Par Le Matin DZ |
Tayeb Belaïz, ministre de la justice.
Lors de la journée d’information sur la convention de l’ONU qui s’est déroulée le 22 septembre 2011, le directeur des affaires judiciaires et des grâces au ministère de la Justice reconnaît l’importance de la corruption, devenue, au fil du temps, un vrai phénomène de société.
Mokhtar Lakhdari qui pour la première depuis le déclenchement des affaires liées à ce fléau avoue l’impuissance de l’Etat de venir à bout de la dilapidation des biens publics qui métastase tout le système. Pour lui les statistiques présentées officiellement d’abord ne reflètent pas la réalité et représentent à peine 10% de l’ampleur de la corruption. En d’autres termes, les 324 affaires traitées en 2010 pour les trois secteurs des collectivités locales, de la poste et celui des banques ne sont que le 1/10éme de ce que devrait être normalement dénoncé.
Pour répondre aux sollicitations de la prévention et la lutte contre la corruption, il répondra que "l’implication de la société civile est primordiale dans la lutte contre la corruption". Son message a été perçu par les participants et les observateurs comme un aveu d’échec des pouvoirs publics qui rejettent la balle sur la société civile comme d’habitude. La veille, son ministre, Tayeb Belaïz, en marge d’une séance plénière de l’APN déclarait que "la lutte contre la corruption n’est pas seulement du ressort de l’Etat mais incombe à la société civile qui se doit de prendre en charge ce fléau dangereux qui menace la société algérienne". En l'espace de deux jours, les déclarations des uns et des autres affichent clairement la position stratégique du gouvernement pour répondre aux organisations internationales qui le classent dans ce domaine en haut de l’échelle ( 95e /105 pat TI en 2008). Il s’agit de renvoyer la balle comme toujours sur les citoyens. C’est une réponse classique donnée à chaque fois que les pouvoirs publics sont interpellés par les ONG. Lorsque le terrorisme a atteint des proportions alarmantes et intolérables et que des voix s’élevaient de l’étranger pour dénoncer la légèreté des moyens mis pour le combattre, le pouvoir fait appel à la société civile pour des manifestations voire même mettre à leur disposition des armes sans même réfléchir si cela n’aurait pas mené à une guerre civile mais juste pour se désengager et fuir ses responsabilités.
Le citoyen n’est-il pas assez perturbé dans sa vie quotidienne par des barrages dressés à tous les niveaux ? Il a même renoncé à ses promenades hebdomadaires pour souffler après une dure semaine de travail. Lorsque la situation sociale par accumulation de frustrations pousse les citoyens à la révolte, les responsables crient aux complots étrangers et appellent la population à la vigilance, l’unité et la solidarité au nom du sang des martyrs et les acquis révolutionnaires. Une fois le danger passé, le despotisme, le passe-droit et les dysfonctionnements reprennent dans tout le cercle du pouvoir. Donc cette tactique d’utiliser la société civile comme bouclier pour défendre leurs intérêts n’est pas nouvelle mais jusqu’à une date récente, elle se faisait plus discrètement. Il se trouve que cette fois-ci, le ministre de la Justice et son directeur central sont mal tombés.
Le 10 juillet 2011, le maire de Zéralda les a interpellés du fond de sa cellule pour leur dire qu’il avait dénoncé les agissements "douteux" d’un procureur et qu’il avait déposé plus de 27 plaintes sans aucune suite. Il a suffit qu’un citoyen manipulé et incité à en déposer une seulement pour que la maffia politico-financière déclenche sa machine comme si on allait attraper un lion par sa queue. Il a fait l’objet d’une arrestation digne d’un film d’Hollywood, et par qui ? Par la brigade antiterroriste alors qu’à peine deux mois auparavant, on disait l’état de siège levée. A ce jour et en dépit d’une forte médiatisation aucun motif valable n’est donné pour cette arrestation spectaculaire. Où étaient ces messieurs du ministère de la Justice lorsque le 29 août 2011 lors du procès de ce maire sur cette même affaire (d’ailleurs acquitté automatiquement par une jeune et courageuse juge), un jeune procureur d’à peine une trentaine d’année valide ce genre d’arrestation pour créer un précédent grave. Ainsi, un citoyen cité comme témoin dans une affaire en pleine instruction pourrait être cagoulé et menotté par une brigade spéciale pour être présenté devant le juge d’instruction comme témoin. Ils peuvent dire que nous exagérons mais c’est exactement ce que nous avons entendu durant l’audience.
A ce sujet justement et en dépit de la sollicitation de la presse des politiques et des ONG nationales et internationales, ni le parquet de Blida, circonscription juridiquement et territorialement compétente, ni ce directeur des affaires pénales encore plus son ministre ne se sont exprimés positivement ou négativement sur cette affaire. Dans les pays qui se respectent, on rompt le congé pour venir éteindre le feu car le système judiciaire vient de prendre une dérive dangereuse. Mais en Algérie, le citoyen n’a aucune valeur. Le souci de notre ministre pour combattre la corruption c’est d’envoyer les magistrats à l’étranger pour les formations détente et livrer 73 établissements pénitenciers d’ici une année. Une telle information donnée par un ministre dissuadera tous les citoyens pour dénoncer les affaires de corruption parce qu’ils y seront entassés.
Aujourd’hui, parce que des étranger sont ici, on apparait pour dire en Algérie tout va bien mais la société civile est complice et ne nous aide pas. Alors ! Jusqu’à quand on continuera à cacher le soleil avec un tamis troué ? Qui croit à cet appel de Tayeb Belaïz ?
Reghis Rabah, universitaire et consultant