était de 2500 francs et 170.000 dinars algériens. A l’époquen le franc français valait 18 dinars algériens. Ce qui faisait un traitement total mensuel de 170.000 dinars divisés par 18 = 9500 francs + 2500 francs = un total de 12000 francs. Soit moins que le salaire mensuel d’un ouvrier maçon débutant en France. Les pilotes de Tunis Air et de la Royale Air Maroc avaient un traitement mensuel supérieur à 30.000 francs. Air Inter recrutait des pilotes débutants à 60.000 francs par mois à la même époque.
Peut-être que les avions d’Air Algérie étaient-ils plus sûrs, son personnel plus accueillant leurs passagers mieux traités, les repas servis à bord plus présentables et plus délicieux que ceux des compagnies concurrentes ? Que nenni ! Les avions avaient plus de 20 ans d’âge, ils étaient et ils sont encore déglingués, leur entretien laissait à désirer, leur hygiène était répugnante, les repas, si toutefois étaient servis, étaient dégoûtants, son personnel navigant, méprisé par leur employeur, ils affichaient des mines comme si leur cercueil volant allait faire l’objet d’une catastrophe aérienne ou qu’ils enterrent un être cher.
La corruption généralisée
Pour arrondir leurs fins de mois difficiles, le personnel navigant et au sol d’Air Algérie, comme tous leurs collègues de l’administration algérienne, ne répugne pas à recourir à la plus abject des méthodes, au racket des passagers et d’administrés plus fragiles, des sans-défense.
Les incorrigibles et malappris fonctionnaires d’Algérie classent leurs passagers en deux catégorie : les «ordinaires» et les « recommandés». Quand bien même il serait porteur d’un billet avec réservation, le passager ordinaire n’était jamais sûr de pourvoir embarquer. Lui préférant un autre, dit «recommandé», sans billet ni réservation.
J’ai régulièrement vu et alerté, la direction d’Air Algérie, en temps opportun, par courriers recommandés avec demande d’avis de réception, sur des cas de commandants de bord qui poussaient des caddys de clients sans billets ni réservation, de clients «recommandés» qu’ils les faisaient embarquer à Toulouse, par exemple, sans leur faire le moindre centime pour leurs énormes excédents de bagage. En même temps et sur le même comptoir d’enregistrement de bagages, un chef d’escale dont l’initial est «D», nom qui signifie : «Haineux», le bien nommé, humiliait un passager «Ordinaire », malade, sorti de l’hôpital, démuni, sera mis par le haineux chef d’escale face à une seule et unique alternative : payer ses dix kilos d’excédent de bagage ou de renoncer à son voyage. Cela s’était passé sous mes yeux à l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
Ecurés par leur pouvoir, des Algériens préfèrent payer moins à un fonctionnaire véreux que plus pour un trésor beylical sans fond ni morale aucune. Réprimé par leur employeur, le personnel d’Air Algérie réprime et se venge sur des femmes, des enfants, des vieillards livrés à eux-mêmes, à même le sol, sans secours ni informations, dans les aéroports de France. C’est pire en Algérie !
Aïssa Nejari