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L’espoir tunisien

 

Par : Mustapha Hammouche

Dans la scène de mise à mort de Kadhafi se concentrent tous les enjeux de la guerre de Libye.
On y mesure le niveau de haine que son régime tyrannique a pu injecter dans la société libyenne, mais on y apprend aussi que les chefs de la rébellion, pas plus que l’Otan, n’avaient pas anticipé la gestion d’une éventuelle capture et que les deux n’ont donc pas favorisé l’hypothèse d’un procès de l’ancien “Guide”. On considère que, les images aidant, les Libyens ont, par procuration, infligé à leur tyran de quarante-deux ans de règne la fin qu’il méritait. L’impératif de justice et de vérité repassera.
On peut y lire aussi l’impatience des pays intervenants à liquider un chef de guerre dont la simple survie pouvait remettre en cause le processus de transfert ; or, pour des chefs d’État pressés par des échéances électorales, il est devenu urgent de présenter à leurs opinions et à leurs électeurs la victoire extérieure qui compensent quelques échecs locaux.
Cela rappelle qu’un dictateur déposé, même par la voie révolutionnaire, ne cède pas forcément la place à une forme de pouvoir plus évoluée. L’Afrique regorge d’exemples confirmant cette éventualité. On peut citer la succession “révolutionnaire” de Taylor à Doe, au Liberia. En Afrique du Nord et dans le monde arabe, la Libye constitue un cas inédit d’exécution “populaire” d’un autocrate déchu. Mais, auparavant, l’exécution a laissé l’impression d’une liquidation expédiée d’une tranche d’Histoire qui méritait plus qu’un procès de forme. Et le début de jugement d’un Moubarak alité et chargé par une accusation qui se télescope au prétoire donne l’impression d’un procès d’avance bâclé.
Il y a une espèce de gâchis dans l’exécution d’un dictateur juste au moment où il est mis en situation de rendre compte de ses abus. D’autant que la forme n’est pas mise pour épargner la grandeur de la révolution qui en est venue à bout.
L’incapacité de consacrer la révolution par un moment de solennelle et sereine vérité va-t-elle ternir, voire disqualifier le “Printemps arabe” ? Sûrement pas, car si l’image d’un lynchage en règle, d’un sanguinaire patenté soit-elle, peut écœurer, l’humanité ne regrettera tout de même pas l’élimination d’un Saddam ou d’un Kadhafi. Mais c’est justement cette humanité acquise au principe du droit à l’intégrité de l’être avant comparution que l’image du lynchage ou de l’exécution dérange.
Il vaut mieux ne pas faire du cas libyen un cas exemplaire de transition démocratique. Ne serait-ce que parce qu’on n’est pas encore là, loin s’en faut. Les enjeux, qui pointaient avant même la victoire militaire, ne manqueront pas de compliquer la marche de ce peuple vers la liberté. On peut, heureusement, tourner notre regard vers le test plus décisif et plus prometteur de l’élection, aujourd’hui, de l’Assemblée constituante de Tunisie.
Peut-être y trouverons-nous, enfin, un signe qu’il n’y a pas de fatalité culturelle de la violence en terre d’Islam et, comme Bourguiba a montré que la laïcité y est possible, la “révolution du Jasmin” nous prouvera que la démocratie n’y est pas une utopie.
M. H.

musthammouche@yahoo.fr

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