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À ENTV, Lénine n’est pas encore mort

 

Par : Mustapha Hammouche

Une policière intraitable et  brutale, l’après-midi, dans  une série qui se veut mimer  Les Experts, épouse maltraitée, la soirée, dans une mièvrerie sociale  et sentimentale ; des acteurs qui jouent dans une insipide suite de péripéties filmées pour le f’tour et qui apparaissent dans les pubs du même horaire.
Avec la production dédiée au Ramadhan 1432, l’ENTV aura atteint à la perfection de la médiocrité. Si bien que pour une fois, ses téléspectateurs les moins… regardants, n’arrivent plus à la regarder. Elle a enfin fini par faire l’unanimité, la Télévision nationale et unique ! Jusqu’ici, elle retenait en otages les férus de football, de “mousselsels” et de sketchs chorba. Mais là, elle est en train d’écœurer les derniers résistants de la consommation nationale à tout prix. Et les malheureux enclavés de la communication globale qui ne peuvent s’offrir que l’antenne hertzienne.
La direction de l’ENTV a, paraît-il, pris l’option de ne plus investir dans la production télévisuelle étrangère et de favoriser la production. Du coup, elle ne fait même plus rire à l’heure du f’tour, mais après, quand ses victimes se retrouvent à discuter de leur télévision. Les Algériens, qui n’ont pas les moyens de zapper, rient de leur télévision, faute de rire devant leur téléviseur.
Contre tout bon sens, les autorités ont toujours voulu faire croire au peuple qu’une télévision de pouvoir pouvait être une télévision de qualité. Mais ici, il n’est pas question de revendiquer une programmation de qualité : la laideur est inhérente à la production intellectuelle du monopole. Tant que l’espace audiovisuel est confisqué par l’exercice du pouvoir total, l’ENTV constituera avec la télévision birmane et nord-coréenne le résidu de la conception soviétique de la communication télévisuelle. Il n’y pas de bons produits de l’esprit sans liberté de créer.
C’est à se demander si les ministres qui se succèdent à la tête de secteur des instruments de communication y croient, quand, l’un après l’autre, ils arrivent avec la promesse d’une télévision plus “multiple” et plus performante. Pas sûr. Mais le pouvoir a peur de l’antidote de la médiocrité : la liberté. Alors, il s’embourbe dans une promesse feinte d’“ouverture” d’une télévision bloquée, par statut, par fonction et, donc, par nature.
Et même quand il est confronté à l’évidente nécessité d’“ouverture du champ audiovisuel”, il se crispe, effrayé, dans des conditionnalités de “progressivité” et de “cahier des charges”, un peu comme s’il devait d’abord s’assurer que toutes les futures chaînes ressemblassent à l’ENTV avant d’autoriser leur existence.
Dans le film Good bye Lenine, le fils d’une vieille militante du Parti communiste est-allemand tombée dans le coma en pleine chute du Mur et réveillée en période postsoviétique, devait lui passer des enregistrements de l’ancien JT de peur qu’elle ne soit choquée par le changement de discours.
Le régime semble prendre soin de lui-même en s’évitant le traumatisme d’une rupture en matière de liberté de communication. L’ENTV, si imbuvable soit-elle, vivra donc aussi longtemps que vivra un régime qui préfère se regarder discourir que de voir son peuple s’informer et se distraire.

M. H.
musthammouche@yahoo.fr   

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